Chapitre VI

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Suite à la mésaventure que nous venions de vivre, nous décidâmes de ne pas nous attarder dans la ville de Murcie, trop touristique à notre goût. Nous nous rendîmes alors à l'office de tourisme le plus proche, afin de nous renseigner sur les prochains départs prévus en direction de Valence. Malheureusement, la distance entre les deux cités étant trop importante, nous allions devoir faire un arrêt à Alicante.

Yeleen se chargea de prendre nos billets pour le trajet, tandis que je continuais à étudier la carte de l'Espagne que je ne quittais plus pour évaluer le chemin qu'il nous restait à parcourir. De nombreux jours de voyage me séparaient encore des retrouvailles avec ma famille mystérieuse, d'autant plus que le mauvais pressentiment qui m'habitait depuis notre départ du Maroc ne daignait pas me quitter.

C'est avec soulagement que j'accueillis notre départ du petit bâtiment dans lequel nous étions pour rejoindre la gare routière située à deux pas de là. Quelques minutes d'attente suffirent à voir arriver le bus qui allait nous mener tout droit vers notre prochaine destination. Alors que nous nous installions confortablement au niveau du milieu du véhicule, un remue-ménage se fit entendre de l'extérieur.

Je jetai un œil par la fenêtre, obstruée par un rideau opaque que j'écartai discrètement, et avisai avec effroi un groupe de policiers discutant avec le chauffeur du car. Je ne pouvais entendre distinctement les propos qu'ils échangeaient, mais les hommes en uniforme semblaient habités par un sentiment d'urgence et sûrs d'eux. Je les vis esquisser un mouvement pour observer les passagers, et mon instinct me poussa à lâcher brusquement le bout de tissu qui me dissimulait.

Yeleen, lâchai-je paniquée, il faut qu'on se cache !

L'intéressée me lança un regard tinté d'incompréhension, mais mon visage atterré sembla la dissuader de me poser plus de questions. Elle rassembla rapidement nos maigres possessions avec mon aide, et se leva promptement pour se retrouver dans le couloir séparant les deux rangées de sièges.

Suis-moi, j'ai une idée ! me pressa-t-elle.

Je ne tergiversai pas plus et m'élançai à sa suite. Ma compagne descendit les petits escaliers menant aux toilettes mises à disposition dans le véhicule, et s'engouffra sans plus attendre dans celles-ci. Je la suivis sans hésitation dans l'espace contiguë qui allait certainement nous sauver la vie. La jeune femme s'empressa de fermer le loquet de la minuscule pièce, et commença à s'affairer dans celle-ci, semblant être à la recherche de quelque chose.

Qu'est-ce que tu fais ? chuchotai-je, intriguée.

Je cherche le boîtier électrique qui contrôle la lumière qui permet de savoir si ces toilettes sont occupées, idiote. Actuellement, la LED s'affiche en rouge, ils vont tout de suite savoir qu'on est à l'intérieur. Il faut que je parvienne à couper les fils qui contrôlent le dispositif, pour faire croire qu'il n'y a personne ici.

Soufflée par sa perspicacité, je ne rétorquai pas et laissai ma petite amie vaquer à ses occupations. Je m'assis négligemment sur la cuvette, mon sac sur les genoux, et fermai les yeux pour tenter de contrôler la panique qui m'avait envahie quelques minutes plus tôt. Ces gendarmes nous cherchaient, j'en étais certaine. La question était : Pourquoi ? Était-ce à cause du bazar que nous avions mis dans ce bar tout à l'heure ? Ou bien pour une toute autre raison ?

Un petit cri de victoire vite étouffé me ramena à la réalité. Elle avait réussi. Nous étions hors de danger, du moins, pour le moment. Yeleen se hissa sur le lavabo qui me faisait face, nos jambes s'entremêlant à cause de l'espace restreint que nous occupions. Elle me sourit franchement, et je ne pus m'empêcher de le faire à mon tour. Cette fille m'épaterait toujours.

Si on avait pas été en danger de mort, voire pire, cette situation aurait presque pu être romantique ! plaisanta cette dernière.

J'allais rétorquer, lorsque des voix graves se firent entendre non-loin de notre cachette. Nous nous tûmes instantanément, tendues. Les policiers étaient parvenus à rentrer, et fouillaient à présent le car, certainement à notre recherche. Le fait qu'ils parlent en espagnol m'empêchait de saisir leurs paroles, mais ils semblaient énervés. Évidemment, ils n'avaient rien trouvé de satisfaisant.

Nous retînmes notre souffle lorsqu'ils passèrent devant la porte, s'arrêtant quelques instants pour vérifier que le voyant était bien vert, sans doute. Je croisai les doigts aussi fort que je le pus pour qu'ils ne tentent pas d'ouvrir le petit local, notre subterfuge serait découvert immédiatement. Fort heureusement, le chauffeur les interrompit dans leurs réflexions, semblant les informer qu'il risquait d'avoir du retard s'ils allaient plus loin dans leur fouille.

Des bruits de pas lourds nous informèrent qu'ils avaient rebroussé chemin, et nous ne pûmes retenir un soupir de soulagement en les entendant saluer l'homme qui nous avait sauvées inconsciemment. Ce dernier ne tarda pas à démarrer le moteur, et bientôt le bus s'ébranla, prenant finalement la direction d'Alicante. Nous restâmes quelques longues minutes de plus dans ces toilettes qui venaient de nous sauver la mise, avant d'enfin prendre notre courage à deux mains et d'en sortir.

Yeleen prit cependant le temps de réparer le système qu'elle avait déconnecté pour nous cacher aux yeux des hommes, avant de me rejoindre. Nous nous sourîmes, soulagées. Je crus voir l'un des passagers nous regarder étrangement, mais décidai de l'ignorer. Je devais arrêter d'être aussi paranoïaque, nous avions échappé au pire. Je m'autorisai enfin à souffler, glissant ma main dans celle de ma compagne, et me laissai aller à admirer le paysage qui défilait sous nos yeux.

* * *

<< De : Fernandez

À : Giovanni

Maître Giovanni,

Les filles sont bien dans le car. Elles prennent la direction d'Alicante. Je ne les lâche pas d'une semelle. Dans l'attente de vos prochaines directives,

Bien à vous,

Major Fernandez. >>

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 16, 2018 ⏰

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