1 : Tes conneries

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Une musique aussi exaspérante que celle de Jul me réveilla. Dans un grognement inintelligible, je finis par éteindre la source de mon désagrément, non sans un sourire triomphal. Sur mon portable, en rappel, un mot me frappa brutalement.

Rentrée ☠️

Soudainement parfaitement réveillée, je me redressai, une boule au ventre. Ça y est, c'est arrivé. Cette rentrée m'avait taraudée durant toutes les vacances d'été. Bien plus qu'une simplement reprise des cours, elle symbolisait pour moi le retour à la "vie normale". Après un an et demi de cours à domicile, j'avais du mal à imaginer comment tout cela allait se dérouler. J'avais beau avoir visité l'établissement il y a peu, j'avais déjà oublié où se trouvait l'entrée.

Au fait, désolée pour les fans de Jul. Je respectais tous les goûts musicaux. Enfin, presque.

Je m'habillai rapidement - un jean noir, une veste noire, des chaussures noires, et, pour varier, un sac noir. Pour ne pas que cela fasse comme "si j'étais en deuil" selon Agathe, j'avais rajouté un t-shirt blanc oversize.

Lorsque je descendis, Agathe Garcia, ma mère "adoptive", s'écria :

"Comme tu es jolie !"

Malaise quand tu nous tiens. Je me retins de lever les yeux au ciel et lâcha un merci blasé. Sans se départir de sa bonne humeur, Agathe ajouta :

"Regarde, je t'ai même acheté un croissant tout frais!"

Une bouffée d'affection m'envahit alors. Agathe était comme ma deuxième maman, elle m'avait toujours aidée et soutenue. Je répétai, cette fois avec sincérité :

"Merci beaucoup, Agathe."

En réponse, elle déposa un baiser sur ma joue. Je m'assis, n'osant pas lui expliquer que mon cœur était si serré que j'étais incapable d'avaler la moindre bouchée. Encore plus excitée que moi, Agathe me demanda :

"Pas trop stressée ?
- Non, pas du tout. J'ai tellemeeeent hâte, ironisai-je."

Agathe m'ébouriffa les cheveux dans un sourire plein de tendresse.

"He, tu vas les emmêler ! m'écriai-je en prenant un ton faussement indigné.
-  Tu es sûre que tu ne veux pas que je t'emmène au lycée en voiture ? fit-elle sans se préoccuper de mes plaintes.
- Plus vite je me réhabituerai, mieux ce sera, la rassurai-je."

Agathe soupira un bon coup avant de s'en aller. Elle était notaire, il me semble. Je l'admirais de réussir à concilier si bien vie familiale, professionnelle et personnelle. Elle était si généreuse de m'avoir accueillie ! Même si elle ne l'avait pas fait par bonté de cœur mais parce que mes parents le lui avaient demandé, je lui en étais profondément reconnaissante. À la fin de cette année de lycée, quand je partirai, je savais même qu'elle en
éprouverait un certain soulagement. Il était difficile de garder en permanence sous son toit un enfant qui n'est pas le sien. Et ce n'est pas comme si mon sale caractère m'aidait.

7h10 ! Mon bus passait à 7h20. Je fonçai vers la salle de bain et grimaçai en contemplant mon reflet peu flatteur en cette douce et belle matinée pluvieuse. Mes petits yeux dont j'avais hérité de mon père vietnamien étaient bouffis de sommeil, et ma peau légèrement matte n'était pas vraiment resplendissante. Je tentai d'améliorer le tout avant de m'en aller, non sans jeter un regard à la photo qui trônait près du miroir. C'était un cliché de mes parents. J'avais hérité des traits de ma mère ukrainienne et des couleurs de mon père. Comme toujours, voir cette photo me provoqua un léger pincement au cœur. Mais je me forçais à balayer ces mauvaises pensées ; il était temps que j'aille de l'avant et que j'arrête de me morfondre.

Quand je sortis de la maison, j'attrapai un parapluie particulièrement laid pour me protéger de la pluie, même si cela porterait un coup à mon image "cool".

Il y avait déjà cinq lycéens à mon arrêt, qui squattaient généreusement l'abri bus. Bien sûr, me voilà condamnée à rester sous la flotte. Je sortis mes écouteurs, mais un garçon m'interrompit en s'approchant vers moi. Il avait la peau mate et une coupe afro qui encadrait son visage souriant et parfaitement dessiné.

"Salut. Tu es la nouvelle, c'est ça ? Ouais, difficile de ne pas savoir qu'il y a une nouvelle dans notre petit bahut. Ça va ? Comment tu t'appelles ? Tu rentres en quelle classe ?
- Euh..."

Voilà que ma timidité refoulée refaisait surface. Génial. C'est vraiment le moment.

"Je m'appelle Thylane ; je rentre en terminale littéraire, débitai-je mécaniquement dans un sourire coincé. Et toi?
- Matthieu, mais tu peux m'appeler Matth. Et je passe en term ES. Le gars là-bas, ajouta t-il en pointant du doigt un garçon qui nous tournait le dos, passe aussi en term L ; vous allez être dans la même classe, il n'y en a qu'une. Je vais te présenter, si tu veux."

Sans attendre mon consentement, il m'attrapa le poignet et m'entraîna vers le fameux gars. Je passai devant deux filles magnifiques et leur lâchai un petit sourire. En réponse, elles m'observèrent de haut en bas avant de se murmurer quelque chose à l'oreille. 

Un peu déconfite, je baissai les yeux.

"Sam, je te présente Thylane, une autre folle qui va en L."

Aussitôt, je relevai la tête, et manquai de peu de trébucher - cliché, je vous l'accorde. Je ne m'attendais pas à voir un tel visage. Sam... eh bien, il était beau. Mais pas d'une beauté classique et parfaite ; son visage pâle était constellé de tâches de rousseur, des cheveux épais, débraillés et roux lui ornaient le crâne, sans parler de ses fascinants yeux verts d'eau qui ressortaient étrangement. Il était un peu plus grand que mon mètre soixante-dix.

Visiblement, il n'était guère intéressé par ma présence. Alors que mon cœur battait la chamade sous ses yeux mystérieux, il lâcha d'une voix agacée :

"Il est 7h, et c'est la rentrée, là. C'est pas le moment pour m'embêter avec tes conneries.
- Tes conneries ? ne pus-je m'empêcher de répéter. Pour qui tu te prends ?"

Trou du cul. Je ne connaissais pas ce type, mais il n'avait pas à se comporter comme un roi. Je sentais une certaine tension entre Matth et lui ; peut-être que cela expliquait sa froideur. Alors que Sam me tournait le dos, j'entendis une voix critique dans mon dos :

"Elle fait trop la désirée.
- De ouf."

Les deux filles. Moi qui croyait que Sam se démarquait avec sa mesquinerie, c'était plutôt Matth qui sortait du lot avec sa gentillesse. Ce dernier me fit signe d'avancer dans le bus qui était arrivé. Ça commence bien.

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Bonjour ! Comment allez vous ?

Avant tout, merci d'avoir cliqué sur la fiction et encore plus d'être arrivé jusqu'ici ! Voici donc le premier chapitre ; j'espère qu'il vous a plu. Avez-vous des remarques ? 😊

N'hésitez à me dire si vous repérez des fautes d'orthographe, de grammaire,... je suis preneuse de tout conseil!

J'essaierai de poster le plus régulièrement que possible, genre une fois par semaine. J'espère que l'histoire vous plaira ; n'hésitez pas à commenter ou à voter, ça me ferait très plaisir d'avoir votre avis 😊

Merci encore! ❤️

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