Bellatrix

Partie 4 - Le danger

 Effectivement, dès le lendemain, il l'attendait dans les gradins, et la supplia de lui apprendre le tir à l'arc. Elle accepta, secrètement ravie.

 On la taquinait souvent en lui disant qu'hunter était collé à ses basques comme un petit tôtien l'était à celle de sa mère.

 S'ils avaient su !

 Quelques semaines après qu'elle avait commencé à donner des cours à l'enfant, Calla lui rendit visite, et la pria d'arrêter.

 « Il te ressemble trop, Bella. La forme des yeux, du visage, certaines mimiques... Quelqu'un va comprendre. Et imagine si lui il comprenait. Le poids que ce serait pour lui ! »

 Elle ne l'avait pas écoutée. Elle ne pouvait pas. Elle aimait être près de son fils, entendre sa respiration quand elle l'aidait à rectifier sa position au tir à l'arc, plaisanter avec lui, lui faire travailler ses langues étrangères. Il lui suffisait d'entendre ou de voir quelque chose pour ne jamais l'oublier, et parfois, elle avait l'impression qu'il était plus cultivé qu'elle.

 Elle l'aimait, plus que tout.

 Son devoir de terrienne lui disait de le tuer. Son devoir de rauthrsandienne lui disait de lui tourner le dos.

 Mais elle s'en moquait.

 Elle était, et cela avant toute autre chose, sa mère. Elle ne l'abandonnerait jamais.

 Depuis quelque temps, il venait accompagné de sa meilleure amie Wanda. Dès le premier regard, Bellatrix l'avait adorée. Spécialiste des remarques acerbes, elle offrait, avec le garçon, d'incroyables joutes verbales.

 Il venait d'avoir dix ans quand la réalité la rattrapa. Elle venait de gagner un combat quand une étrange sensation la saisit.

 Elle fit volte-face.

 Adossé à une colonne, un jeune homme la fixait.

 Il devait avoir dans les seize ans, et n'était clairement pas de Rauthrsandr. Pâle, comme s'il ne sortait presque jamais, il portait une sorte d'uniforme couleur charbon et lave, ainsi qu'un foulard sombre. Ses cheveux, légèrement ondulés, dégradés de façon à être dégagés sur sa nuque mais presque tomber devant ses yeux, étaient d'un noir profond. Ses iris ressemblaient à des braises. Bellatrix était prête à parier qu'ils brillaient réellement.

 Il attirait tous les regards, mais n'y prêtait pas attention. Il la regardait sans aucune gêne.

 Nerveuse, elle s'approcha.

 Elle savait d'où il venait.

 -Ravi de faire votre connaissance. Mon maître m'a beaucoup parlé de vous.

 Elle serra les dents.

 Elle avait mille raison de haïr le maître en question.

 -Mais je ne te connais pas.

 Il sourit.

 -Effectivement. Cerbère, pour vous servir.

 -Je doute que ce soit ton vrai nom.

 -C'est celui auquel je réponds.

 -Qu'est-ce que tu veux ?

 -Je viens prendre des nouvelles du garçon. C'est un bon guerrier.

 -Effectivement.

 -Je ne l'ai pas vu utiliser ses pouvoirs. C'est dommage. C'est peut-être un Dissimulé. En fait, je venais surtout vérifier que vous ne faisiez pas de... bêtises, disons.

 Bellatrix haussa les épaules, geste bien nonchalant ne reflétant en rien la haine et la rancœur qui lui labouraient les tripes. Si elle l'avait pu, elle aurait assassiné immédiatement ce garçon aux yeux incandescents.

 -Je n'ai pas besoin de ça. Il n'obéira pas à ton maître. C'est quelqu'un de bien.

 -C'est justement parce que c'est quelqu'un de bien qu'il se rangera de son côté.

 -Tu ne doutes pas une seconde, hein ? Tu es vraiment un bon toutou, pas vrai ?

 Il sourit à nouveau. Mais, cette fois, ces dents s'aiguisèrent. Un grondement sourd s'échappa de sa gorge.

 -Vous n'avez pas idée... Quoi que l'adjectif « bon » me semble un peu erroné.

 Ses crocs reprirent une forme plus humaine, et il murmura :

 -Quoi qu'il en soit, tout me semble en ordre, pour l'instant.

 Il disparut.

 Paniquée, Bellatrix dut rentrer chez elle. Elle frappa le mur de toutes ses forces, jusqu'à ne plus sentir ses doigts.

 Elle avait oublié à quel point la situation était grave.

 Hunter était un danger. Qu'elle le veuille ou non.