Je ne réalisais pas. Elle était devant moi, souriante.
Elle s'imaginait que j'allais lui sauter dans les bras, l'enlacer après tant d'années ? Que j'allais tout lui pardonner en seulement une poignée de secondes ?
Elle m'avait privée de mère pendant toute mon enfance et je n'étais pas prête à tout oublier en un seul jour. Elle devait mériter mon pardon.
D'un autre côté, j'avais l'envie irrésistible de courrir dans ses bras et de la serrer de toutes mes forces.
Elle m'avait donnée la vie mais elle ne m'avait pas élevée. Elle était lâche, je devais rester là où j'étais, tel un poteau déraciné.
J'avais toujours rêvé de la rencontrer.
Elle remplissait mes rêves de petite fille. Plus jeune, mon plus grand souhait n'était pas de rencontrer une princesse ou une fée. Je voulais seulement voir ma mère.Elle était partie à la naissance de mon frère, nous laissant seuls avec un grand vide. Qui peut vivre sans sa mère ?
Je ne me rappelais plus d'elle. Je n'avais qu'une photo floue dont je ne me séparais jamais, elle me laissait imaginer son visage, son caractère.
Papa ne nous parlait jamais d'elle. Une fois, des questions plein à la tête, j'avais voulu le questionner. Je voulais au moins qu'il me parle d'elle, des raisons de son départ.
Mais son visage se figea, ses joues rougissèrent. Les larmes lui montèrent aux yeux. Il ne pouvait prononcer un mot.
Je partis donc sans réponse. Depuis ce jour, je n'avais jamais osé lui en reparler.
J'étais donc en train de vivre un rêve mais rien ne se déroulait comme ce que j'avais imaginé.
Tout cela c'était passé tellement vite que je n'avais pas eu le temps de réaliser qui j'avais réellement devant moi.
Je ne savais pas quoi penser ou quoi ressentir. De la colère ? De la tristesse ? De la joie ? De la peur ?
Tout se bousculait dans ma tête. Je n'arrivais pas à avoir les idées claires. Tout était flou dans mon esprit.
Soudain, ma mère décida d'entamer une conversation.
"Les enfants, je suis vraiment désolée. Vous apprendrez quand vous serez plus grand que dans la vie, on ne peut pas toujours faire ce qu'on souhaite le plus au monde. Je peux enfin revenir auprès de ceux qui comptent le plus pour moi : vous."
Elle nous fixa pendant un court instant. Mon frère et moi nous demandions ce qu'il se passait. Je ne me sentais pas bien. J'avais la tête qui tournait.
Après un regard complice et interrogateur, nos regards se tournèrent vers notre père qui nous fit signe de son impuissance. Ensuite, ils se dirigèrent vers l'élèment clé de la journée. Elle continua :
"J'espère que malgré toutes ces années d'éloignement, nous pourrons enfin construire quelque chose ensemble."
Je rigolai. Nerveusement. Mais je rigolai. Tout le monde me dévisagea. Puis je dis :
"Construire quelque chose avec vous ? Mais je ne vais pas construire quelque chose avec une inconnue !"
Tout le monde était étonné de ma réaction. Je lui avais rigolé au nez.
Je n'avais pas réellement contrôlé mes propos mais inconsciemment, je devais plus ou moins le penser. Je regrettais un petit peu.
J'avais vouvoyé ma mère ! D'un autre côté, on m'avait appris à vouvoyer les adultes que je ne connaissais pas. C'est ce que j'avais fait...
Au bout de quelques secondes de malaise, ma mère prit la parole.
"Je vais vous annoncer une grande nouvelle."
Elle allait partir ? Mes propos l'avaient fait changer d'avis ? Tant mieux. Tout serait tellement plus simple.
J'avais presque réussi à l'oublier depuis toutes ces années mais elle était revenue. Quelle égoïste !
"Je suis malade."
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Tout ce qu'on a oublié de se dire
Narrativa generaleC'était la grande aventure pour cette famille brisée par le passé. Mais quand elle se tourne vers l'avenir, pleins de projets à la tête, le passé n'est jamais très loin...