Le chant des mouettes parvenait à mes oreilles, tandis que le vent caressait ma peau bronzée. L'air marin chatouillait mes narines, m'offrant un réel contraste avec les mois que je venais de passer à sillonner le désert. Accoudée à la barrière qui délimitait le pont du bateau, je savourais cette nouvelle atmosphère si rafraîchissante. Je jetai un coup d'œil amusé à Yeleen, qui se retenait de rendre son petit déjeuner quelques mètres plus loin. Malgré sa force d'esprit apparente, la pauvre s'était découvert un horrible mal de mer. Cela faisait donc plus d'une heure qu'elle était assise sur le plancher, la tête penchée au-dessus d'un seau qui lui était bien utile. Je m'esclaffai quelques secondes avant de reporter mon attention sur le magnifique spectacle qui s'offrait à moi. Je n'avais jamais eu l'occasion de voir l'océan, à Bamako, c'était donc une première pour moi. Et je comptais bien profiter de ce moment unique.
Après notre départ de Marrakech, puisque nos salaires nous le permettaient à présent, nous avions pris un minibus qui nous avait menées au port de Tanger. Le trajet avait duré plus de six heures, mais nous n'avions pas eu le temps de nous reposer, car nous étions directement montées sur le bateau en direction de l'Espagne. La traversée ne nous avait pas coûté plus d'une vingtaine d'euros par personne, il nous restait donc bien assez d'argent pour la suite de notre périple. Il n'y avait plus que deux heures de voyage avant d'accoster à Algésiras, ce qui semblait cependant insurmontable pour ma petite amie. Pour ma part, j'avais réellement hâte de poser le pied sur le magnifique continent qu'était l'Europe, mais je ne perdais pas de vue mon objectif pour autant.
* * *
Une voix rendue robotique par le haut-parleur qui la projetait résonna dans tout le navire. Nous avions regagné notre cabine le temps d'arriver à bon port, et dressâmes donc l'oreille pour connaître la raison de cette communication; information qui ne tarda d'ailleurs pas à arriver.
_ Chers passagers, en raison de travaux exceptionnels sur le port d'Algésiras, nous sommes dans l'obligation d'accoster à Tarifa, dix-huit kilomètres plus loin. Le personnel de bord s'excuse pour la gêne occasionnée. Préparez-vous à descendre du navire, merci de ne rien oublier dans les cabines.
Le message se termina dans un grésillement caractéristique, et le calme revint dans le petit habitacle que nous occupions. Je lançai un regard sceptique à Yeleen, toujours occupée à contrôler ses nausées, avant d'hausser les épaules. Ce léger changement de programme n'affectait pas grandement nos projets. Je pris tout de même le parti de vérifier sur la carte que j'avais achetée au port la localisation de cette nouvelle destination, avant d'esquisser un sourire satisfait en voyant que l'autoroute était aussi accessible depuis cette dernière. Je levai un pouce en l'air en direction de ma compagne, avant de me lever pour rassembler nos affaires.
_ Yeleen, on doit y aller, lançai-je.
Un grognement étouffé fit écho à mon annonce, ce qui m'arracha un petit rire. Je me dirigeai vers la jolie châtain et lui attrapai le bras pour l'aider à se lever. Elle tourna son visage devenu blanc comme un cachet d'aspirine vers moi, avant de lâcher un long soupir.
_ On est enfin arrivées ? s'enquit-elle.
_ Oui, ris-je, tu vas pouvoir retrouver le plancher des vaches.
Elle sembla satisfaite de ma réponse, car elle reprit un peu du poil de la bête avant de s'emparer de son sac et de sortir de la cabine. Malheureusement, le bateau tangua à ce moment-là, et je la vis s'étaler lentement contre le mur d'en face. Toujours hilare, je me saisis de mes affaires à mon tour avant de venir lui prêter main forte, et d'enfin sortir à ses côtés sur le pont. La rive se dessinait devant nos yeux, et je regardais d'un air émerveillé les magnifiques paysages espagnols qui apparaissaient petit à petit dans notre champ de vision. Si nous n'avions pas eu de mission à accomplir, j'aurais bien passé quelques semaines dans cet endroit sublime, aux côtés de ma chère et tendre. Mais la vision du port fourmillant d'activité me ramena bien vite à la réalité. Nous n'avions plus de temps à perdre, il nous fallait rejoindre la France au plus vite.
Le bateau fut enfin amarré en terre hispanique, et nous pûmes descendre sur la passerelle avec une foule de passagers, revenant pour la plupart d'agréables vacances au soleil. Une fois à terre, nous nous éloignâmes quelques minutes de l'agitation portuaire pour permettre à Yeleen de se remettre de la traversée. Lorsqu'elle fut revigorée à l'aide de l'air de la terre ferme, nous prîmes la direction de l'accueil du port, à la recherche d'un moyen de transport pouvant nous mener loin de la côte. Nous devions traverser toute l'Espagne du sud au nord, ce qui représentait plus de mille kilomètres. Finalement, nous trouvâmes notre bonheur dans le départ d'un car reliant Tarifa à Malaga. C'était un bon début, aussi, après avoir acheté quelques provisions pour le trajet, nous embarquâmes dans le véhicule, soulagées. Le voyage ne faisait que commencer.
* * *
Quelques centaines de kilomètres plus loin, un homme, toujours assis sur son fidèle fauteuil en cuir, fulminait au fur et à mesure des paroles que son assistant lui rapportait. Ce dernier, tremblant de tous ses membres, annonçait les dernières informations qu'il avait pu récolter.
_ Leur trajet a été dévié, monsieur. Le bateau s'est arrêté à Tarifa, nous n'avons donc pas pu les intercepter à temps. À l'heure qu'il est, elles doivent déjà avoir commencé à se diriger vers la France.
Son supérieur lâcha un grognement agacé, avant d'aboyer de nouveaux ordres à son intention et de renvoyer son fidèle informateur. Ce dernier ne se fit pas prier pour sortir en trombe de la pièce, chargé d'une nouvelle mission, qu'il n'avait pas l'air autorisé à rater cette fois. De son côté, l'homme se retourna vers son ordinateur, se plongeant à nouveau dans son sombre travail. Ces deux filles n'allaient plus lui poser de problèmes pour bien longtemps. Du moins, c'est ce qu'il souhaitait. Ses plus sombres secrets étaient en jeu.
__________
Bonjour !
Voici le tout premier chapitre de "Vagues" ! J'espère que ce changement d'ambiance vous a plu ! À la fin, je vais devoir changer la catégorie de l'histoire en "Action" dites-moi...
En tous cas, j'espère pouvoir continuer à publier aussi régulièrement ! J'attends vos pronostics en commentaires...
À très bientôt !
VOUS LISEZ
Vagues
AdventureCETTE HISTOIRE EST LA SUITE DE "DUNES". Après avoir parcouru les milliers de kilomètres séparant le Mali du Maroc, Yeleen et Esi se lancent à la conquête de l'Europe. Quels secrets vont-elles découvrir ? Quelle est cette menace qui pèse sur leurs ép...