Pulsations.

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Elle écrivait, penchée sur son papier, sans lever le bout du nez.

La musique trop forte faisait pulser ses tympans bien trop durement pour son bien.

Elle devait écrire. Écrire pour faire passer. Passer au dessus de ça.

Elle monta encore le son du lourd casque. Il retenait ses long cheveux bruns qu'elle n'avait pas pris le temps de démêler et qui pendaient dans son dos.

Sa main gauche chercha son paquet de cigarettes, l'ouvrit et en tira une. Celle à l'envers. Elle grommela. "Fait chier putain".

Elle la porta à ses lèvres, regarda distraitement son Zippo, souvenir de jours meilleurs, puis fit jaillir la flamme. Son cœur battait trop vite. Elle était seule cette nuit là. Plus seule que jamais.

Depuis quarante-huit heures tout allait mal. Elle avait tout perdu. Il était parti. Ils étaient partis. Tous les deux. Elle continuait à écrire rageusement, fumant du coin des lèvres, l'œil droit brûlant par la faute de la fumée. Deux larmes glissaient le long de sa joue, mais pas de tristesse. Deux gouttes de haine pure. Une pour lui, une pour elle. Elle les vira de son visage crispé d'un coup de manche. Son mascara s'y accrocha et balafra sa peau livide d'une sombre griffure.

Son cerveau pulsait dans sa boite, elle se concentra sur cette douleur là pour ne plus sentir l'autre.

Sa main droite, tous tendons dehors, filait sur le papier à toute vitesse, ne laissant derrière elle que des hiéroglyphes illisibles. Mais elle ne pouvait pas s'arrêter. Pas encore. Elle devait raconter ces dernières heures d'enfer.

Il lui fallut encore une heure, dix feuilles de papier, sept cigarettes, la cafetière complète. Et un verre de Whisky.

Quand enfin elle posa son stylo, sa main resta pliée. La tension était si forte qu'elle ne pouvait encore s'en départir. Son sang courait trop vite dans ses veines. Et ailleurs.

Sa rage évacuée, elle baissait petit à petit le son de sa musique, reprit lentement contact avec la réalité. Elle regarda l'heure sur son téléphone. Quatre heures du matin. Ça faisait six heures maintenant qu'elle y était parvenue.

Elle garda son téléphone dans la main, essaya de se lever. Son cerveau chercha à s'échapper par sa bouche, de même que son ventre.

Elle se retint, la main devant ses lèvres trop blanches.

Elle se rendit enfin compte qu'elle était en danger. Cette fois ci elle se leva, voulut se diriger vers la porte d'entrée, et s'étala sur le sol après deux pas.

Elle avait glissé dans une marre de sang. Son sang.

Il y eu une explosion dans ses pensées. Elle toucha ses cuisses, le tissu poisseux lui donna raison. L'odeur métallique la prit à la gorge, elle gémit.

Cinq interminables minutes, elle voulut se laisser aller ici, sur le sol de cet appartement où elle avait été si heureuse si longtemps.

Ses doigts composèrent un numéro.

Une voix faible débita, bien trop calme :

" Allô ma belle, je ne te réveille pas ? (...) Non ? Très bien. Il m'a quitté tu sais... (...) Non il ne m'a pas fait de mal... C'est moi... Panique pas, j'ai avorté à la maison... Écoute, je me sens pas bien là, tu veux bien appeler les pompiers et venir ? Tu as les clefs? (...) Oui ? Je tiens le coup. Je t'attends dans la cuisine. A toute. "

L'appareil lui tomba des mains. Son corps n'était plus qu'une seule douleur, une seule souffrance,une seule pulsation. Il décida de se mettre en veille. Elle sombra dans l'inconscience, baignant dans son sang, dans sa douleur, dans son cauchemar, son enveloppe la tenant à peine en vie.

Plus tard, son amie la dirait miraculée.

Instants de viesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant