Chapitre 5

185 25 0
                                    


Je cours à en perdre haleine. Le froid mord ma peau mais il fallait que ça sorte. Il fallait que cette rage quitte mon corps. Il fait nuit et les rues sont désertes. Je ne peux pas demander aux voisins de m'héberger, ce serait bien trop simple. Il faut que j'apprenne à m'en sortir par moi même. Sans que je ne m'en rende compte, mes pas me menèrent en direction du gymnase, plus particulièrement sur le terrain de football. Il veut me virer de l'équipe? Très bien! Je vais leur montrer ce qu'un vrai joueur sait faire! Je monte les gradins jusqu'au dernier rang. Je me penche en dessous d'un des bancs et en sors un ballon. Rayan et moi avons eu la bonne idée d'en cacher un au cas où nous voudrions nous entraîner en dehors de heures autorisés, mais également pour impressionner les filles quand l'occasion se présentait. Je l'envoie valser jusqu'au terrain. Ma course m'a déjà bien échauffé et je n'ai aucune envie de faire des étirements. J'ai juste besoin d'un défouloir. J'arrive assez rapidement sur le terrain. J'enfile mon autre paire de chaussures puis effectue quelques jongles. Il n'y a que ça pour me détendre. Cette passion pour le foot, je l'ai découverte assez tôt, au début du collège il me semble. Mon père souhaitait que je devienne basketteur, comme lui, mais ce n'était pas mon truc. Un jour, un ami m'a proposé d'essayer. Son entraîneur était plutôt cool et il m'a appris les bases dans l'heure. J'ai convaincu ma mère de m'inscrire dans le club. Elle disait que si mon père était d'accord, elle n'y voyait pas d'inconvénient. J'ai du me battre bec et ongle pour qu'il accepte. Ce n'est que lorsqu'il m'a vu jouer avec les autres membres, le sourire aux lèvres, que le lendemain je sois admis au club. J'avais enfin un rêve, un but dans la vie, celui de devenir le meilleur, que les plus jeunes m'admirent et que les autres m'idolâtrent, que je vive de ma passion. Je shoote dans le ballon, effectuant un cornet avec difficulté. J'ai un peu de mal avec ce marquage. Soudain, je perçois le son d'applaudissement à ma gauche. Je n'avais même pas remarqué que j'avais été observé. Je pivote le regard en direction du bruit pour croiser celui de Loan, la capuche toujours relevée sur la tête, un sac de course reposant sur son bras gauche. Il sursaute en voyant mon étonnement. Qu'est-ce qu'il fiche ici? Il me piste ou quoi?! Ça en devient limite flippant. A croire que ce gars est partout à la fois. Il repositionne son sac dans sa main en abaissant les bras, s'apprêtant à repartir.

"Attends Loan!"

Il se stoppe net dans sa lancée. Il se tourne avec hésitation dans ma direction. Je soupire d'agacement. Ce mec va peut-être mettre utile finalement. Je retire mes crampons et enfile mes baskets. Je marche vers le ballon et vise le sommet des gradins. Je fléchis les genoux, les paumes en T puis étends mon corps en envoyant l'objet à l'arrière des bancs. Je n'ai rien perdu de mes années de baskets apparemment. Mon père va me manquer. J'irai peut-être lui rendre visite lorsque ma mère sera au travail, cela me permettra de passer un petit moment avec lui. J'agrippe mes deux sacs laissés à l'abandon et m'avance dans sa direction. Il ne bouge pas, les épaules toujours fléchis en avant, les yeux tombant sur le bitume.

"J'aurais un service à te demander." lui demandais-je, hésitant.

Il hausse un sourcil, attendant ma quête. S'il accepte, il faudra que je trouve rapidement un abri en parallèle, autrement je risque une nouvelle fois de me retrouver à la rue. Il va falloir que je joue un double jeu durant "l'effet miroir".

"Pourrais-tu m'héberger le temps que je trouve un travail et un appartement? J'ai fugué de chez mes vieux et je ne sais pas où aller."

Son regard s'agrandit de stupeur. Il doit me prendre pour un fou. En même temps, un type que tu connais depuis juste une journée qui te demande de l'héberger durant une durée indéterminée, tu as tendance à l'éviter.

Il baisse le regard, se massant l'arrière de la nuque. Il hausse les épaules avant de faire demi tour. Je m'apprête à lui quémander sa réponse mais il bascula sa tête dans une direction, m'incitant à le suivre. Dans quoi me suis-je encore embarqué? Murmurais-je en silence.

Le temps des regretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant