- Le menu du jour, ça te va ?
-Oui, c'est parfait ! Répond Molly sans même le consulter.
Ce tête à tête au fond d'un petit restaurant ouvrier me fait perdre mes moyens. J'en oublierais presque la raison de cette invitation à déjeuner. Bon, rassemblons nos moutons... Cette entrevue n'est pas un rendez-vous galant. Heureusement, car pour le coup, le lieu serait un tantinet merdique. Nous sommes ici pour converser franchement sur le dérapage récent de nos langues respectives. Rien que de penser à cet échange de salives, les boutons de mon jean frappent brusquement sous la table.
Respire Alaric, respire... Pense à une situation tragique afin de dégonfler ton muscle à tête chercheuse.
-Tout va bien ? S'inquiète Molly devant mon silence et certainement devant ma grimace de mec qui parle mentalement à son membre inférieur.
-Oui, je réfléchissais juste à la manière d'aborder le sujet avec toi.
-Le sujet ?
Oui, oui, oui... Le sujet baise à la sauvette ma cocotte ! Tu sais, ce que tu as pris pour un extra et que moi j'ai vécu comme le plus beau moment de mon existence !
-Une soirée pluvieuse à l'extérieur et chaude à l'intérieur. Ça te rappelle quelque chose ?
Mon ton est incisif, chargé de colère. Seulement, à peine le point d'interrogation posé à la fin de ma phrase, je me mords la langue. Les yeux de Molly se remplissent. La pâleur efface brutalement les effluves de sang dans ses joues. Le désarroi l'habite.
Mes bras brûlent de la consoler, mon cœur crie de l'aimer, mes lèvres vibrent de réanimer son sourire, mais je suis fermé aux appels de mon corps.
-C'est ce point dont je souhaite discuter, rajouté-je devant son lourd silence.
Elle secoue légèrement la tête de bas en haut, ce qui déverse quelques larmes. Touchée par son mal-être, je déglutis et patiente la bouche close.
-Je t'écoute, articule-t-elle difficilement après un blanc d'au moins deux interminables minutes.
-Que ressens-tu réellement pour moi ?
Je rentre d'emblée dans le vif du sujet. Je constate d'ailleurs, au grossissement de ses yeux, qu'elle ne s'attendait pas à une question si directe.
-Joker, murmure-t-elle, juste avant que le serveur prenne notre commande.
-Désolé Molly, mais je ne peux pas accepter ta carte. Moi, je ne joue pas.
-Moi non plus, rétorque-t-elle un peu trop rapidement.
-Ce n'est pas l'impression que tu donnes lorsque tu m'ignores au bureau.
Elle pose ses coudes sur la table, croise ses doigts devant elle et d'un air sérieux me demande de ne pas interpréter à ma manière ses faits et gestes.
Une salade niçoise vient casser l'ambiance pesante entre nous. On la déguste songeur.
-Je ne devrais pas te torturer ainsi, relancé-je le dialogue. Tu n'es pas libre, je ne suis pas un briseur de ménage, l'équation est simple, je devrais passer à autre chose. Mais... l'opération comporte un facteur qui empêche la solution d'émerger.
Je ne finis pas volontairement ma phrase. Dans un premier temps, parce que j'ai peur de la brusquer et dans un second, je veux lire sur les traits de son visage, les émotions qui y passent.
-Je suis tombé amoureux de toi Molly.
Voilà, c'est dit...
Sa réaction n'est pas de celle qu'un homme espère lorsqu'il livre le fond de son cœur. Elle secoue vigoureusement sa tête de droite à gauche et soliloque en boucle qu'elle ne veut pas. Je suis alors extrêmement proche de l'état de la ratatouille qui s'affaisse lamentablement dans mon assiette.
-Ma déclaration peut te sembler étrange, mais sache que je lutte contre cette malédiction depuis un an déjà.
Elle lève un sourcil, entrouvre ses lèvres, puis se ravise.
-Oui, un seul regard sur toi a suffi pour terrasser l'homme que j'étais, non croyant au coup de foudre.
-Tu ne peux pas ressentir pareil sentiment pour moi et tu le sais.
-Et je le sais...
Je pense à son mari, son fils, à notre patron dans les bras duquel Molly s'est blottie, pourtant malgré tous ces hommes de sa vie, mon amour égoïste persiste et lutte.
-Le bonheur n'est pas pour moi. Tu perds ton temps. L'autre nuit chez toi, c'était un moment d'égarement, rien de plus. Maintenant, tu vas suivre une autre route et oublier qu'un jour tu as croisé la mienne, me demande-t-elle, la voix tremblante.
J'entends l'épouse, la mère de famille, m'intimer de m'éloigner, seulement, au loin, un cri de la femme tapie en elle, me supplie d'insister.
-C'est préférable, tu penses ? Tiens-tu le même discours à Monsieur Pinsson lorsque votre affaire est terminée sur le parking du boulot ?
Colère quand tu nous tiens...
-Quoi ? Mais non ! Non pas du tout ! C'est dégueulasse de me dire ça ! S'emporte-t-elle en quittant la table.
Se comporter comme un connard, ça, c'est fait !
La silhouette de Molly disparaît rapidement de mon champ de vision. Je me sens minable, seul et la tête toujours autant remplie de doutes. Cette fille est un vrai mystère. Tout est contre elle et pourtant, la douceur qui émane de sa personne m'englue un peu plus profondément jour après jour, dans mon besoin de la posséder.
Je règle l'addition et me rends sans tarder sur mon lieu de travail. Molly me tourne le dos. Elle dépose son blouson sur le portemanteau et farfouille dans les archives dans le but d'éviter mon regard, enfin je suppose.
Lorsque je franchis la porte du bureau, Steeve m'applaudit comme un sauvage. À son sourire, je devine qu'il va me balancer une phrase qui va jeter de l'huile sur le feu de mes nerfs. Élias lève la main, tente de lui dire de se taire, mais trop tard !
-Oh bravo mec ! T'es un « winner » ! Toi aussi tu t'es tapé la secrétaire pour ton déjeuner ?
Élias l'empoigne par le colback avant même que la phrase de Steeve ne parvienne jusqu'à mon cerveau et il le sort illico presto de notre bocal. Des bribes de conversations nous parviennent et Lili et moi assistons à un Steeve qui agite ses pieds dans le vide pendant que mon pote lui remonte les bretelles. Si je n'étais pas aussi énervé, j'en rirais presque.
Oh merde ! Les choses se gâtent. Monsieur Pinsson, certainement alerté par leurs cris, vient de sortir de son bureau et fonce droit sur eux.
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Coucou ☺
Que de mystères dans cette histoire !
Bon... Promis, dans le prochain chapitre, j'éclaire votre lanterne !
Gros bisous et à très vite ! ♥
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Culpabilité (tous droits réservés) Terminé
RomanceAvons-nous tous droit à l'amour ? Sommes-nous tous dignes d'être aimés ? Molly, jolie secrétaire de vingt-cinq ans répond résolument non à ces interrogations. Chers lecteurs/lectrices, poussez les pages de cette histoire et venez découvrir les ra...