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Chapitre 2 bis : A l'école

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Je suis fille unique. Mon père est décédé lorsque j'avais quatorze ans, ma mère a toujours trouvé plus intéressant à faire que de s'occuper de moi. J'imagine que c'est la raison pour laquelle mes amies sont si importantes pour moi.

Il y a les Jeunes, d'abord, Hélène et Anyssa, Nous étions dans la même classe en sixième et nous ne nous sommes plus quittées. Nous nous retrouvons plusieurs fois par semaine, pour un dîner ou faire du sport. Quand nous étions ados, et que nous passions tout notre temps libre toutes les trois, mon grand-père avait pris l'habitude de nous surnommer ainsi : « Alors, les jeunes, cette soirée en boîte ? », « Dites, les jeunes, ça avance ces révisons pour le bac ? », « Bon, les jeunes, et vos amours ? ». Ça nous est resté. Les Jeunes.

Il y a aussi Florence, ma cousine, qui est un peu la sœur que je n'ai pas eue, ma compagne d'enfance, ma complice d'adolescence. Elle a déménagé depuis, mais nous sommes restées aussi proches.

Nous avons vite formé un groupe soudé toutes les quatre, partagé beaucoup de moments. Les bons et les plus difficiles. La mort de mon père, l'accident de cheval qui a failli coûter la vie à Hélène, la découverte de l'homosexualité d'Anyssa et l'acceptation difficile par sa famille musulmane.

Et puis, il y a l'école. Un cocon où je me sens bien. Au bout de cinq ans, la plupart des collègues sont devenues des copines. L'une d'elles, une amie. Je parle au féminin, parce que chez nous, il n'y a que deux hommes et nous ne sommes pas vraiment proches : Bernard, le chasseur creusois bourru, débarqué ici on ne sait trop comment, et Samuel, fraîchement arrivé, calme et gentil, mais toujours un peu en retrait.

C'est un gros groupe scolaire, une vraie usine. Douze enseignants, plus les remplaçants, les intervenants...

Une école où on s'entend tous bien, malgré quelques disputes parfois, une école où les journées de classe et les réunions se passent dans la bonne humeur. Une école de bosseurs, un endroit où je me sens bien.

Chaque matin, j'ai la chance d'aller travailler avec des gens que j'apprécie, faire un métier que j'adore, même si ce n'est pas tous les jours facile. Après chaque période de vacances, j'ai l'impression de retourner voir les copains.

À midi, nous déjeunons ensemble dans la salle des maîtres. La plupart des collègues restent déjeuner. Il y a Sandra, extravagante et rigolote, Émilie, dont je suis la plus proche, Laurence et Patricia, ainsi que Brigitte, la directrice, Fathia, timide et réservée, et Samuel. On mange, on se raconte nos vies, le film d'hier, le dernier concert ou ciné, parfois, nos histoires de couple, et toujours, nos histoires d'élèves bien sûr. Puis on prend stylos rouges et cahiers, et l'ambiance devient plus studieuse.

***

Quand il a sonné, c'est moi qui suis allée lui ouvrir.

C'était le matin de la prérentrée, il faisait beau et chaud, nous venions tous de nous retrouver après deux mois de congé et nous nous racontions nos vacances dans l'entrée de l'école. Je discutais avec Emilie, Bernard et Laurence quand la sonnette de la porte d'entrée a retenti. J'étais la plus proche, j'avais mes clefs dans la main. Quand j'y repense, c'était peut-être un signe du destin.

« Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous », me dira-t-il plus tard, citant Paul Eluard.

Lorsqu'il m'a vue, il a semblé surpris.

— Euh, bonjour. Je suis Samuel Louis, le nouvel enseignant de CM2.

J'ai souri.

— Salut ! Entre, je suis Milla, au CE1. Nous sommes dans nos classes ce matin, Brigitte est en réunion. On a rendez-vous à treize heures pour le compte rendu et les emplois du temps. Tu sais où est ta salle de classe ?

— Oui, merci, je suis passé la semaine dernière, Brigitte m'a fait visiter l'école.

Il est entré dans le hall et s'est approché du groupe de collègues pour se présenter. Je me suis surprise à le détailler. Il était grand et très mince, brun avec les cheveux courts, un visage anguleux, un long nez, des lèvres fines. Pas une beauté évidente, mais je lui ai trouvé tout de suite beaucoup de charme. Puis, tout en parlant, il a levé les yeux sur moi, et, après avoir surpris mon regard, il m'a souri. Il avait de magnifiques yeux bleus foncés. Je lui ai rendu son sourire avant de me détourner du groupe, un peu gênée.

Sandra m'a pris le bras et m'a chuchoté à l'oreille :

— Pas mal le petit nouveau !

J'ai ri

— Oui, ça va...

— Juste ça va ? Ben moi j'en ferai bien mon quatre heures !

— Rhooo Sandra ! T'es incroyable toi !

Elle s'est éloignée avec un clin d'œil.

J'envoie valserOù les histoires vivent. Découvrez maintenant