Vagues

Chapitre II

Les paysages magnifiques du sud de l'Espagne défilaient sous nos yeux, nous offrant un spectacle lumineux et si beau que nous ne pouvions en détacher les yeux ne serait-ce qu'une seule seconde. Comparé aux villes africaines auxquelles nous étions habituées à présent, le dépaysement était total. Les eaux turquoises de la Méditerranée étendaient leurs longs bras translucides vers nous, nous invitant àles rejoindre. L'architecture particulière des bâtiments reflétait la lumière du soleil à nous en éblouir. La ville de Malaga se profilait au bout de la route, et sa vue nous provoqua des yeux d'autant plus émerveillés qu'ils ne l'étaient déjà. Il était certain que nous ne nous ferions pas prier pour passer notre vie dans cet endroit, si seulement c'était possible.

Nous ne remarquâmes pas immédiatement que le car s'était arrêté à la gare routière de l'agglomération, perdues dans la contemplation d'une impressionnante construction en forme de cercle ressemblant très fortement à une arène. Bouches bées, nous descendîmes lentement du véhicule, n'osant pas rompre ce moment magique qui nous liait à présent. Yeleen et moi-même échangeâmes un regard entendu, nous ferions une pause dans cette ville magnifique avant de reprendre notre voyage.

Je pris donc l'initiative de me diriger vers l'office de tourisme le plus proche, qui était fort heureusement bien indiqué. Les maigres compétences en espagnol de ma petite amie nous fûmes bien utiles, car pour ma part, je ne parlais que le français et quelques mots de la langue locale de mon pays; le Mali. Nous nous adressâmes donc plus en langue des signes qu'en réels mots à l'hôtesse d'accueil, qui finit par nous comprendre approximativement et nous indiquer un camping non-loin d'ici où nous pourrions séjourner pour la nuit. Le défi fut ensuite de trouver un magasin où acheter une tente, car en Europe, il était moins naturel de dormir à la belle étoile, nous en étions conscientes. Heureusement, nous n'eûmes pas besoin d'échanger nos devises pour pouvoir payer, cela nous enlevait déjà une épine du pied.

Le soleil ne se coucherait que dans quelques heures, c'est pourquoi après avoir planté notre tente tant bien que mal, nous décidâmes d'aller sillonner la ville avant de manger un morceau. Les bâtiments étaient plus beaux les uns que les autres et regorgeaient d'histoires. Nous achevâmes notre petit tour de Malaga sur une plage plutôt tranquille, savourant notre repas que nous avions pris à la va-vite dans un fast-food. Yeleen s'était même permis de s'acheter un paquet de cigarettes, arguant qu'il fallait profiter d'être en Espagne pour en acheter, car la vie en France était bien plus chère. J'avais haussé les épaules, peu sensible à ses arguments, et m'était contentée d'admirer l'océan tandis qu'elle craquait une cigarette et en recrachait la fumée avec soulagement.

Une agréable baignade seulement accompagnée de nos sous-vêtements avait achevé de parfaire cette journée, et nous avions repris le chemin du camping, essayant tant bien que mal de ne pas nous perdre dans les ruelles pavées de Malaga. Arrivées dans la tente, la tête posée sur l'épaule de Yeleen qui était allongée tout contre moi, je fixais le plafond en tentant d'imaginer les étoiles se trouvant derrière la toile fine. Peut-être mon père, mon petit frère et ma petite sœur regardaient-ils ces mêmes constellations, à des milliers de kilomètres de là. Je lâchai un soupir, attirant l'attention de macompagne.

_ Tu as peur ? me questionna-t-elle.

_ Pas vraiment, concédai-je. J'ai surtout hâte de trouver enfin des réponses, et de rentrer auprès de ma famille. Ils me manquent énormément.

En entendant ma réponse, Yeleen sembla se renfrogner légèrement, et je lui lançai un regard interrogateur. Elle le saisit et prit la parole, m'expliquant la raison de sa tension subite.

_ Je me demandais ce qui arriverait lorsque tu rentrerais chez toi. Je n'ai nulle part où aller, pour ma part, et je me vois mal m'incruster dans ta vie ainsi.