- (paraît que c'est un autoportrait)

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    Puisque tout bon (ou même mauvais) personnage est décrit, faisons en sorte que cette tâche soit faite le plus rapidement possible. Je n'aime pas m'attarder sur moi, il y aurait bien des choses à rectifier. Déjà, rien que l'allure générale. 

    Bien que j'adore me faire remarquer - la veste rouge, le sac vert fluo (maintenant délavé) et mes fidèles Dr Martens aux lacets jaune et noir ne sont pas ce qu'il y a de plus discret au monde -, je n'aime pas me sentir observée. Car oui, les gens jugent et créent cette chose qu'est le complexe. J'aurais aimé être plus grande, car être obligée de batailler pour attraper quoi que ce soit sur les étagères (la procrastination me défend d'aller chercher un marchepied ou tout autre chose pouvant m'aider) n'est pas aussi amusant que ce que l'on croit. Et j'aurais adoré ne pas être si cambrée. Si certains se forcent, je trouve cela ridicule, une cambrure ça fait mal au dos, ça empêche de rester indéfiniment debout et cela fatigue, vous n'imaginez même pas (je ne sais même pas ce que veut dire "se tenir droite" ... Que de souffrance). Je me serais bien passée des épaules dites de "camionneur" aussi, épaules jugées trop larges pour un corps plutôt faiblard et incapable de la moindre démonstration de force. En revanche, j'aime mes mains. Ces mains bariolées à tout va de mille couleurs, conséquence d'une gaucherie dont je ne suis pas peu fière (m'apitoyer sur ma dure vie de gauchère ne pouvant écrire sans mettre de l'encre partout est devenu un passe temps), pas vraiment élégantes, mais ornées sans cesse de bagues et parfois agrémentées de vernis selon les envies, selon le temps, selon ... Selon l'aléatoire. Toujours affublée de mes fidèles colliers (au nombre de quatre à présent), références subtiles, pour certains, à mon enfance cinématographique, je trouve mon cou habillé. Et cette habitude des colliers rend impossible le fait de ne pas en porter, bien que je reconnaisse souvent que les voir emmêlés m'exaspère au plus haut point. 

    Et ma figure, qu'en est-il de ma figure ? Mes joues un peu creusées me satisfont et cassent l'aspect rond de mon visage, bien qu'elles ne prennent de couleurs que lorsque je deviens gênée ou bien dès lors que je ne suis plus très sobre ... Quant à mes yeux, ils sont censés être verts, mais suivant le temps ils peuvent tirer vers le bleu (leur couleur originelle, couleur si jolie, résultat d'une mutation génétique géniale qui, pour mon cas, n'a pas perduré) ou vers le vert sapin (la couleur que je préfère, si chère à mon cœur) avec la pupille auréolée de jaune. Ces yeux sont agrémentés de cernes, cernes qui, sans doute, ne s'en iront jamais, malheureusement. Mais on s'y habitue, à ces traits creusés constitués de violet teinté de noir et, bien que les trouvant peu élégants, il ne m'est jamais venu à l'idée de les camoufler d'une quelconque manière.

    Pour ce qui est de mon nez, on dirait qu'il a été cassé, un vrai nez de boxeur me déplaisant au plus haut point. Il commence par une bosse et finit par se recourber légèrement, sa forme faisant penser à celle des toboggans qui "ondulent", ceux que les enfants aiment tant, justement pour leurs bosses. On m'a souvent dit que j'avais le nez de mon grand-père, orné de cette même bosse, mais je n'en suis absolument pas convaincue. On m'a aussi rapporté que j'avais le nez de mon père, hypothèse que je ne pourrai et ne voudrai jamais vérifier. Venons-en à la bouche. Elle n'a rien d'exceptionnel et est, quelques fois, rehaussée de rouge, mais cela arrive très rarement. C'est qu'il est difficile de la parer, ses contours étant plutôt flous et totalement irréguliers ... Du reste, disons que je la trouve "normale", mes lèvres n'étant ni trop pincées, ni trop épaisses, ni trop tirées, ni trop blêmes et encore moins trop colorées. Dommage qu'elles me fassent seulement paraître si renfrognée quand je ne le suis pas spécialement ...

    Pour clore ce portrait, il faut que j'en vienne à mon teint ... Teint contrastant superbement avec le fouillis que constitue mes cheveux, de base blond foncé, ayant subi une coloration rouge (restée rouge par endroits) virant au roux. J'aime le roux, mais l'association de cette couleur avec mon teint blafard, mes joues creusées et mes cernes me fait ressembler à une malade. Je ne compte plus le nombre de fois où, dans une journée, on me questionne sur mon état. Ce teint blanc, j'aime à le voir comme l'ancien signe de la noblesse, bien que je ne reste pas cantonnée chez moi lors des jours ensoleillés ... 

    Ce tout, totalement anarchique et tout aussi peu ordonné sur le papier reflète bien mon esprit bouillonnant, esprit qui ne connaît de cesse, esprit surchargé. Je ne sais de qui je tiens tous ces traits, tant physiques que mentaux, traits que je ne saurais voir positivement, mais ce tout coordonné donne un résultat atypique, et pourtant me rend discrète. Je vois tout mais rien ne me voit. 

Fourbi NarratifOù les histoires vivent. Découvrez maintenant