Chapitre 3

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Elle arriva tel un papillon sur une fleur, un papillon sur une rose de sang. Et l'araignée lui bondit dessus.
"Bonjour, que puis vous servir ?"
Elle me répondit, d'un sourire d'une blancheur éclatante :
"Oh, un chocolat chaud, s'il vous plaît."
"Je vous fais ça. Je ne vous ai jamais vue ici, vous êtes nouvelle dans le coin ?"
"Pas vraiment, je cherche juste à faire le tour des cafés, avant ma mutation en province."
Mon temps était donc compté.
"Et si je peux me permettre, où, exactement ?"
"À Angers. C'est vers Nantes, tout à l'ouest, en dessous de la Bretagne."
"Je vois à peu près. Et dans quoi travaillez vous ?"
"Je suis prof au lycée."
"Et vous n'appreandez pas votre départ in terra incognita ?"
Son regard s'éclaira soudain, avec une vive lueur, lors de mon passage en latin. Une prof de Lettres. Sûrement Lettres Classiques. Forcément intellectuelle et mature. En dessous de la trentaine. Sûrement célibataire. Pas d'alliance. Pas de bijoux onéreux.
"Pas vraiment, c'est là que je suis née."
"Tant mieux, le coin vous sera familier. Tenez votre chocolat. Faites attention, il est très chaud."
Elle me sourit, puis s'éloigna s'asseoir à une table dans le coin, surfant sur son smartphone.
   Le temps qu'elle revienne payer me sembla extrêmement long, par je ne sais quel sortilège. Je pus profiter du fait qu'elle insérait sa CB pour lui poser la question qui me brûlait le bout de la langue.
"Vous êtes libre, ce soir ? Histoire que je vous montre les meilleures adresses et que l'on fasse plus amples connaissances avant que vous ne m'échappiez ?"
Elle fit une moue quelque peu gêné, soupira un coup, puis opina.
"Ce soir, je n'ai rien de prévu, 20h, ça vous dit ?"
"Où ?"
"Maître Kanter me semble correct, vous savez où c'est ?"
Ce à quoi je répondis que oui, que j'y mangeais avec mes parents étant gosse.
   J'attendis la fin de mon service avec plus de ferveur qu'à l'accoutumée. Un rapide détour par chez moi, une rapide douche, une tenue classe, petite veste, jean noir, un peu slim, chaussures classe, mais pas trop, un peu de parfum. C'est tout. Sans oublier le matériel habituel, qui accompagnait chacune de mes sorties nocturnes. Le trajet ne fut pas long, presque personne en direction de Paris, presque tous en partaient.me garer fut tout aussi facile. Maître Kanter, un restaurant alsacien, était un très bon choix pour un rendez vous. On m'amena à le table pour deux réservée à mon nom. Elle était sublime. Radieuse. Sa robe d'écolière de 1900 réveilla en moi de profonds désirs. Son maquillage léger, mais habile magnifiant son visage. Elle incarnait l'élève sage, moi, un peu moins. Ce repas ne fut que plaisir et bonheur. Je l'a fit rire, elle me fit rire. Nous devînmes complices, et une alchimie s'installa entre nous. Le dîner ne fut pas trop alcoolisé. Je déteste l'alcool. Il me fait perdre tout contrôle.
   Je commençais à l'aimer. Elle aussi. Je la regardais tendrement. Elle aussi. Nous revînmes chez moi, et nous nous écroulâmes sur mon lit. Nous fîmmes l'amour jusque très tard la nuit, à une heure où même les coureuses de trottoirs dorment. Elle dormait au creux de mes bras. Elle sentait bon le jasmin. Un petit sourire étirait ses lèvres. Un petit sourire étirait mes lèvres.
"Fais de beaux rêves, petit papillon. Le réveil sera de toute beauté."

Oiseau De NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant