CHAPITRE TROIS

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Une longue minute s'écoula durant laquelle nos regards étaient figés l'un sur l'autre. Dans mes oreilles résonnaient le son de ma respiration et le bruit lointain des feuilles que le vent agitait. Lorsque je repris conscience du monde, j'eus un léger mouvement instinctif de recul et ce fut son signal pour partir. J'eus à peine le temps de cligner des yeux qu'il avait déjà foncé hors de ma portée de vue. Au loin, j'entendais encore le bruissement des arbres qu'il fouettait dans sa course que je savais précipitée. Même lorsque la forêt redevint totalement calme et vide de tout bruit, je ne pus me résoudre à faire le moindre mouvement. Mon corps était mortifié, je ne sentais plus mes membres et il m'était impossible de faire le moindre geste. Je venais de croiser la route d'un homme. Un homme à l'état sauvage. L'être le plus dangereux que la planète aie porté se tenait à quelques mètres de moi. Lorsque je suis à nouveau capable de sentir mes muscles et mon corps, ceux-ci ce mirent à trembler comme ça n'était jamais arrivé. Chaque parcelle de mon corps tremblait, me laissant au sol, troublée et fragile. Mes forces me quittèrent et je sentis mon esprit plongé à nouveau dans le noir.

Les rayons naissant du soleil me réveillèrent et je la première chose que je ressentis fut le froid sur ma peau. J'ouvris les yeux avec beaucoup de mal et je peina à déplier mes jambes, recourbées contre mon estomac. Lorsque, au bout de longues minutes, je pus enfin me relever, je sentis un vertige s'emparer de mon corps. Je gardai les yeux fermés quelques secondes puis me força à les ouvrir. Alors que le soleil éclairait la forêt de plusieurs tons de violet, de rose et d'orangé, celle-ci me paraissait bien moins dangereuse que la veille. À la simple évocation de la nuit précédente, apparu dans ma tête l'image de l'homme et je ne pus m'empêcher de regarder de gauche à droite pour vérifier qu'il n'était bien plus là. J'aurai pu croire à rêve, mais la sensation de terreur dans mes veines était bien réelle. J'avais comme une impression qu'il pouvait revenir d'un moment à l'autre, alors je me dépêchai de me relever et de retrouver mon chemin au plus vite.

Lorsque finalement je parviens à sortir des bois et retrouva mon chemin vers la maison, j'étais encore bouleversée. Cette rencontre m'avait chamboulée et malgré moi je tendais à remettre en question le monde dans lequel je vivais. Pourquoi, et surtout,comment un homme pouvait-il se trouver là, dans cette forêt sombre, au milieu de la nuit ? Ses yeux dans le noir étaient si craintifs et il dégageait de toute sa personne une aura de peur. Mon cœur battait encore à en exploser alors que je montais les marchesdu perron. Son corps maigre et frigorifié me revenait en mémoire et je ressentis comme un frisson le long de mon échine. A peine eus-je le temps de tourner la poignée de la porte qu'elle s'ouvrit abruptement sur Isée qui me tira à l'intérieur et me prit dans ses bras. Elle murmurait et criait à la fois son corps tremblait légèrement et je ne me souvenait pas de l'avoir déjà vu dans un tel état de détresse. Ces paroles étaient incompréhensibles, mais je sentais quand même du soulagement dans sa voix aiguë. Lorsqu'elle me lâcha enfin, elle prit quelques secondes pour me regarder attentivement de haut en bas, et lorsqu'elle comprit que je n'étais pas blessée, ses traits angoissés et soulagés laissèrent place à de la colère.

« Sais-tu seulement à quel point je me suis inquiétée pour toi ? Où étais-tu passée Olympe? J'ai appelé toutes tes camarades de classe et les filles de ton groupe, tu n'étais nulle part, j'ai imaginé les pires scénarios...»

Elle continua ses réprimandes, mais je n'arrivais pas à écouter. « Je me suis inquiétée ». Je ne pouvait penser qu'à ça.

« Où est Rachel ? »

Ma voix, plus basse et légère que d'habitude, ne put que prononcé ces mots. Isée comprit d'elle-même où était le problème, et je vis son regard s'adoucir. Avant que je ne parte, Rachel et moi nous étions disputés et alors que je revenais, je ne la voyais nulle part. Isée ne prononça rien durant plusieurs secondes, qui me parurent une éternité. Elle me répondit finalement d'une voix un peu plus calme.

Au-delà des boisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant