Chapitre 2

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          Allongé sur mon lit, je repense aux évènements de la veille, mais plus particulièrement à ma curieuse rencontre. J'aurais aimé le remercier comme il se doit, l'inviter à prendre un verre, quelque chose dans le genre. Or, il s'est contenté de disparaître dans la pénombre, les mains dans les poches de son vêtement rayé. J'ignore son nom, je ne lui ai pas demandé, il ne me l'a pas révélé de son plein gré. Nous sommes destinés à ne plus nous revoir. Nous ne faisons pas parti du même monde; pensais-je malgré moi. Mais c'est la vérité. Et puis, il est hors de question que je retourne dans un tel taudis. Non vraiment, il n'y a pas moyen. Lorsque je suis rentré chez moi, mon père m'a fait une accolade virile pour me féliciter de ma victoire. Ma mère, toujours à son téléphone, m'a simplement félicité du regard avant de repartir dans son affaire. Ce n'est pas de sa faute après tout, elle a une vie plutôt chargée. Je n'ai pas osé aborder l'agression que je venais de subir. J'ai juste exprimé la perte de mon téléphone et la nécessité d'en avoir un autre. Mon père a hoché positivement la tête et ma mère s'est enfuit dans une pièce voisine pour continuer sa conversation. "Non Sonia, il est hors de question que Frédéric s'occupe de ce client. Je préfère m'en charger moi-même!". Ma mère venait une nouvelle fois de sermonner sa secrétaire, de sa forte voix autoritaire. Mes parents ont beaucoup changé en quelques années. Avant de me concevoir, mon père était membre d'une célèbre équipe de basket, l'une des meilleures. Malheureusement, une blessure à la cheville a mit fin à sa carrière. Il a redémarré en temps qu'entraineur à ma naissance. Ma mère, quand à elle, n'a pas toujours été cette femme aux grands airs de patronne, elle était plutôt du genre calme et réfléchie. Elle travaillait comme rédactrice en chef pour le journal local. Cependant, elle a fini par changer de voie en devenant agent immobilière. Lorsque j'eus atteint l'âge de la raison, elle ouvrit avec ses fonds et ceux de mon père sa propre boîte qui tourne tellement bien qu'elle se retrouve assez facilement déborder. D'après ce que j'ai pu comprendre grâce à ses nombreux appels téléphoniques, ce Frédéric n'a pas du briller ces derniers temps. Mon regard se perd à travers mon plafond véranda qui me laisse une nette vue sur le ciel. J'aime contempler le ciel étoilé et ses astres. Ce soir, les nuages rendent cette toile bien obscure et cette pièce bien bruyante de part les gouttes de pluie qui s'abattent violemment contre le verre. L'un des inconvénients de la chambre. Deux coups à la porte me sortent de ma tranquillité, laissant apparaître dans l'encadrement de la porte les yeux opales de mon père.

"Tu viens manger fiston?"

          La sonnerie de mon réveil retentit, m'arrachant un cri de mécontentement. La veille, j'ai passé la soirée à boire à notre victoire avec les membres de l'équipe. Or, je n'avais pas prévu qu'ils organiseraient un Barathon s'en m'en informer au préalable. Je me lève difficilement, surestimant la capacité de mon estomac a toujours contenir le peu d'aliments présents à l'intérieur et de la liqueur ingurgitée. Je me jette précipitamment sur ma corbeille en plastique et régurgite la mixture malodorante. Pour rouler une pelle aujourd'hui, ce n'est pas gagné. Je prends le récipient improvisé et me dirige vers ma salle de bain où j'entreprends de le nettoyer. Je profite de cette occasion pour avaler un médicament afin d'atténuer ma migraine. J'observe un instant mon reflet dans le grand miroir présent au dessus du lavabo. Je soupire d'agacement en y passant de l'eau. J'ai vraiment une sale gueule ce matin. Un teint pâle, des yeux cernés par la fatigue, la bouche pâteuse, les cheveux en vrac et un maudit bouton d'acné qui a décidé de se manifester au dessus de mon sourcil gauche, histoire de me pourrir un peu plus la journée. En ultime recourt, je serai bien tenté d'utiliser l'anti-cerne de ma mère. Je ne préfère pas m'y risquer, ne souhaitant pas subir le courroux de ma mère. Imaginez qu'il ne vous reste qu'un pot de Nutella et que la totalité de votre famille souhaite se l'approprier alors que vous l'avez vous même acheté avec votre propre argent de poche. Et bien c'est la même chose avec ma mère. Pour elle, son pot de Nutella, c'est son maquillage. Je descends au rez-de-chaussée, baillant à m'en décrocher la mâchoire. Mon père me souhaite le bonjour en lisant le journal dans le fauteuil. Ma mère est déjà partie depuis environ une bonne heure. Nous ne mangeons pas en famille, sauf lors du souper, se déroulant dans un silence religieux. Je sais, ma famille est plutôt cool et unie. Je me sers ce qui reste dans la cafetière. J'ai horreur du café, ce goût amère qui semble t'assécher la gorge à chaque gorgée. Même avec trois sucres, c'est dégueulasse. Cependant, lorsqu'on a une gueule de bois le matin, ce liquide froid te met un coup de booste. De toute manière, que je le fasse réchauffer ou non, du café reste du café, qu'il soit froid, tiède ou brûlant. Je dépose la tasse dans le lave-vaisselle. Je n'ai pas vraiment le temps de correctement déjeuner, et encore moins de prendre une douche. Je remonte les marches à la halte, manquant de glisser sur la dernière. J'ouvre précipitamment la porte de ma chambre et en fis de même avec mon armoire. Ne portant qu'un pantalon de pyjama, je le retire et enfile un sous-vêtement avant de farfouiller dans mes teeshirts. J'en pris un blanc avec un ballon de football tracé sur le torse et un pull kaki. Je me vêtis de mes habits en y rajoutant un simple jean.

Le temps des regretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant