Chapitre IV

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Le soleil empruntait la route qui le mènerait au point culminant du ciel d'un bleu aveuglant depuis quelques heures déjà. Il était presque midi, si je m'en référais à sa position actuelle, et nous marchions depuis près de deux kilomètres, Yeleen et moi. La soif et la faim commençaient à se faire sentir, et nous devions nous faire violence pour ne pas entamer nos réserves de nourriture et d'eau censées nous tenir compagnie jusqu'à la ville de Murcie. Pour des raisons budgétaires, nous avions décidé de nous y rendre non pas en car ou en train, mais en faisant de l'auto-stop. Le climat hispanique, bien que plus clément que celui du désert du Sahara, s'appliquait à nous faire regretter ce choix.

Alors que nous étions sur le point de nous décourager, car aucune voiture n'avait daigné s'arrêter ou nous mener aussi loin depuis notre départ du camping, une petite camionnette rouge ralentit à notre hauteur. Un vieil homme nous observait d'un œil curieux depuis la place du conducteur. Son visage parsemé de rides respirait la bonté et l'altruisme. Ses yeux bleus tirant sur le gris par la force du temps nous fixaient avec douceur. Tout en lui, de ses cheveux blancs comme neige à ses mains marquées par les années inspirait confiance. Cependant, au fur et à mesure de nos aventures, ma petite amie et moi-même avions appris à nos dépends à ne jamais croire les personnes qui pouvaient croiser notre chemin.

_ Où puis-je vous conduire, jeunes filles ? questionna-t-il, me tirant de mes réflexions.

_ Nous allons à Murcie, répondit Yeleen à ma place d'une voix assurée.

_ Oh, Murcie... Une si belle ville ! Vous avez de la chance, c'est sur mon trajet. Montez donc !

Voyant que je n'étais pas spécialement rassurée, Yeleen me lança un petit sourire encourageant, l'air de dire "C'était ton idée !" et se hissa à l'avant du véhicule, aux côtés de notre hôte, me laissant tout le loisir de m'installer sur la banquette arrière et ainsi de m'éloigner du potentiel danger que pouvait représenter ce dernier. La voiture démarra et reprit le chemin de notre prochaine escale dans un bruit de moteur apaisant. Jetant un coup d'œil dans le rétroviseur droit, je remarquai que la jolie brune n'avait pas eu besoin de beaucoup plus pour s'endormir contre la portière, arborant une expression apaisée. J'étouffai un soupir, ne voulant pas alerter celui qui se tenait à sa gauche, et me contentai de tourner le visage vers les paysages qui défilaient sous mes yeux.

_ Que faisiez-vous seules et au bord de la route comme ça ? finit par s'interroger le vieux.

L'envie de lui suggérer poliment de se mêler de ce qui le regardait me chatouilla la langue, mais je ravalai mes paroles acerbes. Cette personne avait pris la peine de nous laisser monter dans son véhicule pour nous emmener où nous le souhaitions, je lui devais tout de même un minimum de respect, bien que ma méfiance soit à son paroxysme. Je me redressai donc sur mon siège, et lui répondit sur un ton neutre voulu enjoué :

_ Nous faisons un road trip, tout autour de l'Espagne.

_ Oh ! Je vois. C'est si beau d'être jeune... Vous avez dû rester quelques temps dans le sud, non ? Vous êtes bien bronzées !

Je me contentai d'acquiescer, tentant d'esquisser un sourire. Mon mensonge avait l'air de l'avoir convaincu, et c'était mieux ainsi. Si je lui avais révélé d'où nous venions réellement, il aurait pu nous prendre pour des réfugiées et, pour peu qu'il soit un tant soit peu raciste, nous expulser dans la minute de son véhicule et nous dénoncer aux autorités du pays. Nos origines européennes nous étaient définitivement bien utiles dans ce voyage, il était aisé de nous prendre pour des personnes de nationalité française ou autre. Le reste du trajet se passa dans le silence, Yeleen dormait toujours et le vieux, comme j'aimais l'appeler, semblait avoir compris que je n'étais pas très bavarde et se concentrait à présent sur la route. L'envie de dormir me tiraillait moi aussi, mais je tenais à rester éveillée afin de protéger ma moitié si quelque chose arrivait. J'attendais donc patiemment d'arriver à destination, en admirant le pays espagnol par la vitre.

* * *

_ Bienvenue à Murcie, les jeunes !

Mon corps se redressa en sursaut. J'étais courbaturée, j'avais dû prendre une position peu confortable. Je me mordis la lèvre, prenant conscience du fait que j'avais finalement succombé au sommeil, et que pendant ce temps, tout aurait pu nous arriver. La culpabilité m'envahit, et je me promis mentalement de ne plus jamais faire preuve d'autant de faiblesse. Heureusement, Yeleen se réveillait doucement elle aussi, et rien ne semblait s'être passé de mauvais durant nos siestes impromptues. Nous nous extirpâmes du véhicule, étirant nos membres trop longtemps restés inactifs. Après avoir chaleureusement remercié notre conducteur, nous nous enfonçâmes dans la nouvelle ville qui s'offrait à nous. Au bout de quelques minutes de marche dans un silence agréable, nous laissant le temps de reprendre nos esprits, Yeleen me lança :

_ Tu vois, il ne nous est rien arrivé ! Il faut que tu arrêtes de voir le mal partout, ce petit vieux voulait juste nous aider.

Je contractai la mâchoire, forcée d'admettre qu'elle avait raison. Je détestais avoir tord, et elle le savait pertinemment. Je fis donc mine d'observer avec attention les immeubles qui se succédaient sous nos pas, vexée. La jolie brune émit un petit rire moqueur et me lança une pichenette dans l'épaule, fière de son coup. Certes, ce vieil homme était totalement inoffensif, mais nous devions garder à l'esprit que le danger pouvait être partout si nous souhaitions survivre. Et un mauvais pressentiment me forçait à me méfier de tout ce qui pouvait croiser notre route depuis notre départ le matin même.

À quelques centaines de mètres de là, le principal intéressé, toujours confortablement installé dans sa petite camionnette rouge, portait un téléphone à son oreille. Au bout de quelques secondes, il prit la parole d'une voix fébrile.

_ Oui ? J'ai trouvé les filles. Je viens de les conduire à Murcie. J'ai fait ce que vous m'aviez dit. Pouvez-vous relâcher mon fils, à présent ?

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Bonjour !

Après 4 mois d'absence, me revoici avec le quatrième chapitres de Vagues ! *pas taper* J'essaierai de ne pas poster le cinquième au bout de 5 mois... Hum.

Peu d'action dans cette partie, mais les filles avancent dans leur voyage, et on en apprend un peu plus sur les méthodes employées par ce mystérieux inconnu pour arriver à ses fins !

N'hésitez pas à me donner votre avis sur ce deuxième tome des aventures d'Esi et Yeleen, on se retrouve bientôt (je l'espère) pour la suite !

VaguesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant