Rêve de Lumière

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Mme Helmouth professeure de littérature, circule entre les rangs les bras chargés de copies corrigées. La moyenne de la classe est plutôt bonne, bien qu'il y ait toujours, sans grande surprise, des élèves en difficultés. Chaque feuille rendue est accompagnée d'un commentaire encourageant. Isolé au fond de la salle, Castiel attend patiemment que la professeure lui rende sa feuille. La femme lui tend avec un sourire en guise de commentaire, une bonne note en prévision. Il regarde et en effet, comme prévu un 18 sur 20 vient couronner son évaluation. Castiel n'était pas orgueilleux, il ne clamerait pas sur les toits quelle bonne note il avait eu. Il était au contraire de nature modeste, à vrai dire, il se fichait profondément de ses notes. L'école n'était pas sa passion, il y était bon sans pour autant l'apprécier.
La sonnerie retentit annonçant la fin du cours et de la journée. Tous les élèves sortirent donc, en discutant. Lorsqu'ils passèrent la porte, leurs paroles se mêlèrent à celles de la foule, formant un tout, rendant indiscernables les voix des locuteurs. Castiel sortit à son tour de la pièce, se mélangeant à la foule comme une ombre silencieuse entrant dans les ténèbres du bruit. Au primaire les autres enfants se moquaient de lui du fait de son père absent, aujourd'hui ils sont à la limite de la crainte lorsqu'ils le voient approcher. Les superstitions humaines stipulaient que la solitude, maladie difficilement curable et douloureuse était contagieuse. Qui oserait violer cette grande règle  pour paraître un minimum humain? Pas grand monde n'est ce pas, les règles passent avant l'humanité qui s'efface en chacun de nous. Déjà persuadé alors que cette vie n'était pas la sienne, ce genre de choses paraissaient alors broutilles aux yeux de Castiel.
Le garçon quitte l'établissement et rentre à pied chez lui. Sur la route, il branche son vaisseau musical, pour réfléchir au monde, parfois aux autres. Les mélodies pareilles à des vitres fumées lui cachaient les murs dégoulinants de guerres, d'injustices, de famines que lui montrait cette vie. Il avait lu que le cerveau cherchait avant tout à rendre son hôte heureux, cette étude l'avait marqué, elle creusa un début de réflexion, au bout de ce chemin il aboutit sur deux hypothèses, la première, son cerveau était défaillant, la seconde, il était trop exigeant. Ses notes exemplaires rendaient la première peu envisageable, il bifurqua alors sur la deuxième et chercha une solution à ce problème majeur. Il envisagea de voir quelqu'un spécialiste en bonheurologie, psychothérapeute ou philosophe peu lui importait tant que cette personne était attentive à ses confessions. Il mit cette idée de coté puis l'enterra, préférant continuer sa route en quête de l'Idée suprême. Sa destinée était quelque peu scellée par l'actuelle société-prison qui le privait de maintes directions. Il creusait donc en conséquence, aux endroits les moins susceptible de tirer la chaîne qui muselait ses ailes, risquant à chaque tensions de les arracher.
Prenant conscience qu'il était arrivé, il enleva ses écouteurs avant d'ouvrir la porte d'entrée de la maison sans prétention bien que moderne, qui était la sienne. Cela fait quelques années que ce toit l'abrite, lui et sa mère. Le claquement de la porte passé il lança en l'air telle une balle un signal vocal de présence à l'intention de sa mère, qui le lui renvoya jovialement. Les odeurs de nourriture lui firent comprendre qu'elle était dans la cuisine. D'après son odorat, elle préparait un plat en sauce cela ne pouvait être de la viande étant donné qu'ils avaient communément fait le vœu de végétarisme, "les animaux nous laissent tranquille alors faisons de même" telle était leur philosophie, il soupçonna donc les pâtes. Le penseur monta dans sa chambre pour faire ses devoirs. Il posa son sac par terre et s'assit en tailleur sur son lit double à la literie unie. Tout en travaillant il écoutait de la musique, il en écoutait très souvent, la musique rythmait son ennui. Absorbé par son exercice de maths il n'avait pas entendu sa mère l'appelant à table, ce qui l'obligea à monter à l'étage voyant que son fils n'accusait pas réception. Elle le trouva tête baissée sur son livre de cours, comme hypnotisé. La réitération de l'annonce le tira de sa torpeur dans un sursaut.
Son nez s'était trompé de peu, car ce soir là au menu, lasagnes, végétariennes bien entendu. La discussion fut plutôt animée en comparaison des autres jours, ils parlèrent de tous et de rien, la routine surtout, mais c'était agréable. Castiel s'entendait bien avec elle, néanmoins il ne pouvait s'empêcher de se dire: et si mon père avait été là, aurait-ce été différent? Cette question restera malheureusement sans réponse. Ce n'était pas grave si personne ne pouvait y répondre il se sentait soutenu par sa mère et c'était le principal. Serviablement il fit la vaisselle, offrant à sa mère un peu de repos, elle la pris sans contestations en allant se coucher. Ayant fini ses corvées Castiel admira par la fenêtre. La lune s'étant éclipsée elle laissait place aux étoiles. Il exprima s dans une longue inspirations e silence de la pièce ainsi que sa fatigue . Cette ambiance le plongea dans une torpeur confortable, une de celle dont on voudrait bien ne jamais sortir. Après cet instant, il se décida à aller dormir à son tour même si la journée suivante sera tout aussi éphémère et sans saveur. Sa motivation pour ce genre d'occupation restait un mystère, pour lui.
Cette nuit là fut étrange, Morphée eut vite raison de lui. La première partie de la nuit resta calme cependant au bout de quelques heures il commença à rêver. Debout, seul, sur une étendue de poussière grise parsemées de cratère comme sur une planète errant dans le cosmos noir et vaste d'un univers inconnu, il voyait s'éloigner, avant de disparaître petit à petit, la vapeur qu'il dégageait. Face à l'infini, il ne se sentait pas perdu ou inquiet, mais plutôt comme dans un lieu vaguement familier. Peut être y était il venu il y a longtemps, il ne s'en rappelle pas. Le silence est lourd, total, on pourrait presque le toucher, ayant arrêter de réfléchir, il contemple l'immensité de cette galaxie. Le ciel est d'un noir de jais, transpercé par des milliards de petites étoiles, qui dansent autour des divers corps célestes nageant dans l'infini. L'arrachant soudainement à son exploration visuelle, quelque chose s'empare de lui, le tirant vers le bas, un monstre affamé ayant enfin trouver une proie convenable qu'il pourra aspirer de l'intérieur.
Tout s'est ensuite passé très vite, comme si on avait fait avance rapide, les images tourbillonnent, deviennent floues puis le noir total. Quelques minutes s'écoulent avant qu'une bande vidéo surgisse devant lui l'éblouissant intensément. Une créature couronnée, courbée et courroucée semble en avoir après, dans un langage étrange, ses semblables ou peut être sont-ce ses esclaves. Brusquement un changement de bande vient effacer le souverain furieux. Cette fois ci une espèce de crabe hybride géant, croisé surement avec une araignée transporte des coffres forts sur son dos, un air agressif et intimidant figé sur ses multiples yeux arachnéens. Une file de Crabes-araignées se forme prenant toute la longueur d'un immense hangar industriel. Un écran blanc, pareil à celui du début force le rêveur à fermer les yeux tant sa puissance devient extrême. En sueur, Castiel se retrouve dans sa chambre, un mal de tête atroce l'assène. Il se résout à sortir de son lit pour aller boire, en espérant que la douleur partira. La lumière de la salle de bain lui révèle la pièce confortable dans laquelle il passe si peu de temps, trouvant ridicule l'idée de se confondre aveuglément dans sa propre admiration. L'eau l'allège de quelques grammes sans pour autant le débarrasser de ce kilos qui lui vrille la tête. Voyant que la douleur persiste, il décide de se recoucher puisqu'il n'y a que cela qu'il puisse faire. Au bout d'une demi heure, son mal s'estompe peu à peu. Il essaye d'analyser son rêve, se rappelant de l'étrange lumière, des Crabes-araignées et du souverain mécontent. Jamais auparavant il n'avait eu ce genre de songe, n'ayant aucuns liens avec son présent ou sont passé, cette vision est difficilement interprétable. Dans un carnet vierge, il décrit en détails son rêve avant de se rendormir pour de bon.

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