Un flic et un fantôme

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En deux ans de carrière, j'assistais enfin à une vraie affaire. Je ne me réjouis pas qu'un crime plus grave qu'un simple vol et du vandalisme se soit manifesté, mais pour la première fois depuis que je suis devenue flic j'enquête sur ce que j'ai toujours voulu enquêter, ce pourquoi j'ai voulu faire partie de la police depuis que je suis gamine.


Pas très tard hier matin, le directeur du seul lycée du coin nous a appelé pour nous signaler l'absentéisme d'une élève. D'après lui elle ne serait pas venue depuis presque un mois et malgré leurs nombreuses tentatives, personne n'a su joindre les parents.  

J'ai donc été dépêchée sur place pour en apprendre un peu plus sur la situation. Puis après avoir obtenu l'adresse des parents et avoir informé mon supérieur de mon déplacement, je me suis rendu au dit-domicile avec Marc, un collègue.


Je crains un peu ce que nous allons trouver. On en entend tous les jours, ces affaires où les parents battent leurs enfants. D'après le proviseur, elle est fille unique. Quand nous avons demandé à interroger ses amis, les seules personnes ayant des « liens » avec elle étaient ses camarades de classe qui n'ont pu nous dire seulement son nom. Ils la décrivent comme une personne discrète et qui ne se faisait jamais remarquer. Ça m'attriste, mais c'est souvent comme ça que ça commence...


Après un quart d'heure de route passé dans l'angoisse et le silence, nous arrivons enfin devant une maison presque tout ce qu'il y a d'ordinaire, hormis un cruel manque d'entretien. Après avoir échangé un regard, nous descendons du véhicule et nous nous présentons au pas de la porte. Je frappe plusieurs fois avant d'entendre un râlement roque, encore endormi:

"C'est pour quoi?" 

"Agent Flavie Min de la police, veuillez ouvrir s'il vous plaît."

Je fus surprise par le nombre de verrous que l'on  désactiva derrière la porte. Après une bonne dizaine de tintements, la porte s'ouvrit sur un quinquagénaire plutôt typé. 

L'homme porte un débardeur blanc et sal, néanmoins plus propre que l'individu lui-même: des dents jaunâtres, une haleine repoussante, une barbe mal rasée et des yeux brillants et peuplés de petits vaisseaux rougeâtres. Je n'ai pas besoin de jeter un œil à son antre pour savoir qu'il n'est pas sorti depuis plusieurs jours. 

"Qu'est ce que vous voulez?"

Sa voix me paraît encore plus rauque maintenant qu'aucune porte ne nous sépare. J'en profite pour jeter un œil à l'intérieur enseveli par un bazar monstre.

"Nous sommes venus prendre des nouvelles de mademoiselle Eva Krook, me devance Marc. Elle ne s'est pas présentée au lycée depuis plusieurs semaines et nous p-"

"Désolé de vous décevoir mais je vis tout seul ici."

Surprise de sa révélation je crus un instant m'être trompée d'adresse et je m'empresse de comparer le numéro de la porte avec celui indiqué sur le dossier. Mais les deux chiffres sont identiques. Est-ce qu'il mentirait? Mais alors pourquoi jouer si gros alors que nous avons des preuves sous le nez?

"Oh, vraiment? s'étonne mon collègue. Pourtant l'adresse indiquée sur son dossier d'inscription correspond à la votre."

"Je sais pas qui vous cherchez mais ce qui est sûre c'est que cette personne n'est pas ici. Maintenant allez-vous en, j'ai pas de temps à perdre avec votre merdier."

Alors qu'il referme la porte, Marc bloque celle-ci avec son pied avant de rajouter:

"Si vous n'avez rien à vous reprocher, vous nous laisserez entrer! Juste l'affaire de deux-trois minutes, ne vous en faites pas."

Et sans attendre l'autorisation du locataire il entre dans la maison.

"Oh! Vous avez pas le droit de faire ça!" vocifère alors l'homme. 

"Qu'est ce que vous en savez?" Rajoute mon partenaire sur un ton insouciant, cherchant à ouvrir une porte bloquée par les détritus jonchant le sol.

L'homme l'attrapa par l'épaule et le plaqua contre l'un des murs de ce taudis, puis lui souffla au visage:

"Je le sais en tant qu'ancien flic, connard."








"Tu penses qu'il disait vrai?" Demandais-je sur le ton le plus innocent possible. 

Après l'altercation, nous avons quitté les lieux d'un pas pressé. J'aurais bien voulu fouiller cette maison mais nous risquions gros si ce type portait plainte. Nous sommes donc retournés dans la voiture en silence, la queue entre les jambes. 

"De quoi? Qu'il sait pas où est la gamine ou que c'est un ancien flic?"

"Les deux..."

Il souffla consterné avant de se tourner vers moi.

"J'en sais rien, tout ce que je peux te dire c'est que ce type trafique quelque chose, il est pas net."

"Qu'est ce que tu en sais?"

"T'en connais beaucoup des gens qui, en plus d'avoir l'adresse du domicile d'une disparue, refusent que des agents contrôlent sa maison?"

Un frisson me parcourra l'échine lorsqu'il prononça le terme « disparue ».  Cette jeune fille... lui est-il arrivé quelque chose de grave? J'aimerais espérer que tout ne soit qu'un malentendu mais quand j'expose les faits devant moi, trop de choses ne coïncident pas.

Pourquoi avoir mis une fausse adresse; du moins si l'homme dit vrai?

Où vit-elle ?

Avec qui?


Plus j'étudiais son cas, plus j'avais l'impression de courir après un fantôme...

CreoberosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant