Chapitre 3 : Post-It et fenêtre

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Le samedi 14 Mars.

J'ouvre les yeux brusquement, réveillée par la sonnerie de mon réveil. Quel jour on est, aujourd'hui ? Ah oui... MON ANNIVERSAIRE ! Je laisse tomber ma main sur ce foutu réveil et tâche de me lever pour aller prendre une douche rapide. A en juger par le silence qui règne dans l'appartement, mes parents sont déjà partis, et ma petite soeur aussi. C'est étonnant que je ne l'ai pas entendue râler ce matin, d'ailleurs. Il est seulement huit heures, après tout.

Je déboule dans la cuisine en trainant les pieds. Ils font un bruit bizarre sur le carrelage. Je me serre un verre de jus d'orange et passe devant le tableau pense bête de ma mère. Son "bureau cérébral" comme elle l'appelle. Je n'ai jamais compris pourquoi, d'ailleurs, parce que tout ce qui est cérébral se trouvé à l'intérieur de la tête, non ? Et pas à l'extérieur, comme ce tableau. Elle a laissé un post-IT rose bonbon au milieu de l'emploi du temps - chose complètement incongrue, elle qui déteste lorsque Ruby en laisse un hors des colonnes - portant le message suivant : Joyeux anniversaire Fel ! Bonne PARTY (et n'oublie pas les bières dans le frigo) !

Party. Qui dit encore party de nos jours ? J'attrape le post-IT pour le fourrer immédiatement à la poubelle, et vais boire mon jus d'orange devant la grande fenêtre, admirant la superbe vue... des autres immeubles. Le regard fixé sur les rectangles luisants faisant office de fenêtres sur les immeubles d'en face, je fredonne une chanson, le nez dans mon verre, avant de me figer. Une idée est apparue. Je reste un instant dans cette position, attendant qu'elle prenne forme dans mon esprit, les yeux fixés sur les immeubles. Je me retourne vers les post-IT de ma mère.

Post-IT, fenêtre.

Fenêtre, Post-IT.

Post-IT, fenêtre.

POST-IT, FENETRE.

Une idée complètement folle. Heureusement, d'ailleurs. Elle est tellement folle que je suis sûre qu'aucune personnes dans ces immeubles n'est assez barré pour la prendre au sérieux. Mais comme chacune des centaines de milliers d'idées qui me viennent à l'esprit chaque jour, j'ai envie de la tester. Alors je la teste. J'attrape le bloc de post-IT, retrousse mes manches et me mets au travail. Environ un quart d'heure plus tard, mon message est rédigé. Tous les gens de la cité qui peuvent voir ma fenêtre de la leur sont désormais au courant qu'une soirée film se passe chez moi, à vingt heures. Du moins, tous ceux qui pensent à regarder par la fenêtre tous les matins, et qui n'ont pas la flemme de lire les messages en post-IT que certains écrivent sur les leurs.

Fière de moi, je retourne dans ma chambre pour sortir mes pinceaux, et continuer ma peinture en cours : la mer. Tout simplement. Ma vie se résume à peu près à ça : Mathématiques, peinture, monopoly. Et Netflix, maintenant. Mathématiques, monopoly, peinture, Netflix.

Lorsque mon réveil indique onze heures pile, je me lève pour rincer ma palette. En passant devant ma fenêtre, je jette un oeil histoire de voir si quelqu'un a répondu à mon message rose bonbon. L'espoir fait vivre. C'est pour ça que lorsque je vois des post-IT verts sur la fenêtre pile en face de la mienne, j'en lâche ma palette de surprise, ou presque. Je m'approche aussitôt de la vitre pour déchiffrer le message. Quel film ? On me demande quel film. Quelqu'un t'a répondu, Felicity. Quelqu'un t'a répondu. Tu vas devoir accueillir quelqu'un ce soir.

Mais qu'est-ce qui t'as pris de laisser ce message ? C'est bon c'est qu'une personne. Mais c'est une personne quand même ! T'étais sensée passer une soirée Netflix tranquille en paix avec toi-même !

J'arrache les post-IT de la vitre en souriant et m'empresse d'écrire un autre message. Tout sauf Titanic !

Je passe les deux heures suivantes à faire des allés-retours devant la fenêtre, attendant la réponse avec impatience. Les yeux rivés à l'horloge de la cuisine, je m'arrête lorsque les trois aiguilles pointent sur le douze. Alors seulement je vais me préparer un bol de pâtes, attrape une chaise, et vais me poster devant la vitre. Je suis surprise de voir que la réponse est arrivé pendant ma séance cuisine. Un autre message est affiché, avec des post-IT bleus, cette fois. Un simple "pop corn ?", accompagné d'un smiley m'adressant un clin d'oeil est maintenant affiché sur la fenêtre. Je tatonne à la recherche de mon bloc de post-IT et me fige, horrifée, lorsque je me rends compte qu'il n'en reste plus que deux. Je balance les vestiges du blocs par terre et cours dans le bureau de mon père pour dévaliser les tiroirs jusqu'à trouver quelques post-IT jaunes, que je réquisitionne pour mon expérience. Je m'empresse de rédiger ma réponse, en souriant jusqu'aux oreilles. Bien sûr !

Et je retourne dans ma chambre pour me jeter sur mon lit, mon cahier de math dans les mains, pour résoudre les équations que Mr Hawk m'a donné en devoirs. Mais écrire sur mon papier m'ennuie vite, même si c'est des maths. Alors je me lève pour aller chercher le rouleau de papier tableau tôle laquée du bureau de mon père, pour en recouvrir la porte de ma penderie. Une demi-heure après, la porte de l'amoire est transformée en vrai tableau blanc et je fais mes équations debout, sur mon tableau. Et lorsque que j'ai enfin tout résolu, je recopie tout ça en vitesse sur mon cahier, et sors mon monopoly. Juste avant de jeter les dés pour commencer, je cours jusqu'à la fenêtre en rattrapant mon bas de pyjama qui descend au fur et à mesure que j'avance. En face, il n'y a plus que le smiley, sur la vitre. Je prends ça pour un oui. Les lèvres pincées pour m'empêcher de sourire, je retourne dans ma chambre en sautillant, pour commencer ma partie de Monopoly.

A vingt heures tapantes, je suis derrière la porte, et à vingt heures tapantes, quelqu'un sonne à la porte.

DopamineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant