LE PROFESSEUR TARANNE - Pourquoi aurais-je fait cela ? Je ne suis qu'un professeur, et je ne m'occupe des sciences, qui plus est, alors pourquoi me croire taxidermiste ? Et d'ailleurs, qui diable s'amuserait à empailler des cadavres humains ? Je n'ai aucun instrument adéquat à la pratique chez moi, je ne suis pas médecin, et encore moins sadique ! (soupirant, décontenancé) J'ai une réputation à préserver ... Encore, si j'avais consciemment choisi de la détruire, mais là ! Pensez donc aux répercussions, je vais être bien poliment relevé de ma fonction ! Et je n'aurai plus rien. Mais, là n'est pas le sujet. (Se redressant sur sa chaise) Si vous voulez la preuve de mes lacunes anatomiques, demandez-moi quoi que ce soit à ce sujet, et vous verrez que je ne suis pas votre homme.
L'INSPECTEUR EN CHEF - Je regrette. Mais j'ai sous les yeux un rapport qui ne concorde pas du tout avec vos dires.
LE PROFESSEUR TARANNE (les yeux écarquillés) - Mais enfin ! Puisque je vous dis que ce n'est pas moi ! Sûrement quelqu'un chercherait-il à me causer quelque tort ! Tenez, dans le laboratoire, l'autre jour, j'ai entendu une dispute ... Probablement entre deux physiciens. Ils hurlaient tellement qu'ils auraient pu ameuter tout le voisinage !
L'INSPECTEUR EN CHEF - Nous ne demandons qu'à nous laisser convaincre.
LE PROFESSEUR TARANNE - Ils parlaient justement, avant leur dispute, d'un certain cadavre. Puis, en haussant le ton, ils ont dérivé, et ont commencé à parler de paille, d'épouvantail, se querellant sur le fait de lui enlever ses yeux et d'y mettre de la paille ! Tenez ! Cela ferait un bon sujet de nouvelle macabre, je suis sûr que certains y trouveraient leur compte. Ces deux taxidermistes se reconnaîtraient peut-être, entre deux ou trois lignes ! Quelle occasion en or de relancer mon affaire ! Vous me savez, je pense, connu pour mes nombreux ouvrages, qui ont défrayé la chronique, dans le bon sens du terme bien sûr ...
L'INSPECTEUR EN CHEF (il se lève et pose sa main sur l'épaule du professeur Taranne) - Je ne doute pas de vos succès. Mais pour l'instant, ce n'est pas ce qui importe. (Il retire sa main. Pause.) Nous devons éclaircir votre affaite pour compléter le rapport.
Il reste debout.
LE PROFESSEUR TARANNE - Eh bien, c'est déjà clair, n'est-ce pas ? Je vous ai dit avoir entendu parler d'épouvantail, d'ôter les yeux, d'y mettre de la paille, d'une dispute dans un laboratoire, et dois-je réitérer ? Mais tout est limpide pourtant ! Je ne suis qu'un témoin. Il y a méprise sur la personne. Certes, vous avez retrouvé un cadavre empaillé avec une de mes chemises sur lui, mais, enfin, je vous le répète, je ne sais pas me servir d'un satané scalpel ! Puis, mes loisirs sont tout autres ! Il me paraît évident, et pourtant je ne suis pas enquêteur, que vos soupçons devraient se poser sur les deux personnes présentes dans le laboratoire. (Prenant un ton plus calme, après une pause.) Ainsi, je vous prierais d'avoir l'amabilité de me dispenser d'une prolongation d'interrogatoire. Et je voudrais de même que le tort causé, suite à ce remue ménage, soit réparé, si cela est possible.
L'INSPECTEUR EN CHEF, se rasseyant. - Vous n'êtes pas le premier à qui de telles choses arrivent. (Pause.) Vous en serez quitte pour une amende, voilà tout. Si vous pouvez la payer, cet incident n'aura sur vous aucune conséquence.
LE PROFESSEUR TARANNE - Si c'est le prix du silence, alors autant payer ... (Commence à sortir son porte-feuilles.) Mais, au juste, pourquoi me faire payer ce que je n'ai pas commis ? Enfin, tenez, j'ai une réputation à tenir. (Tend quelques liasses à l'inspecteur.)
L'INSPECTEUR EN CHEF (il se lève de nouveau et touche le bras du professeur Taranne.) - Non, pas tout de suite. Je vous demande seulement de signer (montrant une feuille sur la table) une déclaration où vous attestez sur l'honneur n'avoir dit que la vérité, rien que la vérité, et ne pas vous adonner à des activités de taxidermie humaine.
LE PROFESSEUR TARANNE (relisant la feuille, et y déposant sa signature.) - Je vois que la confiance règne ici. Enfin, si vous voulez voir mes dire confirmés, il vous suffit d'interroger quelques professeurs de l'établissement, un bon nombre d'entre eux était présent lors de la querelle du laboratoire.
L'INSPECTEUR EN CHEF - Combien étaient-ils ?
LE PROFESSEUR TARANNE (en pleine réflexion) - Une dizaine. Tous rassemblés autour de cette porte à battants, ornée de deux hublots. Puis, lorsque les physiciens sont sortis, tous se sont évaporés. Beaucoup m'ont bousculé dans leur fuite, imaginez-vous, j'en suis tombé ! Mon plus beau costume est encore marqué. Puis, je me suis derechef pris la porte ... Imaginez donc mon état !
L'INSPECTEUR EN CHEF (il rit.) - Je le regrette.

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Fourbi Narratif
RandomJuste une suite de petites écritures, faites en cours d'écritures narrative et théâtrale ... Mon diesel a du mal à se remettre en place après avoir abandonné les récits depuis bien longtemps, et je n'ai pas un style de génie, soyez pas trop méchant...