Je suis quelqu'un de calme, réfléchi, cartésien. Je n'ai jamais cru au coup de foudre. Ce n'en était pas un d'ailleurs. Mais ce jour-là, quand elle m'a ouvert la porte, j'ai été littéralement ébloui. Il y avait un tel écart entre la grande école sombre, avec son entrée en pierres, et elle, lumineuse. Elle portait un haut à bretelles, et une longue jupe d'été en lin. Ses yeux noirs comme des billes m'ont transpercé. Elle avait de longs cheveux châtains bouclés, noués à la va-vite et le teint hâlé, avec des taches de rousseurs sur le nez. Elles ont disparu depuis. J'espère qu'elles reviendront avec le soleil.
Les premiers temps, et en dehors de ce premier contact électrisant, elle m'a laissé indifférent. C'était juste une jolie fille, plutôt sympa. De toute façon, j'étais heureux avec Julie, je me fichais pas mal des autres filles, aussi fascinantes soient-elles en tenue d'été.
Mais, en janvier, le hasard du calendrier a voulu que nos classes participent à la même sortie. Nous avons donc passé la journée ensemble, avec nos élèves. Elle avait une manière incroyable de faire marcher sa petite troupe. Je crois qu'à aucun moment de la journée elle n'a haussé le ton, et pourtant elle s'est parfaitement fait obéir par ses petits bouts d'à peine sept ans. Il y avait une véritable cohésion entre eux. J'avais vu, dans d'autres écoles, tant d'instit au bout du rouleau, ceux qui se laissaient piétiner par des gosses mal élevés, ceux qui hurlaient constamment, des autoritaires, des hystériques, des dépassés... Que l'on puisse combiner à la fois tant de fermeté et de bienveillance m'a intrigué. Je crois que c'est là que j'ai commencé à m'intéresser à elle, et à la regarder, vraiment.
À l'école, elle était toujours gaie, de bonne humeur. Même les jours de petite forme, elle avait le sourire. Je crois que je ne l'ai jamais entendue se plaindre. Parfois, rarement, elle avait un air plus sombre, mais dès qu'on s'adressait à elle, c'est comme si elle chassait les nuages pour reprendre son rôle de « tout va bien ».
On aurait dit une petite poupée, toute bien peignée, que tous les soirs on rangeait dans sa petite maison propre, avec son mari parfait. Une espèce de personnage de série télé. Jolie, lisse et sans problème.
Évidemment que ça cachait quelque chose.
Pourtant, le jour où Élodie nous a annoncé sa grossesse, j'ai vu sur son visage la plus parfaite illustration du désespoir. Fugace, immédiatement camouflée, mais je l'ai vue.
Je n'ai pas pu m'empêcher de la suivre, tout en redoutant sa réaction. Nous nous connaissions très peu encore, et n'étions pas du tout proches, mais elle a semblé presque soulagée de ma présence. Elle a dû prendre cela pour une invitation à se confier, car elle m'a raconté toute son histoire. Elle m'a ouvert la porte de son intimité.
J'ai compris tout ce qui se cachait derrière son sourire. Et je suis tombé éperdument amoureux d'elle.
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J'envoie valser
RomanceMilla a tout pour être heureuse, entre son travail qu'elle adore et Fred, son mari. Mais son souhait le plus cher n'est pas comblé : ils n'arrivent pas à avoir d'enfant. Quand un nouveau collègue du nom de Samuel débarque dans l'école où elle travai...
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