Eva écarta le rideau pour distinguer la silhouette qui s'éloignait du perron, alors qu'elle entendait les cris de sa mère résonner dans les escaliers. Elle savait que les nouvelles seraient mauvaises. Même si la famille royale faisait tout pour taire les inquiétudes et minimiser l'importance de la situation, aucune des Lignées n'était dupe. Le vent grondait à l'est, les ports avaient été fermés et les soldats s'armaient. On redoutait une guerre, mais on priait encore pour l'éviter. Les Trois Cités pouvaient tomber.
L'avenir précaire de leurs Lignées était préoccupant, mais les Cités continuaient de fermer les yeux sur cette évidence. C'était là la volonté de leur souverain, afin d'éviter un exode massif vers les montagnes. Car une désertion signerait l'échec de tout combat, mais Eva savait que son peuple, quoique usé par les manipulations à la Cour et les conspirations, n'était pas lâche. On se battrait, même si la moitié de la population devait succomber.
La plus grande fragilité des Trois Cités était leur ouverture sur la mer, car Ador, Neor et Drër étaient liées les unes aux autres aux abords de la plage. Les Lignées usaient de cet avantage pour faire prospérer leur commerce, car jusque maintenant les mythes avaient suffis à décourager les désireux de conquêtes. Mais les Trois Cités n'avaient encore jamais rencontré les Orns venus par la mer. On les craignait, parce qu'ils étaient connus pour leurs pillages sanglants. Ils ne possédaient pas l'honneur et le charisme des Lignées. Ils étaient des barbares.
Pour les Lignées, la guerre était un art par lequel chacun devait prouver sa valeur. On ne pillait pas lâchement, on ne violait pas les femmes, et on ne mettait pas les enfants en esclavage. Quelques accidents pouvaient arriver, que certains nommeraient les aléas de la guerre, mais le roi faisait en sorte que l'on se souvienne de la bravoure de ses hommes plutôt que leur sauvagerie.
Jusque maintenant, peu s'en était pris aux Trois Cités, moins par respect que par crainte, mais c'était un fait. Les Lignées prospéraient, ils s'adonnaient à toutes sortes de complots internes car le danger d'un ennemi externe ne les liait plus. Jusque maintenant. Les meurtres à la Cour du roi étaient monnaie courante, il s'agissait souvent d'histoires d'argent, de vengeance, de pouvoir et de titres. Tout cela était loin de la réalité dans laquelle Eva se trouvait.
Sortant de ses pensées, Eva laissa retomber le rideau et tourna la tête en direction de sa mère qui entrait en trombe dans la pièce, essoufflée.
– Sotte de fille ! Ne m'as-tu pas entendu ? Je m'égosille depuis dix minutes !
Eva contempla sa mère d'un air impassible, et eut un fin sourire.
– je t'avais entendu.
Sa franchise laissa sa mère indécise, puis elle marmonna quelques insultes en drinien, dialecte anciennement parlé avant que le roi ne fédère les Lignées autour d'une seule Cité et donc une seule langue.
– Si tu pouvais avoir la douceur de caractère de ta sœur, les dieux auraient été plus cléments avec moi !
– Ania n'a que neuf ans, affirma Eva sans se démonter alors qu'elle s'asseyait, quelles nouvelles de Drër ?
– Le roi a fait un discours en public, devant sa Cour, expliqua sa mère, il a affirmé que la menace était réelle. Des bateaux Orns seront ici dans quelques mois. Il appelle au calme, et à la détermination.
Eva se leva lentement et se dirigea en direction de son secrétaire, afin de ranger ses parchemins.
– Ce n'est pas une nouvelle. Le roi a juste été aveuglé par les distractions à la Cour tout en ignorant la menace.
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Les sept Lignées
Fantasy- Je ne souhaite pas vous quitter. Je ne souhaite pas partir. Les Lignées doivent se rendre compte de leur erreur. Je ne suis coupable de rien! - Est coupable la personne que l'on désigne comme telle. Les Lignées sont trop puissantes, elles ont le s...