04 - Une amitié improbable

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33e jour de la saison de la lune 2440

Si ce n'avait pas été de l'appui de sa mère, Azéna aurait passé la journée enfermée dans sa chambre. Évidemment, s'enfuir au beau milieu de la soirée à son âge et son statut social était impardonnable et elle méritait sa punition. Par contre, elle commençait à apprendre comment manipuler les adultes en observant Sérus qui le faisait avec leur père. Personne ne soupçonnait qu'elle, une fillette de sept ans aurait de telles intentions. Après tout, ce n'était pas étonnant, car un jeune enfant apprend en imitant. Dans ce cas, qui était le modèle de Sérus ?

Ce matin-là, Azéna allait visiter le marché en compagnie de sa mère, de sa grande sœur Argent ainsi que d'un garde du corps. Il y avait des marchands qui avaient voyagé de Dètmor, le royaume voisin. Ils n'étaient pas discriminatoires et donc, ils avaient refusé l'invitation au château pour laisser une chance à tous de mettre leurs pattes sur leur produit. Dame Rivatha s'intéressait particulièrement à leurs épices qui lui était impossibles d'obtenir autrement. Bayrne avait été ferme avec elle, insistant pour qu'elle envoie une domestique récupérer ce qu'elle désirait. Malgré son caractère habituellement doux, sa femme avait tenu tête, réclamant qu'elle eût besoin de sortir pour prendre l'air et pour observer le petit-peuple. Elle possédait une qualité rare chez un souverain : une véritable attention concernant le bien-être de ses sujets. Azéna n'y comprenait que peu, mais elle était tout simplement heureuse de ne pas avoir à s'enfuir à nouveau pour aller rencontrer sa nouvelle amie. Cette dernière l'avait invité à la rejoindre au centre-ville durant la matinée précédente. Évidemment, la petite rebelle n'avait rien dit à sa famille ; elle savait mieux. Fayne faisait partie de la paysannerie et c'était inconcevable qu'un noble forme une camaraderie avec ce genre d'individu. Elle l'avait entendu des centaines de fois et encore, elle n'y voyait pas l'intérêt. De temps à autre, elle se questionnait sur son développement mental. Elle était si différente de son entourage. Elle ne pouvait pas s'imaginer révéler toutes ses pensées à ses parents qui étaient si conservateurs. Les traditions devaient rester intactes et les ancêtres devaient êtres respectés d'après eux. Mais qu'arrivait-il lorsqu'une tradition n'avait plus de sens avec la société ? Qu'est-ce qui se serait passé si les valeurs d'un ancêtre ne résonnaient pas avec toi ?

- Dépêche-toi, Azéna.

La fillette à la chevelure argentée leva le regard et réalisa qu'elle suivait machinalement Argent. Elle s'arrêta un peu trop tard et se cogna contre elle. Pour l'instant, elles étaient seules. Leur mère désirait qu'elles aillent offrir leurs prières à Elysia, la déesse de la lumière, de la joie et de la vie. Il y avait une statue d'elle dans l'aile la plus populaire du château. C'était extrêmement bien entretenu et les décorations étaient extravagantes. Après tout, les divinités étaient plus importantes que n'importe quel mortel. D'ailleurs, Argent et Azéna y allaient pour tenter de gagner la bénédiction d'Elysia afin d'assurer leur sécurité durant leur randonnée au marché. Azéna croyait sa mère à présent lorsqu'elle leur radotait que les gens étaient imprévisibles et parfois sauvages. Mais l'expérience d'hier soir avait aussi semé des doutes dans la foi d'Azéna. Elle n'avait rien mérité de cette violence et pourtant, Elysia l'avait abandonnée dans un moment de détresse. Au lieu, elle s'était fait agresser. Heureusement que Fayne passait par là pour se rendre chez elle. D'ailleurs, c'était elle qui lui avait expliqué la signification de sorcière. Apparemment que la nuance de ses cheveux était crainte. Les rumeurs racontaient que les sorcières, qu'importe leur âge, portaient cette caractéristique. Pourquoi en avait-elle hérité ? Elle ne pratiquait pas la magie. En vérité, elle ne savait même pas que cela existait. Cette révélation expliquait bien des évènements étranges, voire incohérents. Ce n'était pas rare qu'on la regarde de travers ou qu'on ne désire pas être en sa présence. Elle comprenait maintenant ; on la voyait comme une créature vile.

0 - Aube d'argentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant