Jusqu'au dernier souffle

Chapitre 6

- Cette bouteille ci tu devras te l'enduire sur tout le corps chaque matin avant de partir à l'examen. Celle là il faudra en boire et en mettre quelques gouttes dans l'eau que tu utilises pour te doucher. Fais attention à ce que je t'ai dit Boubacar, ne donnes la main à personne.

- Ce stylo sera celui que tu utiliseras durant toutes les épreuves. Et cette amulette tu devras la porter autour de ta taille et veille à l'enlever à chaque fois que tu iras dans les toilettes...

Boubacar était à la veille des examens du baccalauréat, entouré de sa mère et de sa tante, chacune lui faisant des recommandations. Mais à vrai dire il ne savait plus où donner de la tête avec tout ce qu'elles lui demandaient de retenir. Bien entendu sa mère l'avait obligé à aller voir le vieux marabout du village pour disait-elle le '' préserver du mauvais œil ''. Cela devait être la première fois qu'il entrait dans cette chambre sombre du guérisseur car il essayait tout le temps d'y échapper quand Yaye Rama voulait l'y emmener. Et cela avait bien marché jusqu'à ce jour ci où il y avait été contraint. Il ne distinguait pas très bien les objets qui composaient la pièce mais il se contentait de le regarder faire. Parfois il prenait du sable qu'il mettait dans un bout de papier, ou alors parfois c'était une bouteille à la couleur douteuse que Thiékoura remettait à sa mère. Sa tante Collé elle, s'était donné la peine de parcourir tous les horizons, de fouler tous les sables, de rassembler toutes les eaux afin de l'aider à la réussite de son examen. Chacune faisait de son mieux et parfois il avait même l'impression que ces dernières tenaient plus à ce diplôme que lui même. Ou alors que sa mère et sa tante étaient celles qui devaient passer les épreuves à sa place, lui le principal concerné. Et elles se donnaient tellement de mal que le jeune homme venait à en avoir pitié de ses deux mères.

Trois jours, c'était la durée des examens du baccalauréat. Trois jours pendant lesquels Yaye Rama n'avait presque pas quitté sa natte de prière. Mais également trois jours durant lesquels, Ablaye était resté cloitré dans sa chambre à réfléchir. Tous ses repas l'y trouvaient amenés par une Yaye Rama qui ne parlait même pas. Et cela avait le don d'augmenter son stress. Cette dernière restait muette à longueur de journée et cela était une attitude qu'il ne lui connaissait pas. Et comme augmenter la pression, son épouse restait sur sa natte tout le temps. Les rares fois où il l'entendait parler c'était tôt le matin quand elle saluait sa grande sœur. Cette dernière qui, et il le savait, ne l'avait jamais porté dans son coeur mais le père de famille faisait de son mieux pour l'éviter dans la demeure. Ablaye entendait Rama à cette heure aussi matinale, tout simplement car il ne dormait pas, il n'y arrivait pas et durant toute la nuit le père de famille ne faisait que se tourner et se retourner dans son lit. Quelque chose occupait ses pensées nuit et jour, sans cesse. Et à cela venait s'ajouter le mutisme de sa femme, chose qu'il ne comprenait pas. Et il n'envisageait même pas que cela ait un lien avec l'acte qu'il avait commis. Non cela était impossible et impensable que Rama en sache quelque chose. C'était un moment de faiblesse, il le savait, et Ablaye s'était juré de ne plus se laisser faire de la sorte. La honte l'avait envahi et n'avait fait que le ronger depuis lors. Il ne savait plus comment il devait faire pour regarder Moussa dans les yeux. Et pire il n'arrivait même plus à tenir le regard face à celle qui vivait sous son propre toit, son épouse. Cette dernière qui avait sacrifié toute sa jeunesse et toute sa vie pour lui et pour son propre bonheur. Aujourd'hui il avait mal, mal d'avoir osé agir comme il l'avait fait. Ablaye ne savait que trop bien ce qu'était l'adultère et ce que sa religion disait par rapport à cela.
Le père de famille avait parfois la sensation de se sentir emprisonné dans sa propre maison. Et pour unique raison le fait que sa moitié lui tournait le dos tout le temps. À chaque fois qu'il voulait aborder le sujet et essayer de savoir ce qui n'allait pas avec cette dernière, elle se rétractait tout aussitôt, prétextant quelque chose à faire.