C'était la douche froide. Il venait tout bonnement de m'humilier. Je n'ai pas une fierté de fer, mais comme toute personne censée j'en ai un minimum. Je ne pu empêcher une légère moue de s'installer sur mon visage, faisant sourire, presque sadiquement, le-dit Samuel.
"Alors?" brisa-t-il enfin le silence.
"Alors quoi?"
J'essaye de rester le plus neutre possible mais mes mains tremblantes trahissent tous mes efforts.
"Tu as déjà tenté de partir?"
"Non."
Mon ton est froid. Peut-être un peu trop même, car il me jette un regard erroné et un sourire en coin illumine son visage.
"Vous ne me croyez pas?"
Bien sûrs qu'il ne me croit pas, même un imbécile pourrait voir que je mens.
"Je ne pense pas que tu sois une idiote."
Comme pour couper court à cette conversation, il place son menton dans le creux de ses mains et pose sa seconde question:
"Tu sais cuisiner?"
Et moi qui pensais que sa première question était la plus bizarre...
"Je sais faire quelques trucs..."
"J'ai hâte de goûter ça!"
Il se lève et frotte amicalement sa main sur le haut de mon crâne avant de sortir comme il était rentré, n'oubliant pas d'embarquer l'assiette sale. Alors qu'il franchit le seuil de la porte, le bas du corps caché par celle-ci, il me dit calmement:
"Tu feras tes preuves demain."
Je ne sais pas si la porte s'est fermée tout de suite après, ou même si elle s'est tout simplement fermée. Tout s'est passé beaucoup trop vite. Faire mes preuves? Demain?
Je jette un regard circulaire autour de moi, analysant la pièce et ses recoins. En quelques secondes je visualise un four, une table, des ingrédients, des ustensiles; tous à ma disposition. Je m'imagine en tablier, préparant un succulent curry comme ceux que je prépare en automne.
Oui, tout est pareil. La grande cuisine et son équipement loin d'être moderne mais en très bon état. Cette grande fenêtre donnant sur le jardin recouvert de feuille morte, où l'on peut voir parfois quelques petits animaux passer furtivement. Ces assiettes bleues ciel ornées de petites plantes grimpantes dessinées sur les rebords, posées sur la vieille table en bois en partie cachée par une grande nappe en tissu orange. Et elle, assise sur sa chaise, se tortillant, l'estomac réclamant ce repas dont l'odeur me parait presque réelle.
C'est avec ce souvenir doux et chaleureux que je m'endors sur le sol froid et humide de cet endroit.
Je sens quelque chose de désagréable. Ce n'est pas physique mais il y a quelque chose d'inhabituel.
Je sens une présence.
Je soulève péniblement les paupières et je me retrouve nez à nez avec des semelles de chaussures boueuses.
"Salut toi."
En une fraction de seconde je revis cette soirée. Le cœur battant, je me lève brutalement, étouffant un cri.
Il est là, devant moi, assis en tailleur et me regardant avec une douceur agréable. Est-ce qu'il a fait exprès? Je serais prête à parier tout ce que j'ai, du moins, s'il me restait encore quelque chose...
Je l'observe se redresser et s'approcher, jusqu'à ce qu'il sorte quelque chose de sa poche. Instinctivement, je fais un mouvement de recule et ferme les yeux avant de sentir une pression autour de mes chevilles. J'ouvre doucement les yeux, comme par peur que quelque chose me saute au visage, et constate que l'objet qui m'avait causé une pareille frayeur n'est nul autre qu'une petite clé.
Elle semble plutôt âgée, une estimation faite grâce à la rouille qui la compose. Elle est plus petite qu'une clé ordinaire mais semble plus massive. Alors que je contemplais l'objet, il inséra celle-ci dans la serrure du bracelet retenant ma cheville.
Ce cliquetis devenu presque familier, qui me donnait des ailes lorsque je l'entendait et qui composait mes rêves les plus fous résonna dans la salle. La pression écrasante autour de ma cheville disparue, laissant apparaître des traces violâtres sur des contours enflés. Il me tend sa main que je saisis sans réfléchir, et en quelques secondes je me retrouve debout, vacillant sur mes jambes devenues trop faibles pour me supporter. Alors que mon corps manque de rencontrer à nouveau le sol, Samuel m'attrape à la volé, me serrant dans ses bras et m'enveloppant d'une douce chaleur.
Je profite un instant de ce réconfort avant de me sentir soulevée puis portée vers la porte.
Soudain, la situation jusque là trop irréaliste pour que je puisse comprendre quoi que ce soit, apparue devant moi comme un coup de tonnerre.
Vais-je sortir d'ici?
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Creoberos
HorrorJe m'appelle Eva Krook. Lycéenne, fille unique et à l'apparence normale. Vous vous apprêtez sûrement à ce que je vous conte l'une de ces histoires à l'eau de rose, sur la relation entre une fille rebelle et mignonne et un badboy. Mais les contes de...