Sixième séance

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- Bonjour Monsieur Kim, bienvenue.
- Salut.
- Comment vous sentez vous?
- Ça passe. Et vous?
- Bien merci.
- Je suis désolé.

Les pupilles sombres s'agrandissent très légèrement sous le coup de la surprise.

- Pourquoi?
- Je ne suis pas venu la semaine dernière.
- Quelle importance?
- Quoi?
- Il y a deux semaine je vous ai demandé si vous vouliez revenir. Et qu'avez-vous répondu?
- …oui.
- Alors vous alliez revenir, je ne vois pas où est le problème.
- Comment pouvez vous en être sûr?
- Vous me l'avez dit.
- Ça ne garantit rien.
- Rien n'est jamais garanti. Pas même le fait de rester en vie.

TaeHyung ne répond pas. Il ne se sent pas coupable. Les yeux fixent la fenêtre derrière lui d'un air absent mais reviennent bien vite s'ancrer dans les siens.

- …pourriez vous m'appeler par mon prénom monsieur psy?
- Bien sûr.
- Comment l’interprétez-vous?
- De?
- Le fait que j’ai envie que vous m’appeliez par mon prénom.
- Il n'y a pas besoin de l'interpréter. Quelle idée.
- Mais c'est votre job!
- Je vous l'ai déjà dit, je ne ferai pas le chemin à votre place.
- Je ne comprend pas.
- Personne ne vous demande de comprendre.

TaeHyung frissonne. Les yeux semblent habités par une lueur d'agacement vivace qui perce par intervalles réguliers la carapace bienveillante habituelle.

- Je vous énerve?
- Pardon? Non non! Pas du tout. Pardonnez moi TaeHyung.
- Vous ressentez les mêmes sentiments que tout le monde... vous êtes humain.

Annonce le jeune homme comme s'il s'agissait d'une soudaine révélation. Les lèvres s’étirent en une expression amusée.

- Que pensiez vous que j'aurais pu être?
- Je sais pas trop… divin, extraterrestre, un super héros avec des pouvoirs ou un homme venu du futur.
- Aimez vous laisser libre cours à votre imagination?
- Oui.
- Comment?
- Je joue du saxophone. C'est un peu comme si mes improvisations étaient une histoire que moi seul peut déchiffrer. Enfin… je jouais.
- Pourquoi avez-vous arrêté?
- La drogue me permet de calmer le bouillonnement de mon cerveau en permanence chauffé a blanc et me fournit de l'imagination toute prête. Je n'ai qu’à regarder et profiter du spectacle. Mais je ne sais plus créer moi-même ma propre imagination. Je n'arrive plus à interpréter mes propres pensées. Je ne supporte plus l'idée de poser mes mains sur mon instrument de musique par peur de ne pas savoir m'exprimer correctement. C'est stupide n’est-ce-pas?
- Oui.

TaeHyung ouvre de grands yeux et se met à rire. Les prunelles brillent de malice.

- Allons, refuseriez vous de parler si vous aviez un cheveux sur la langue?
- Non bien sûr.
- La particularité qui vous définit fait de votre jeu qu'il est unique. Et la drogue en fait bien évidemment partie.
- Alors je ne devrais pas arrêter?
- Pourquoi?
- Si la drogue fait partie de ce qui me définit.
- Ce qui vous définit c’est vous-même. Si vous ne prenez plus de drogue, vous aurez un différent vous-même mais continuerez d'être défini par lui.
- N'a-t-on pas déjà eu cette discussion?
- Chaque discussion est éphémère et inimitable.

TaeHyung hoche la tête, pensif tandis que les paupières papillonnent un instant.

- Je vous ai déjà dit que je vous détestais?
- Oui.
- Je vous déteste. Je le pense vraiment.
- Au moins vous voilà sûr et certain d'une chose.
- Pensez vous que les choses pourraient changer?
- « Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme »
- Lavoisier?
- Oui. Les choses ne peuvent que changer. Elle n'ont pas d'autre choix. Quelle forme voudriez-vous qu'elles adoptent?
- On verra bien. Vous m'avez dit que vous vivez l'instant présent.
- J'ai dis beaucoup de choses. Dont je ne me souviens pas toujours.

TaeHyung baille.

- Je suis violent quand je ne suis pas dans votre cabinet. Mais quand je suis ici je me sens bien. Je n'ai pas envie de prendre mes doses.
- Je vois. Mais il nous faut nous quitter.
- Je ne veux pas partir, je ne partirai pas.

L'éternel sourire ne disparaît pas. Il s'accentue même un peu et le jeune patient fronce les sourcils.

- Pourquoi vous n'essayez pas de me forcer à sortir?
- Inutile.
- …
- Voulez vous revenir?
- Oui.
- Gardez cette envie précieusement.

TaeHyung se lève presque malgré lui. Sa conscience hurle mais son corps se dirige de lui-même vers la porte en bois brun. Celle qui mène vers l'extérieur.

- À la semaine prochaine TaeHyung.

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Bonjour
(Un grand merci pour les 100 vues)
Je trouve cette partie étrange, pas vous? J'ai bizarrement beaucoup aimé l'écrire, avec l'impression qu'elle résumait les 5 séances précédentes. Peut-être que les choses vont changer... J'ai la sensation que parfois mes histoires me dépassent. Mais ce n'est pas forcément une mauvaise chose. J'ai moi-même du mal à savoir où celle-ci va nous mener. Il est rare que j'écrive sans plan ni préparation mais cette fiction est en quelque sorte l'exception qui confirme la règle.
Je parle beaucoup ce soir.
Gardez le sourire.

Est Ce Que Vous Voulez Revenir? (TaeHyung-?)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant