C'était moi qui l'avais recruté, pour l'été. Je le connaissais un peu, il avait déjà fait quelques missions pour la boîte. Il est arrivé un lundi matin, tout frais pomponné, et en quelques jours il avait réussi le tour de force de se mettre toutes les nanas du service à sa botte. Paul-Hadrien avait un naturel très sociable, il se sentait bien partout. Son naturel joyeux et décontracté avait rapidement mis une bonne ambiance. L'été s'annonçait sympa !
Comme tous les ans, ce mois de juillet était plutôt calme et tirait en longueur... Les journées étaient chaudes et les rares clients énervés par la chaleur suffocante du bitume de la zone industrielle qui les écrasait à la sortie d leurs gros 4X4 climatisés. Ah, ça ! Nous avions le temps de faire durer les pauses café.
Un jour Paul-Hadrien et moi nous sommes trouvés à déjeuner en retard tous les deux, à la cantine de la boîte... L'endroit était désert... Il y faisait chaud, les vapeurs des derniers repas avalés flottaient encore dans la pièce. On n'avait pas envie de repartir turbiner*.Alors, quitte à nous évader loin de cette triste table blafarde qui recevait nos reliefs de repas, nous nous sommes mis à évoquer nos expériences de voyage. A mon âge, j'avais l'avantage d'avoir un peu bourlingué... Afrique, Asie, seule ou accompagnée, avec ou sans mes enfants. J'avais testé pas mal de formules, de la nuitée chez l'habitant à Saint-Pétersbourg à la croisière sur le Nil. Bref, j'avais déjà quelques pays et capitales à mon actif, ce qui était toujours sympa à placer dans une conversation. Paul-Hadrien n'était d'ailleurs pas en reste et profitait pleinement des compagnies low-cost pour se faire des week-ends en Europe. Ce fut notre premier point commun. Et puis vinrent les musiques, les films, les livres. Un espace infini de points communs. Des auteurs communs, des chanteurs communs. Et cette excitation commune de savoir que l'autre partage la même jouissance à écouter, à lire. On se promit alors de s'échanger des DVD. On plongeait ensemble dans l'œuvre d'un artiste, on comparait, on idéalisait.
Tout à coup, un truc s'est passé. Plus je parlais, plus nous échangions, et plus je subissais les assauts, en quelques dizaines de minutes seulement, de sentiments violents. En premier lieu, j'ai ressenti le doux effet du marshmallow trempé dans un chocolat chaud, celui d'un chat blotti sur des genoux amis, celui de la mousse d'un bon bain. Comprenez que sa présence m'était plutôt agréable (c'est un euphémisme !). Puis, deuxième effet Kiss Cool ** , je ne l'ai plus regardé seulement comme un gosse, mais comme un homme, qui avait déjà ses fêlures, ses blessures, son cœur gros comme ça. Attirant, tellement attirant...
Comment en était-il arrivé à me parler de son premier amour, de sa première rupture ? Je n'avais pas anticipé ses confidences... J'entendais ce magnifique jeune homme, cette bombe, m'expliquer tranquillement du haut de ses 22 ans que dorénavant il resterait célibataire toute sa vie, parce que les filles, "ça ne ramène que des emmerdes" ! Il s'imaginait maintenant sans femmes, sans enfants, sans attaches. Comme si la vie se résumait à de grandes fêtes et à des voyages au bout du monde...
Ça va pas, non ? Un si beau mec célibataire ? J'essayais de lui faire comprendre qu'il était totalement insensé de porter des choix aussi définitifs à son âge. Mais je ne voulais pas non plus porter la parole de la sagesse et qu'il me voit comme le maître Yoda de la vie affective... A 41 ans, c'était un peu tôt.
* turbiner, turbiner... Attention, à ne pas confondre avec turluter ! Turbiner vient de l'argot et signifie juste travailler ! N'allons pas nous émoustiller d'une erreur de langue (sic) !
** les moins de 20 ans ne peuvent ABSOLUMENT pas comprendre cette référence cultissime de la génération quadra, mais tant pis je vous laisse le soin, chers lecteurs, de Googliser cette expression so kitch ! Merci You Tube...
![](https://img.wattpad.com/cover/128049741-288-k267436.jpg)
VOUS LISEZ
La crise de la quarantaine ? Connais pas ! (enfin presque...)
RomansaComment s'enticher d'un jeunot lorsqu'on a 41 ans, deux gamins et une sacrée envie de tout envoyer valser ! Un beau gosse peut-il s'amouracher d'une femme à l'expérience amoureuse longue comme le bras ? Comment rester attirante, se piquer de nouvea...