CHAPITRE CINQ

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« Tu ne devrais pas être ici, c'est dangereux pour quelqu'un comme toi.
-Pourquoi tu ne m'as pas dénoncé ? Dit-il, suspicieux.
-Comment t'appelles-tu ? Je lui demandai sans répondre à sa question, tout en tentant de contrôler le tremblement de ma voix. »

Il y eut un léger silence, au bout duquel il répondit.

« River. La femme qui m'a couvé avait un certain un attachement pour moi. Plus jeune, elle m'a dit que mon nom était à l'honneur de la couleur de mes yeux.
-Elles n'ont pas le droit de s'attacher à vous.
-Oui. C'est pour ça qu'elle a été exécuté. »

Je n'avais pas pu retenir le frisson qui avait parcouru mon échine. Cette femme avait été tuée pour le seul crime d'aimer. Pour avoir aimé un homme, un garçon, son enfant.

« Elles ont compris très tard qu'il y avait bien trop d'accidents comme ça. Des femmes qui s'attachent à la sous-espèce. C'est de là qu'est apparu la réforme.
-Les Porteuses d'hommes ne se limiteront qu'à porter les hommes, tandis que des Éleveuses prendront le relais pour les faire grandir... Je récitais doucement, comprenant mieux toutes les leçons que j'avais pu apprendre en grandissant.
-Et leur contacte avec l'homme se fera sur une durée limitée et contrôlée. » Finit-il, la voix pleine de ressentiment.

Mon regard qui jusqu'à lors était figé sur le mâle face à moi, se détourna pour regarder tout autre chose que lui. Sa vision m'ouvrait les yeux sur des choses que je n'étais encore prête à confronter. Mon cœur remuait dans ma poitrine, j'aurais dû avoir peur. J'aurais dû le craindre. Et pourtant, étrangement, il me fascinait. Sa présence ne me faisait pas me sentir en danger. Je le devrais, je devrais me sentir terrifié par lui et par tout ce qu'il représentait. L'insécurité aux portes de nos maisons, un homme libre qui, s'il le voulait, pourrait me faire du mal.

Mais lui, River, ne me paraissait pas semblable aux hommes des bouquins. Il ne semblait pas cruel ni assoiffé de pouvoir, il m'avait l'air épuisé. Pas seulement physiquement, mais aussi aussi mentalement : ses traits m'avait paru tirés et lassés. Au premier abord il m'avait fait beaucoup de peine, et puis je me suis souvenu de ce qu'il était. Un homme. Ces êtres qui en auraient fini de nous si nous ne l'avions pas fait avant. Et surtout s'ils avaient eu le choix. Nous leur étions indispensable pour perpétuer l'espèce, et c'est peut-être la seule raison qui les a poussé à ne pas nous exterminer. C'est cela qui m'a poussé à faire un pas en arrière, à mettre le plus de distance entre ce mâle et moi. Lorsqu'il remarqua l'écart que j'ai mis entre nous, un rictus moqueur se forma sur ses lèvres.

« Si je te voulais le moindre mal, tu serais déjà morte à l'heure qu'il est, me dit-il en rigolant presque.
-Que comptes-tu faire de moi ?
-Rien. Tant que tu ne n'essayes pas de me nuire, tout ira bien pour toi. Tu vas rentrée chez toi, et d'ici le moment où tu auras raconté cette rencontre à tes chères mamans, je serais déjà bien loin. Assez pour qu'elles ne me retrouvent jamais. »

Il avait dit cela d'un ton tellement arrogant, comme s'il me connaissait et pouvait prévoir mes réactions. Cette arrogance fière, typiquement une réaction masculine. Le masque de la fragilité était tombé et le vrai homme se trouvait face à moi. Le peu de compassion que j'ai pu avoir pour cet être s'était envolé et avait laissé place à de la colère. Je repris mes esprits et réalisai ce que je faisais réellement ici. Je devais le dénoncer.

« Qu'est ce qui te fait être si sûr de toi quant au fait que je courrai dans les bras de mes mères pour leurs en parler ?

-Vous êtes comme ça, des pleurnicheuses. »

Il avait tellement plus d'audace que lors de notre première rencontre. Il n'avait plus froid aux yeux. Dans un geste détendu, je mis la main dans la poche de ma veste et saisis mon téléphone.

« -Qui crois-tu être pour porter un tel jugement de valeur ? Tu ne nous connais pas !
-Qui je crois être ? C'est vraiment ça ta question ? Parce que moi je pense être celui qui depuis avant même la conception a été haït par des femmes, je crois être celui qui n'a grandit entouré que de la haine de femmes, me méprisant pour ma nature même. Je pense avoir une meilleure connaissance du monde et des pleurnicheuses qui le peuple que toi, qui te voile la face. »

Alors qu'il me parlait, je ressentais à nouveau une réelle et intense peur envers lui, comme au premier jour. J'avais, l'espace de quelques secondes, eu l'impression de voir les hommes que l'on m'a toujours décrit, dangereux, fougueux, cruels. J'avais ressenti comme l'impression que le fait d'évoquer ce sujet le rendait haineux. Une vraie expression de terreur a dû se créer sur mon visage car le sien est redevenu calme et ses épaules sont retombées, lâche de la colère elles retenaient. Il poussa un lourd soupir, se détournant de moi quelques instants. J'en profitai pour jeté un regard à mon téléphone portable, sur lequel je tapai rapidement la touche raccourci vers le numéro d'Isée.

J'avais l'impression d'être dans un rêve ou dans une autre dimension, tout était surréel. Je me trouvais face à un homme. Un homme. J'avais bien trop de question à lui poser, mais je voyais la journée s'éclipser et le ciel devenir lentement sombre. Il fallait que je m'en aille mais toutes ces questions nouaient mon estomac. Et le téléphone dans ma poche,  dont j'entendais les longues sonneries retentir n'apaisait pas la sensation. Que me ferait-il s'il apprenait que j'étais en train de le dénoncer ? Je ne pouvais pas le laisser partir sans aucune réponse et je devais me dépêcher de les obtenir. Alors malgré moi mon cerveau formula une idée. Je pouvais sentir l'erreur dans les mots coincés dans ma gorge, je sentais leur folie et pourtant je ne pouvais les empêcher d'éclater et de tout détruire. Je n'y pouvais rien, comme un flot continu, les mots jaillirent de mes lèvres sans que ma raison n'y puisse plus rien, tandis que j'appuyai sur la touche raccrocher.

« Reviens ici demain, même heure même endroit. Je ne te dénoncerai pas. Je veux juste en savoir plus. »

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 18, 2018 ⏰

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