Chapitre 2 : Le cavalier blanc

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« Alors ?», demande Tyler.

« Shaun a insisté pour que ce soit toi qui viennes l'identifier », ajoute-t-il.

Anxieux, je lui réponds : « C'est Nina. Tu vois bien que c'est elle. Shaun aussi aurait dû, assez facilement, la reconnaître vu comment ils se sont tournés autour hier soir. Ce que je ne comprends pas c'est pourquoi il a insisté pour que je vienne. C'est bien la première fois qu'il demande à me voir. »

« Je vais te le dire moi, pourquoi. » me chuchote Shaun à l'oreille.

Il s'était glissé derrière moi, histoire sûrement de me faire peur. Chose qu'il a très bien réussi, il faut avouer.

Il y a, à peine deux minutes de cela, je revoyais cette pauvre Nina se faire tuer. Enfin, plus précisément j'étais dans la peau du tueur et j'ai vu Nina mourir sous mes yeux. Le tueur s'est acharné sur son corps refroidi. Et la vue du cadavre recouvert de plaies des pieds à la tête me le confirme.

Shaun tourne autour de moi  et me fait face, il continue « Tu es là parce que Nina t'a clairement fait comprendre que tu ne l'intéressais pas, malgré ta drague lourdingue d'hier soir. Tu l'as mal pris, tu as ruminé ton échec toute la soirée. Tu as bu ou fait semblant de boire plus qu'il n'en faut, pour éponger ton humiliation. Tyler t'a raccompagné mais une fois chez toi ta colère t'as submergé et tu es revenu au Hell's pour lui montrer qu'on ne te dit pas non. Pas à toi. Et tu l'as tué. Ça c'est ce qu'on appelle un mobile, tocard. »

Là je suis mal. Est-ce possible ?  Que ce soit moi? Ou bien avais-je la faculté de pouvoir me transporter dans le corps du tueur?

J'ai du mal à déglutir, mes poils se hérissent. Je suis parcouru d'un frisson qui court le long de mon dos. Et cet endroit qui devient vraiment oppressant, la tête me tourne. Je dois me ressaisir.

J'inspire et me lance : « non mais tu es sérieux ? S'il fallait que je m'en prenne à chacune des filles qui m'ont recalé je serais le plus grand tueur en série de tous les temps. Dans ce cas-là, Tyler aussi a un mobile. »

Je me tourne vers mon meilleur ami dans l'espoir de lui faire comprendre le ridicule de la situation et lui dit : « Tu es sorti avec elle, il y a quelque mois et voir ton co-équipier se la taper hier soir t'as rendu jaloux. Ou alors Shaun a voulu aller plus loin avec elle hier soir, il s'est fait rembarrer et il n'a pas... »

Tyler lève les yeux au ciel et secoue la tête de gauche à droite comme s'il avait à faire à deux idiots en train d'essayer d'allumer un feu de camp dans un entrepôt d'explosif. C'est ce qu'il fait à chaque fois, chaque fois que Shaun et moi nous nous prenons la tête.

Oui, parce qu'il se trouve que le coéquipier de mon meilleur ami est précisément la personne avec laquelle je m'entends le moins au monde. Et ça ne s'est pas arrangé avec l'affaire du juge Petersen.

Petersen était le principal sujet de mon article sur la corruption qui sévit dans l'administration judiciaire et c'est lui qui m'a valu mon renvoi du L.A. Time. Et il a entre autre chose, déclaré un non-lieu sur une affaire concernant un chef de gang sur laquelle travaillait depuis près de deux ans Tyler et Shaun. Non-lieu dû pour un vice de procédure grâce à Shaun, ce que j'ai relayé dans plusieurs articles. D'où sa haine viscérale envers ma petite personne.

Tyler nous dévisage et hésite à nous hurler dessus. Il se ravise, serre les dents et articule : « Vous êtes les personnes les plus stupides que je connaisse. Après ces théories les plus foireuses, les unes que les autres, on peut avancer et se concentrer sur ce qui s'est passé ? ».

Tyler inspire profondément et continue : « Bien les premières constatations du légiste font état de la mort de Nina vers trois heures trente du matin. Multiples petites plaies, sur l'intégralité du corps, plus ou moins profondes dont certaines traversent de part en part les membres. On ne connait pas encore ce qui a pu occasionné ces plaies mais l'arme utilisée a sectionné plusieurs artères vitales ce qui a provoqué d'importantes hémorragies. Mais ce qui a entrainé le décès c'est l'entaille au niveau du crâne. On ignore encore la nature de l'arme du crime. Pour ma part, je ne sais pas, on dirait une dague très fine ou un scalpel... »

Mais la vérité me sauta en pleine figure.

Je me vois, me tenant devant elle. Elle regarde dans ma direction mais peine à me voir à cause de l'obscurité. C'est l'endroit parfait. Et elle représentera le premier cavalier, la conquête.

Elle entend du bruit dans ma direction, sûrement le frottement de mes pieds sur ces pavés inégaux.

« Il y a quelqu'un ? » tente-t-elle.

J'avance encore d'un pas. Je bande l'arc, vise et tire en pleine tête. Au moment même où elle se met à crier de terreur. Ma flèche atteint son objectif, pile entre les deux yeux. Elle les écarquille, un filet de sang tente de se frayer un passage sur son front et s'écoule le long de son nez. Puis elle s'écroule. Raide morte.

Je regarde Tyler et lui sort fébrilement : « est-ce que l'arme pourrait-être un arc ? ».

Shaun me dévisage et me lance avec dégoût : « genre comme un putain de Robin des bois ? ».

Tyler pince ses lèvres, comme il le fait à chaque fois qu'il pèse et sous-pèse un problème et rajoute : « possible mais il faut surtout qu'on parle de la signature ».

Il a maintenant toute mon attention.

« Une signature ? Quelle signature ? » Dis-je.

Il me répond avec gravité : « un cavalier blanc ».

ApollyonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant