Je saute de mon vélo, le pose violemment par terre et cours vers ma porte d'entrée. Je m'enfonce dans ma sombre demeure, jette mes bottes au pied de l'armoire et monte à toute vitesse l'escalier, me dirigeant dans ma chambre.
Mon sac sur le lit, je prends ma boîte et en extirpe ce qui m'appelle depuis tout à l'heure. Maintenant au-dessus de mon lavabo, ma lame entre mes doigts, je me concentre sur mon ventre, pas encore détruit.
D'un coup sec, j'enfonce la lame dans le bas de mon ventre, trace un trait épais, laissant échapper le rouge. Je grimace, la douleur m'atteint, panse un moment mes tourbillons noirs qui voguent dans mon crâne, m'empêchant de vivre.
Je remarque mon corps d'une, même trois lignes rouges. Des gouttes glissent vers mon pantalon. Je le retire, évitant de le tâcher. Mes yeux fixent le tableau qui s'offre à moi. Mon ventre meurtri, sûrement à jamais.
Mon corps est recouvert de ma souffrance, traduite en traits blancs, encrés dans celui-ci à jamais. Aux poignets, avant-bras, épaules, bas-ventre, hanches, cuisses, mon corps entier est marqué.
Que ferai-je quand mon corps ne me suffira plus pour exprimer mon mal être? Que ferai-je alors, quand il n'aura plus de place pour accueillir ma lame? Que ferai-je, pour vivre dans ce monde, sans mon seul moyen d'expression?
Perdue et troublée, je reviens à la réalité. Elle est moins belle, la réalité. Semée d'embûches, de surprises et emplie de noirceur, je ne vois pas le besoin de rester sur cette sphère me voulant que du mal.
Mon regard se pose maintenant sur la glace, me faisant face. Je suis encore plus dégoûtée qu'avant. Ce corps, jamais je ne pourrai le montrer, en être fière. Ces traces hideuses, ne laissant aucun morceau de chair lisse, ne font qu'accentuer la grimace qui affiche mon visage.
Et la faim, ce qui me tord le ventre toute la journée, ce sentiment de ventre vide que je ressens a perpétuité. Mais si je l'apaise, si je lui donne à manger, mon corps gonflera, et je serai laide, grosse et déformée. Manger ou maigrir, un dilemme avec qui je me bats tous les jours.
Porter des masques qui recouvrent ta véritable personnalité, facette, devant le monde entier, et vraiment lourd à supporter. Avoir personne sur qui compter, pour t'épauler, te réconforter, et dur à trouver. Personne de mon entourage, peut me comprendre, ou m'aider.
Surtout quand tu te fais harceler au lycée, que t'es tellement transparente, indifférente, que personne ne vient à ton secours. Mes journées sont faites seulement de souffrance.
Le matin, ma mère me dénigrant, mon père bourré, la journée au lycée, Tom et sa bande, et le soir, pour extérioriser ces problèmes, je me charcute le corps et mon estomac en le privant de nourriture.
Pour faire semblant, je me retrouve au-dessus des cuvettes des toilettes, deux doigts dans la bouche, profondément dans la gorge, rejetant la nourriture ingurgitée.
Noire, meurtrie, voici la vie que je mène. Je suis déterminée à rester dans ce cercle vicieux, sans personne pour m'en sortir. Certes j'ai Estelle, Marjorie, Louis et Julien, mais ils ne se rendent compte de rien.
Je suis dans la contradiction. Je fais tout pour cacher mes cicatrices, par honte, mais j'ai envie que quelqu'un remarque ma souffrance, qui s'intéresse à moi. On dit que l'espoir fait vivre, mais il fait aussi souffrir.
Sur mon ventre, le sang a séché. Il va être difficile à enlever. Je pose mes mains sur le lavabo, ma tête juste au-dessus. Un soupir long et bruyant sort de ma bouche, ainsi que des gouttelettes aux coins de mes yeux.
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Maya [En Pause]
Teen FictionLa rose blanche dans la main, une larme coule le long de mon nez. La terre sous mes bottes, le bruit de la pluie sur mon parapluie, je ne sais quoi penser. Je jette avec lenteur, douleur et délicatesse, la fleur d'adieu. 1 mois. Le mois le plus mouv...