Des hurlements résonnaient dans la chambre. Bellatrix ferma les yeux, épuisée. Le médecin tenait entre ses mains l'être minuscule qu'elle avait porté durant neuf mois. Quand il s'approcha, elle détourna les yeux. Elle ne voulait pas voir cette chose immonde, ce monstre auquel elle venait de donner la vie.
-Allons, Bellatrix. Ce n'est pas parce qu'il doit partir pour le foyer demain que vous n'avez pas le droit de le voir. Vous devez regarder quel fier guerrier vous allez offrir à Rauthrsandr !
L'homme se méprenait sur ses sentiments, mais elle ne voulait pas éveiller ses soupçons, et prit l'enfant dans ses bras.
C'était un garçon. Jamais elle n'aurait cru qu'il serait si petit, si fragile, si... humain. Elle avait toujours cru qu'il serait immense, animal, muni de griffes avec lesquelles il aurait déchiré son ventre pour atteindre la lumière du jour. Au lieu de cela, le bébé était à peine plus grand que son avant-bras, et semblable à n'importe quel autre nouveau-né.
Sauf qu'il lui paraissait déjà beau comme un dieu.
Il était albinos. Sa peau avait une teinte de porcelaine, et sa chevelure, déjà très fournie pour son âge, était aussi blanche que la neige.
Soudain, il ouvrit les yeux. Elle frémit voyant l'absence totale de couleur de ses iris, seulement différenciés du blanc de l'œil par le fin cercle noir qui les entourait. Ses paupières papillonnèrent, comme s'il était surpris par la lueur du crépuscule.
Elle savait ce qu'elle devait faire. Les nouveau-nés étaient comme du cristal : un rien suffisait à les briser, qu'ils soient humains ou pas. Elle n'avait qu'à le jeter par terre. Il mourrait. Elle serait punie, mais elle aurait accompli son devoir envers l'humanité.
Elle allait devoir être rapide.
L'enfant la regardait. Sans la haine, sans la bestialité qu'elle pensait trouver en lui.
Elle ne pouvait pas.
Elle en était incapable.
Elle ne l'avait pas conçu. Elle ne l'avait pas voulu. Mais elle l'avait enfanté. Et, malgré elle, elle l'aimait.
Elle sourit, caressa la peau fine et douce de la joue du bébé.
Il devait avoir faim, mais pourtant, il ne pleurait plus. Il la fixait juste, de toute la pureté de son regard.
Il ne pouvait pas être dangereux. C'était impossible.
Elle déposa un baiser sur son front pâle, avant de le tendre au médecin.
-Adieu, Ermin, murmura-t-elle.
-Il ne pourra pas garder ce nom, signala le médecin. Vous ne voulez pas l'allaiter ?
-Je crois que je l'aime déjà trop.
-C'est souvent le cas. L'instinct maternel est quelque chose de très puissant. Mais le premier lait est important pour le développement d'un bébé.
Elle le garda donc avec elle toute la nuit, sentant grandir son amour pour cet enfant si calme, qui pleurait si peu, promenant ses yeux incolores partout autour de lui, se blottissant contre elle.
Elle le berça, lui fredonna des chansons qu'elle avait apprises lors d'un voyage à Avallon, embrassa mille fois son visage si beau.
On le lui avait dit : la première fois était toujours la plus dure. Mais quand on lui enleva son fils, elle crut qu'on lui arrachait le cœur. Elle aurait voulu hurler, massacrer tous ceux qui lui prenaient son enfant, réduire à néant le système de Rauthrsandr qui voulait que les petits ne connaissent jamais leur parents.
Par accident, elle mit feu au lit. On dut lui en amener un nouveau. Elle se recroquevilla dans les draps en sanglotant, répétant le nom qu'elle avait choisi à son bébé, auquel il ne répondrait jamais.
Comment avait-elle pu passer si vite de la haine à l'amour ? Elle se souvenait parfaitement le jour où elle avait découvert que, pourtant vierge, elle était enceinte. Le jour où elle avait compris ce qu'était l'enfant qu'elle portait. Elle avait plusieurs fois songé à se donner la mort, pour emporter avec elle cet être infâme qui grandissait en elle.
Elle aurait dû agir plus tôt. A présent, cette chose allait se développer, devenir la créature horrible qu'il était destiné à être.
Il allait vivre.
Et, au fond, cela la comblait de joie.
Non, son Ermin ne pourrait pas devenir un monstre. Il était si parfait, si pur. C'était impensable.
Comme toujours quand elle était nerveuse, elle porta la main à son collier dwairn, le pendentif qui la désignait comme possédant des pouvoirs surnaturels. Elle eut un frémissement de surprise.
Il y en avait deux.
A côté de son habituel trifoïl se trouvait un triskell.
Elle enleva le deuxième collier. Quelle imbécile elle faisait ! Elle était une dwairn : Ermin en était donc un lui aussi !
Dès qu'elle put sortir de l'hôpital, elle se rendit au foyer pour enfant de Stanja, la ville où elle habitait. Quand elle frappa à la porte, la directrice en personne vint lui ouvrir.
-Bella ? Qu'est-ce que tu fais là ?
-Bonjour, Calla.
Les deux femmes avaient grandi ensemble, et, bien qu'elles ne se croisent plus très souvent, elles restaient en bons termes. Calla fronça les sourcils, suspicieuse.
-C'est pour ton enfant, c'est ça ?
Elle secoua la tête.
-Tu sais bien que les parents n'ont pas le droit de voir les gamins.
-Ce n'est pas pour le voir. Je n'ai pas donné son collier au médecin.
Elle montra le pendentif.
-Et tu veux que je lui ramène... Bon sang, comment tu veux que je sache lequel de ces gosses est le tien ?
-Tu l'as reçu il y a trois jours.
-C'est ce que je dis. Ce jour-là, j'ai reçu quatre enfants, dont une fille.
-C'est un garçon.
-Tu ne vas pas dire que les trois ont les cheveux blancs ?
-L'albinos ? Il est de toi ?
-Non, de la voisine de gauche.
Elle soupira.
-Bon file-moi le collier et barre-toi. J'espère que tu ne t'es pas trop attaché à lui. Les albinos ont presque tous des problèmes de vue. Il ne tiendra pas longtemps. Mais je te préviens, je ne lui dirais pas qui tu es. Je ne suis même pas sensée savoir que tu es sa mère.
-Je sais Calla. Mais je ne pouvais pas le laisser sans son collier.
-File, je t'ai dit !
Sur ce, elle lui claqua la porte au nez.

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Bellatrix
FantasíaExcellente combattante, intelligente, douée d'un pouvoir rarissime, Bellatrix est la rauthrsandienne parfaite. Tout semble lui sourire. Jusqu'à ce qu'elle tombe mystérieusement enceinte. Que feriez-vous, si vous aviez enfanté un monstre ? Cette nou...