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On m'amena dans le grenier.

- Eh bien ? m'impatientai-je. Où sont les autres ? Qu'est ce qu'on fait là ?

- Minute, papillon, fredonna Ebbe.

Il jeta un regard à Marcel, qui lui tendit une lampe torche. Il éclaira le mur et les contours d'une porte apparurent. Je m'approchai alors et tirai sur la poignée. La porte s'ouvrit sur un vieux couloir dans un sinistre grincement.

- Mais qu'est ce que...

- Allez avance, ne me dis pas que tu as peur ? ricana Ebbe.

- Non... Non, tu as raison, allons-y.

Le couloir menait à une grande pièce plutôt sombre. Elle était éclairée par un feu, qui projetait d'étranges lueurs verdâtres sur les murs. Disposés en arc de cercle devant la cheminée, se trouvaient des fauteuils, une méridienne et un canapé semblant dater du XIX ème siècle. Mes amis étaient avachis dessus.

- Alors ma chère, comment trouves-tu mon petit repère secret ? rit Annabel en se levant.

- C'est extrêmement glauque... frissonnai-je. Comment se fait-il que l'on ne soit jamais venues dans cette partie du manoir ?

- Tout simplement parce que je ne l'ai découverte que récemment, en faisant le ménage dans le grenier. Il semblerait que cette pièce n'ait pas été occupée depuis au moins cinquante ans.

- Oh ! Comment le sais-tu ?

- Tout d'abord, la quantité de poussière présente sur les meubles est un bon indice, tu ne crois pas ? expliqua-t-elle. Et puis, regarde les portraits accrochés au mur. Le dernier date de 1927.

- C'est étrange, cette fille me rappelle quelqu'un... 1927, tu dis?

- Oui, mais figure toi qu'à moi aussi. Mais je n'arrive pas à trouver. Je pense qu'elle te ressemble, tu ne trouves pas ?

- C'est... Vrai! C'est vraiment étrange !
Qui est-ce ?

- Ça doit être mon ancêtre, euh... Attends je vais vérifier son nom. Ah oui, elle s'appelle Clara Rosenberg. C'est un portrait d'elle peint le jour de ses dix-huit ans.

- Je trouve tout de même qu'elle a l'air drôlement triste, répondis-je. J'avais remarqué une drôle d'inscription dans le bois et m'apprêtai à la déchiffrer.

- Oh quelle coïncidence ! Elle aussi est née le 31 octobre ! Enfin bon, je ne t'ai pas fait venir ici pour te parler de mes ancêtres. Va t'asseoir avec les autres pendant que je vais amener le livre.

- Oui... Quelle coïncidence, murmurai-je en fronçant les sourcils.

Je m' agenouillai entre Lena et Ingrid, qui me firent une petite place dans le cercle. Je me dis que je pourrai toujours lire l'inscription plus tard.

- Est ce que tu sais ce que l'on va faire ? chuchota Lena.

- Non, je n'en ai aucune idée. Je sais juste que nous allons jouer à un jeu.

- Ah, hum... Je vois que l'on a voulu garder l'effet de surprise, fit elle en se raclant la gorge. Franchement les gars !

- De quoi tu parles ? Quel effet... commençai-je, mais je fus interrompue par l'arrivée d'Annabel, toute essoufflée, vacillant sous le poids d'un livre extrêmement ancien relié de cuir.

- Alors Ingrid, va allumer les bougies... s'il te plaît, et Romy... va tracer l'étoile dans le cercle avec cette craie, articula-t-elle en reprenant son souffle.

- Attends, attends ! Quelle étoile ? Quel cercle ? Quelles bougies ? Mais qu'est ce qui se passe enfin ? Je croyais qu'on devait jouer à un jeu, pas accomplir un rituel satanique ! m'écriai-je, paniquée.

- Mais ne t'en fais paaaas ! Oh là là cette Heidi, tu t'inquiètes toujours trop ! On va juste faire un petit truc de rien du tout, je te promets ! me dit-elle en riant.

- Je ne veux pas Annabel, tu m'entends ? Je refuse ! Je ne veux pas faire partie de votre plan foireux là !

- Nous allons juste essayer d'entrer en communication avec l'esprit de Clara, pour voir si tu as des dons de médium. Nous l'avons tous déjà fait dans le groupe, et ce n'est pas dangereux du tout ! expliqua-t-elle. Malheureusement personne n'a encore réussi lui parler, et ça va sûrement échouer pour toi aussi

- Mais non, mais je te dis que je ne le sens pas...

- S'il te plaît, fit-elle en joignant les mains.

- Oh oui, s'il te plaît, reprirent en chœur les autres.

- Bon... Je veux bien. Mais si ça commence à faire peur, j'arrête tout de suite.

- Oh merci merci merci ! cria-t-elle en me sautant au cou. Allez, va te placer au milieu de l'étoile.

Je m'exécutai, en faisant attention de ne pas écraser les bougies. Alors tous se regroupèrent autour de moi en se tenant la main. Annabel ouvrit le grand livre et commença à lire à haute voix.

- Spiritus hic es ? Somnum expergiscis et nuntiam revocas.

Je sentis soudain l'atmosphère se refroidir autour de moi. La lueur des bougies vacilla jusqu'à disparaître tout à fait. Je fermai les yeux, terrorisée à l'idée qu'un esprit puisse me parler. Je me sentis comme aspirée dans une spirale, et puis... Plus rien.

J'ouvris grand les yeux et regardai autour de moi. La pièce était sombre, seul un rai de lumière vive passait à travers le volet. Aucune trace du feu ni des bougies. Il semblait faire jour. Avions nous joué aussi longtemps ? Non, j'avais sûrement dû m'assoupir, et mes amis, pour me faire une farce, m'avaient laissée seule ici. Je pris une grande inspiration et me sentis tout de suite plus détendue. Après tout, il n'était pas si terrible que ça, ce petit jeu ! J'allai ouvrir les volets, et la lumière extérieure m'aveugla, si bien que je ne pris pas le temps d'admirer le jardin.

Me retournant, je me rendis compte que l'étoile n'était plus par terre et que les bougies avaient disparu, ainsi que le portrait de Clara Rosenberg. Il me sembla que les meubles n'étaient plus poussiéreux, mais lustrés et brillants. Encore une farce sûrement. Je haussai les épaules et me dirigeai vers la porte. Un détail cependant attira mon attention. Une petite broche en or gisait par terre. Elle semblait être d'une grande valeur. Je la ramassai et l'examinai. Elle représentait un sablier. Décidément il n'y avait que des choses étranges ! J'ouvris la porte et m'aventurai dans le couloir.

Year in pastOù les histoires vivent. Découvrez maintenant