Il était plus d'une heure du matin. Le froid de décembre se faisait sentir jusqu'à l'intérieur de la maison. J'étais au milieu de mon salon, assise sur le parement glacé de mon carrelage, je ne sentais rien car la chaleur qui se propageait en moi, me réchauffait.
J'étais chez moi, mais toutes mes pensées et une partie de mon âme étaient avec elle. J'étais en sa présence, car s'étalait devant moi le résultat de mes efforts : j'avais disposé en cercle, tous les moindres résidus de sa vie. Composés de papiers d'emballage, de nourriture entamée et d'autres choses encore qui avaient malheureusement perdu toute consistance, je voyais dans ce qu'elle ne voulait plus, ce qu'elle avait pu en faire et, revivre, par instants, ce qu'elle avait pu vivre.
Par exemple, j'eus la chance de trouver un trognon de pomme. Rien de bien excitant pour n'importe qui, mais, ce qui en faisait tout son attrait c'est que je pouvais voir la trace de sa dentition sur le reste de chair en décomposition. Je tenais entre mes deux mains, disposées en coupelle, un objet précieux, une chose qu'elle avait eue entre ses dents, dans sa bouche, qu'elle avait elle-même touché...
La chaleur se fit encore plus brûlante, je la sentais remonter jusqu'à mes joues, s'emparer également de ma poitrine, de mon ventre pour finalement descendre encore plus bas. Ma respiration se faisait rapide, les pulsations de mon cœur s'emballaient, je passais mes mains encore pleine de saletés sur mon corps et pourtant les odeurs ne m'incommodaient pas le moins du monde.
Lasse, je m'étendis au milieu de mon butin, l'enfièvrement de mon être ne se calmant pas malgré toute la fraîcheur du dallage qui se dispersait sur chaque parcelle de mon corps, rentrant en contact avec le sol.
Je me mis alors à imaginer que je me rendais chez elle, qu'elle m'ouvrait la porte avec un grand sourire sur le visage. Je voyais ses lèvres bouger mais aucun son n'était audible. Je comprenais qu'elle me parlait, me je n'arrivais pas à discerner ce qu'elle voulait me dire. Malgré tout, cela ne me gênait pas tant que cela, car je pouvais décrire et comprendre tous ses sentiments sur son visage. La parole n'était pas une barrière entre nous, mais voyant que je fronçais quand même les sourcils et tentant une dernière fois d'entendre le son cristallin de sa voix, elle me prit la main et me conduisit à l'intérieur de chez elle.
L'instant d'après, nous étions installées sur son canapé. Je remarquais alors que nous étions si proches que nos genoux se touchaient presque. Je sentais le rouge me montait aux joues. C'était bien la première fois que je me sentais ainsi : complètement déboussolée et avec même temps, l'impression que ce qui se passait entre nous était normal et naturel.
Je pris l'initiative de prendre sa main dans la mienne.
Elle ne parut pas surprise.
Je lui dis que je la trouvais belle, elle me sourit de nouveau et ses yeux se plantèrent dans les miens. Son regard était hypnotique et même si je trouvais un réconfort à me perdre dans ses yeux vert émeraude, j'y trouvais une certaine force également.
Ma deuxième main s'avança vers son visage pour caresser la courbe délicate de sa joue.
Elle ne parut pas surprise.
Elle ne me repoussait pas.
J'eus alors la furieuse envie de goûter à ses lèvres, rosées, pulpeuses, humides...
Doucement, je me décollais du coussin du canapé pour m'approcher encore plus près d'elle et de son visage.
Elle me souriait toujours.
Obnubilée par sa bouche, j'entrepris d'y poser un simple baiser, chaste et délicat.
Elle ne parut pas surprise.
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Le début, le milieu, la fin
Short StoryUne femme, bien sous tout rapport, va tomber dans une sorte de folie au contact d'une toute nouvelle collègue. Texte fait pour un concours d'écriture de nouvelles avec pour thème: "le jour qui a changé votre vie"