Rouge

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Noir. Le mur se dressant devant moi, est d'un noir écarlate, si intense qu'on si perdrait dedans. À ma droite, un parapluie gris posé là, seul, au milieu d'une flaque bleue. Les yeux au ciel, j'aperçois une boule, très grande, qui se rapproche, encore et encore. Elle est rouge, rouge sang, rosé, orangé, bordeaux, un rouge qui représente tous les rouges. Une goutte se fait ressentir au niveau de ma main. Je la porte à mes yeux et discerne une goutte rouge, puis une autre se pose sur mon avant-bras gauche, rouge elle aussi. Puis une averse de rouge tombe sur ma tête, me faisant courir vers le parapluie. Le sol se lève, créant des creux et des bosses. Un pied dans un creux, l'autre sur une bosse. Un bruit sourd traverse brusquement mes oreilles. Mon corps à terre, du rouge fuyant ma cheville, le parapluie n'est pas à ma portée. Le bleu se perd dans ma vision, me laissant seule face à l'averse. Le rouge de mon corps se mélange au rouge du ciel. Il me submerge, m'enfonce, me noie. Je me meurs dans le rouge.

Je me réveille en sursaut, mon front transpirant, mes cheveux collés au visage, mes mains tremblante. Que signifie ce cauchemar? La peur du rouge, voilà ce qu'il me procure. Jeanne, la responsable de mon niveau, rentre dans la chambre reliée à l'infirmerie, me jetant un regard inquiet.

-« Maya, ça va? Je t'ai entendu pousser un cri à côté. Je suis venue pour te dire que tu pouvais venir manger, il est 13h. Veux-tu que je t'amène un plateau repas? »

-« Oui oui, ça va. Euh, non, je vais me débrouiller, merci. »

-« Bon, comme tu veux, si tu as besoin de quelque chose, demande le moi, d'accord?»

-« D'accord, merci Jeanne. »

Elle sort de la pièce, le sourire aux lèvres. C'est une des rares personnes que j'apprécie dans ce lycée. Je m'assois donc, la couette sur mes genoux. Les paupières closent, j'avale une grande bouffée d'air, de peur de suffoquer après ce cauchemar.

Je détache les cheveux collés à mon visage, les transforment en boule sur le haut de mon crâne, ressemblant à une coiffure on ne peut plus normal. Je rouvre les yeux, attrape difficilement mon sac posé sur la chaise à côté.

J'en sors un miroir, et y contemple mon reflet. Mes joues ont virées au pourpre et des cernes violacées trônent sous mes yeux. Un souffle d'agacement s'échappe de mes lèvres.

Épuisée par cette vision d'horreur, je pose mon sac à terre ainsi que mes pieds, pousse la couette vers le fond du lit, respire, inspire, et me lève brusquement, me tenant à la chaise sur ma gauche.

Des tremblements surgissent dans mes membres inférieurs, mais j'en fais abstraction. Je repositionne ma chemise sur mes épaules, enfile mes chaussures, range mes affaires traînant sur le lit dans mon sac, l'emportant avec moi et file hors de la chambre.

Devant moi se trouve le bureau de l'infirmière, vide. Sûrement à sa pause déjeuner; je suis tranquille. Je m'enfuie dans les couloirs, eux aussi vide. Arrivée au portail du lycée, je me fais discrète, et pars vers la gauche, fuyant la foule de lycéens au fond de la rue, à droite.

J'arpente les rues, slalome les voitures, m'engouffre dans le centre, voulant disparaître le plus possible. Une odeur fleurie me chatouille les narines: le printemps. Il est arrivé si lentement, et il repart pour bientôt déjà.

Ma main posée sur le portail rouillé, je regarde le panneau accroché maladroitement dessus. La fermeture de mon petit coin de paradis arrive le lundi 16 avril 2018, dans exactement deux semaines.

Ce petit parc n'est pas à la portée de tout le monde, vu son emplacement. Il est caché derrière un grand bâtiment, ne lui laissant plus de place pour respirer. Les arbres qui l'habitent, dérangent les habitants de l'immeuble d'en face, prenant trop de place, apparemment.

Maya [En Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant