Le soleil était sur le point de se coucher lorsqu'Aladrinh décida de rentrer à la Ruche. Il abaissa la capuche de sa cape sur ses longs cheveux noirs et ses oreilles pointues puis se mit en marche vers son appartement, ses deux poissons entre les mains pour ne pas salir sa sacoche. Une vingtaine de minutes plus tard, il se trouvait face à la tour monumentale qui brillait d'un faible éclat orangé.
Il sortit sa clé pour déverrouiller une des nombreuses portes qui donnait accès à l'intérieur de la Ruche. Son chemin n'était pas terminé. Il devait encore accéder à l'alvéole 29 et monter les 8 étages qui le séparaient de son logement. Il connaissait le chemin par coeur et aurait pu le parcourir les yeux fermés, ce qu'il avait d'ailleurs déjà fait lorsqu'il rentrait après le couvre-feu et que les générateurs lumineux n'étaient plus actifs. Comme il s'y attendait, l'élévateur de son alvéole ne fonctionnait pas. Il emprunta les escaliers, qu'il monta à toute vitesse, malgré le fait qu'il ait marché toute la journée. Aladrinh était très athlétique, même pour un elfe.
Une fois entré dans son logement, il lui fallut quelques secondes pour s'accoutumer à la lumière orangée. Il plissa les yeux pour distinguer la petite silhouette voûtée et assise sur un fauteuil dans l'angle de la pièce. Sans la saluer, il déclara:
-J'ai ramené le dîner, Mila. Désolé d'avoir été si long. Je vais tout de suite le faire cuire.
Mila eut un rire grêle.
-Montre-moi d'abord ton dos, brigand.
Aladrinh soupira. Ce n'était pas ce soir qu'il parviendrait à tromper Mila. Il posa négligemment ses poissons sur la table et ôta sa cape. En dessous, sa chemise était tâchée de sang le long de sa colonne vertébrale. Il la retira avec une grimace de douleur et tourna le dos à Mila. Celle-ci l'observa pendant quelques instants et hocha la tête.
-Lequel des deux? demanda-t-elle.
Aladrinh se tourna à nouveau vers elle et répondit:
-Je ne sais pas, ils sont presque identiques...
-Ne fais pas l'idiot. Tu as bien assez d'esprit pour différencier un hareng d'un bar.
-Mais ça n'a vraiment pas d'importance, dit Aladrinh d'un ton agacé.
-Tu connais ma philosophie: Tu ne profiteras pas du fruit de ton larcin. Je ne le répèterai pas: lequel des deux?
-Le hareng, finit par lâcher l'elfe.
-Tu as déjà été amplement puni de ton méfait. Vas-donc nettoyer tes plaies et hâte-toi de cuire ce poisson. Tu ne voudrais pas rater la soirée des Yordalides, tout de même?
Sans répondre, il alla dans la salle d'eau qui faisait à la fois office de sanitaires et de cuisine et versa de l'eau sur l'entaille qui lui barrait le dos de la nuque jusqu'au reins. Le contact de l'eau froide était désagréable, mais il y était habitué. La place de la blessure rendait la pose d'un bandage difficile. Aladrinh y renonça. De toutes façons, il cicatrisait vite, et la plaie ne saignait déjà plus. Ce n'était pas la première fois que ça lui arrivait, les nombreuses cicatrices qui couvraient son buste en attestaient. C'était sa malédiction.
Remettant sa chemise, il entreprit de faire bouillir les poissons sur le dispositif de cuisson. Le dessus de la petite boîte d'aluminium devint violet et ne tarda pas à émettre de la chaleur ainsi que son petit cliquetis caractéristique. Curieusement, les dispositifs de cuisson de la Ruche fonctionnaient presque toujours, contrairement aux élévateurs et aux lampes d'appoint. Pendant que l'eau bouillait, Aladrinh repensa à l'épisode qui lui avait valu toutes ses cicatrices.
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Les Chroniques d'Isaldor: au Cœur du complot
FantasíaIsaldor. Cité-état en pleine expansion, remplie de magie, de mythes, de machines à vapeur. Mais surtout de mystères. C'est ce que va découvrir Aladrinh, un jeune elfe dont la mère est morte dans de mystérieuses circonstances...