Texte N*11

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Heureux

On roule, on le fait depuis des heures. On roule sans savoir où l'on va, écoutant un vieux morceaux de rock que nous chantons en riant. On voit le paysage défiler à une vitesse folle juste sous nos yeux, roulant bien au dessus de la limite de vitesse. Ce n'est pas de l'insouciance non, si une voiture arrivait à la même vitesse que nous, je sais que tu n'essaierais pas de la contourner, parce qu'on s'en fiche. On s'en fiche de vivre ou mourir. À ce moment, oui nous sommes heureux. Mais peut-être que ce soir nous pleurerons. On a vécu bien des choses toi et moi, alors ce n'est pas grave si nos cœurs cessent de battre ce soir, parce qu'avec toi je suis bien, alors autant en profiter et mourir heureuse, non?
Je ne sais pas pourquoi je pense toute de suite à la mort. Peut-être que c'est parce qu'elle m'obsède, que je ne passe pas une minute de ma vie sans penser à elle, même quand je suis heureuse.
Un nouveau morceau de rock passe sur ton post-radio. C'est un morceau que nous adorons tous les deux, alors tu montes un peu le son. Tu me souris, puis tu me regardes, quittant la route des yeux quelques instants. Je te souris en retour, parce que moi j'ai vu le camion, celui qui va nous griller la priorité dans à peine une secondes, mais pas toi. Alors oui, c'est peut-être égoïste, peut-être que tu ne veux pas mourir ce soir, peut-être que tu t'en fiches, mais moi je veux mourir, alors pour une fois je pense à moi, à mon bonheur. Je pose ma main sur la tienne, celle qui tient le levier de vitesse. Tu recentres ton regard sur la route, et tu le vois ce camion. Tu me regardes, terrorisé, tandis que moi je souris, laissant couler une unique larme le long de ma joue. Tout se passe beaucoup trop vite pour que tu puisses faire quoi que se soit. Alors je resserre mon emprise sur ta main, et tu laisses ce foutu camion nous rentrer violemment dedans. La voiture fait des tonneaux, c'est mon côté que le camion a enfoncé, c'est moi qui ai prit les éclats de verre de la fenêtre, c'est moi qui ai reçu le plus gros choc. Mais toi aussi tu en a reçu un gros. Tu saignes, tu ne bouges plus. C'est la fin, on a eu la fin que l'on voulait. On est mort ensemble. On était heureux.
Tu entends vaguement les sirènes des pompiers et autres véhicules par dessus notre musique des années quatre vingt, mais tu sais qu'il est trop tard. Tu regardes mon corps inerte une dernière fois, puis tu fermes les yeux à ton tour, plongeant dans un sommeil éternel avec moi.

Ocexne🥀

In My Mind.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant