Billets D'évasion

15 . la mer se fache .

Dans ce récit où la mer prend vie, se dresse une métaphore poignante de la puissance des émotions. Tantôt douce et bienveillante, tantôt emportée et destructrice, elle incarne la fragilité de nos équilibres face aux provocations du monde. Entre tendresse et colère, harmonie et tumulte, "La mer se fâche" nous invite à contempler la dualité de la nature et de l'âme humaine, où chaque tempête laisse entrevoir l'espoir d'un lendemain apaisé.

La mer se fache .

Le jour se lève, et la mer s'éveille
D'un geste tendre, les rayons du soleil caressent la mer endormie, la tirant doucement de sa nuit paisible. Aujourd'hui, elle a juré d'être clémente, d'offrir aux nageurs un refuge de sérénité et de bien-être. Parée de son habit d'azur, aux reflets d'argent, elle danse, légère et joyeuse. Ses vagues glissent avec une douceur infinie, préservant la pureté de ses nuances cristallines.

Au large, les bateaux voguent avec majesté, leurs voiles luisantes sous la lumière naissante. Leurs mâts se dressent fièrement, comme pour saluer la mer qui les porte.

Mon eau est claire, limpide et bienfaisante. Saline, j'invite à la détente, au relâchement et au bien-être. Mes profondeurs accueillent les navires les plus imposants, chargés de marchandises, tandis que j'unis les peuples par mes voies marines. Au gré du vent, mes vagues transportent des messages d'espoir ou de désespoir, et les bouteilles que l'on confie à mes flots voguent sans destination ni contrainte de temps. Mes poissons, quant à eux, nourrissent des peuples entiers. Ainsi, je m'enorgueillis de ma générosité, songe-t-elle avec fierté.

- Mon eau est claire, limpide et généreuse, murmure-t-elle avec fierté. Je suis la mère des flots, celle qui apaise, nourrit et relie les peuples.
Mes profondeurs accueillent les navires les plus imposants, chargés de marchandises. Dans mon immensité, au grés du vent , mes vagues portent des messages de vie et d'espoir, les bouteilles que l'on confie à mes flots voguent sans destination ni contrainte de temps. tandis que mes profondeurs abritent des trésors invisibles.

Mais à mesure que le jour avance, le vent s'éveille à son tour. Il commence par effleurer la mer, joue avec elle, la titille . Pourtant, elle ne veut pas être dérangée. D'humeur tranquille, elle résiste à ces souffles qu'elle trouve déjà trop insistants. Il insiste et souffle plus fort .

"Je veux rester paisible, se promet-elle. Je ne souhaite pas éloigner tous ces êtres qui animent mes jours et mes nuits, qui m'aident, jour après jour, à porter mes fardeaux. Je me sens utile !" se dit-elle, emplie d'une fierté teintée d'arrogance.

- Laisse-moi en paix, souffle-t-elle avec défi. Je veux garder ma quiétude et ma beauté pour ceux qui m'aiment, pour ceux qui trouvent en moi refuge et joie.

Mais le vent ne l'entend pas ainsi. Vexé par l'arrogance de la mer, il redouble d'efforts, se gonfle, et ses bourrasques se font plus violentes.
Elle me défie pense-il.

La mer, trahissant sa promesse de calme, entre dans une colère noire. Elle devient agressive . Son bleu azur vire au gris .
Ses vagues, jadis douces et apaisantes, s'élèvent avec fureur, frappant les coques des navires, renversant les chaloupes, et déchirant les voiles. Près de la côte, elle projette violemment ses flots contre les galets et les rochers immobiles, entraînant nageurs et enfants dans sa colère. Le sable, autrefois doux et doré, est englouti par ses eaux troubles.

Ses flots se rapprochent de plus en plus des estivants étendus paisiblement sur le sable ou sur les chaises , les asperge d'une eau trouble . Un instant plus tôt bercés par le roulis des vagues , les gens s'agitent soudainement .
Le sable de la plage cède à l'avancée des eaux qui emportent les châteaux de sable minutieusement et laborieusement construits par des enfants .
Le soleil qui transformait auparavent les vaguelettes en un scintillant cristal , semble maintenant brûlant et agressif . L'eau claire et opaline devient trouble,et le sable doré devient à son tour collant et salissant .
Subitement tout a changé !

Les estivants, terrifiés, quittent la plage en hâte, abandonnant chaises, serviettes et châteaux de sable.
Ils décident de quitter cet endroit qui , il y a peu , était si beau et si calme .
Ils reviendront si la mer le permet , et seulement si elle se calme après cette affreuse tempête. La mer est en colere et eux aussi .
De loin ils suivent de leurs yeux inquiets une barque à la derive au loin . Elle se balance comme un jouet au gré des vagues .
Les baigneurs déçus se retirent laissant la mer se dechainer dans sa colere . Elle reste seule et abandonnée .

La mer, désormais seule, contemple les épaves qu'elle a laissées derrière elle.
- Ils sont partis, murmure-t-elle, abattue. Plus de rires, plus de vie. Il ne reste que ma colère, que le tumulte de mes vagues et les hurlements du vent.
Peu à peu, elle prend conscience de son emportement et se tourne vers le vent, l'implorant de se calmer.

- Pardonne-moi, vent. Je n'aurais pas dû céder à la colère. Emporte les nuages, apaise-toi et reviens me voir quand les plages seront désertes, quand je serai grise et mélancolique. Mais pas maintenant. Pas en été, quand tout ici rayonne de vie et de lumière.

_ Oui , j'ai agit sous la colère , mon agressivité était démesurée , c'est vrai le vent n'avait qu'à ne pas me provoquer pensa-t-elle ! Pas en plein été , quand je profite du soleil , je retrouve enfin mes belles couleurs ! Quand j'apporte bien-être et calme aux vacanciers . Puis , s'adressant au vent elle le supplie.

_ S'il te plaît , vent , calme-toi ! . Pour m'apaiser emporte les nuages et pars . Calmes toi je t' en supplie ! Tu peux revenir en automne ou en hivers , quand mes plages sont désertes , quand les rares personnes qui me visitent sont moins exigeantes et moins attentives . Tu m'accompagneras dans ma solitude , lorsque je serais aussi triste que les arbres , aussi grise que le ciel . Quand le soleil ne dansera plus . Quand l'abandon de toute cette animation sera moins pénible pour moi .

Touché par ses mots, le vent s'apaise, puis s'éloigne doucement, laissant la mer à ses pensées. Elle contemple les débris qui flottent encore à sa surface, les épaves qui bougent au gré de ses flots , les flancs arrachés et les voiles déchirées . Se demandant si elle pourra réparer les dégâts qu'elle a causés.

Demain, se dit-elle, peut-être retrouverai-je ma beauté et la confiance de ceux que j'ai chassés. Peut-être que le vent sera plus tendre, et moi, moins prompte à m'emporter.