Alors, après avoir réalisé à quel point cette conversation me faisait du bien et m'aidait à relativiser les malencontreux événements de ma vie, Beth et moi sommes restés plusieurs heures assis sur les mêmes chaises, devant cette même table, à parler, de beaucoup de choses sans importance au début ; et puis on a pas mal parlé de sa vie. A la vitesse à laquelle elle débitait le récit de ses mésaventures, j'ai compris qu'elle en avait beaucoup sur le cœur. Mais, comme elle me l'avait rappelé un peu plus tôt dans la soirée, c'était le cas de tout le monde.
A aucun moment je n'ai eu à mentionner Isaac, ou n'importe lequel des événements auxquels je n'aimais pas repenser, elle n'a pas insisté pour savoir quoi que ce soit et je crois que c'est la chose que j'ai le plus appréciée chez elle. Elle devait déborder de curiosité en me voyant me morfondre et noyer mon chagrin dans l'alcool, comme l'aurait fait tout le monde d'ailleurs. Mais elle comprenait l'importance de la ligne que chacun trace pour délimiter vie publique et vie privée, et elle ne l'a franchi sous aucun prétexte. Elle comprenait que certaines peines se devaient de rester silencieuses. Je me suis promis de devenir comme elle, parce que dans ces conditions je me rendrais surement plus utile pour mes amis dans leurs mauvais moments.
Donc en soi, il y avait beaucoup de qualités à apprécier chez Beth, et j'avais sans doute recensé la majorité d'entre elles au cours des quelques dernières heures. Seulement il y en avait une en particulier, je crois que c'était ce sourire qu'elle n'a pas une seule seconde cessé de m'adresser, qui m'a donné le courage et la confiance qu'il me fallait pour accepter de la rejoindre dans les toilettes au fond du bar quelques minutes plus tard.
J'étais soul, ça avait peut être aidé les choses ce soir-là, sans nul doute même parce que dans un état de sobriété totale, j'aurais eu du mal à aligner mes mots et aurait fini par sortir une énormité du genre « Aux toilettes ? C'est vrai que l'alcool ca donne envie de pisser ». Cependant je restais pleinement conscient de ce que je faisais, je prenais conscience de chacun de mes mouvements, de chacune de ses mains et lèvres posées sur ma peau.
- J'ai envie de m'amuser, elle a soupiré juste avant que ça n'arrive. Ca fait des heures qu'on ressasse ma vie de fond en comble, qu'on parle de mon enfance, de mes aventures amoureuses, tout ça ; j'en ai assez, je veux profiter, je me moque bien de regretter le lendemain.
Ses propos m'ont surpris, je comprenais qu'on puisse avoir envie de s'amuser mais l'idée lui était si vite que je ne l'avais pas vu venir. Son haleine alcoolisée m'est parvenue alors qu'elle se penchait sur moi pour prononcer ces mots.
Elle m'a proposé de nous rendre chez elle pour nous soumettre à sa définition de l'amusement. J'aurais été prêt à la suivre, mais l'impatience débordait abondamment de son regard, moi-même je commençais à en avoir envie et même si c'était terriblement effrayant, l'alcool faisait que ça ne m'étonnait même pas. Alors j'ai pris sa main dans la mienne et l'ai conduite jusqu'aux toilettes les plus proches. Elle n'a pas rechigné un instant, elle portait un grand sourire sur son visage qui me donnait un avant gout plutôt précis de ce qui allait se produire dans ces toilettes dans les minutes qui allaient suivre.
J'ai commencé à me questionner et même à regretter que la jolie conversation que nous avions partagée se termine ainsi. Mais si j'avais pu me frapper moi-même avec la première chose qui me tomberait sous la main, là tout de suite, je l'aurais fait. Parce qu'il fallait que je cesse de constamment repenser tous mes actes avant d'agir. Et ainsi, je n'ai plus pensé sérieusement pendant un long moment.
Nous sommes arrivés jusqu'à la porte à battant que j'ai repoussé d'une épaule et ai été soulagé de constater que nous étions seuls. Beth a fini par lâcher ma main, elle est allée s'adosser au mur, me projetant contre elle en tirant sur mon t-shirt. Chacun des mouvements que j'effectuais m'impressionnaient un peu plus parce que je n'ai pas hésité sur un seul d'entre eux. La confiance, c'était un sentiment nouveau. Et autant dire que c'était hautement satisfaisant.
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Il y a un monde meilleur. [TERMINÉ]
RomanceIan Felton a 17 ans. Et sa vie, ainsi que celles de ses deux meilleurs amis, Miles et Louis, ressemble au bon vieux cliché du lycéen. Avide d'aventures et de changement, fuyant la routine à tous prix, Ian a depuis peu décidé de vivre pleinement. C'e...