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Le soleil se couchait sur l'horizon désertique du royaume. Une nuit sans lune s'annonçait. Physalis filait avec agilité à travers les rues de la cité.

Elle s'était éclipsée du banquet donné en l'honneur de la future procréation, prétextant vouloir être en pleine forme pour le lendemain.

Malgré l'aspect peu conventionnel de cette procréation, l'humeur était plutôt joyeuse au sein de l'assemblée de femmes réunies ce soir-là. Certes, Physalis avait remarqué quelques regards qui se détournaient lorsqu'elle les croisait, mais la majorité semblait accueillir cette annonce avec enthousiasme.

Cyclamen ne cessait de raconter à qui voulait l'entendre la cérémonie du matin, particulièrement ravie du succès de son organisation.

La reine n'avait pas questionné sa fille sur le choix du procréateur, mais elle lui avait adressé ce soir-là sa fierté de la voir prendre en main son rôle d'héritière – déclaration qui fut chaudement applaudie par l'auditoire.

Physalis avait aussi aperçu la femme qui l'avait interpellée à la fin de la cérémonie.

Dame Nori était la propriétaire du procréateur aux yeux en amande. Elle diffusa son engouement à tour de bras, car c'était un bon moyen pour elle de se rapprocher de la cour. La princesse aurait bien voulu aller lui parler pour en savoir plus sur l'homme, mais elle ne sut pas comment l'aborder sans se montrer trop curieuse.

La forte odeur iodée signalait maintenant à Physalis qu'elle était toute proche du port. Elle croisait les doigts pour que la Téméraire soit bien à quai ce soir. Elle tourna au coin d'une ruelle qui débouchait près des bateaux.

À mesure qu'elle avançait, les grands mâts aux voiles blanches apparurent. Au milieu des flotteurs, cette embarcation d'un autre temps dénotait fortement.

Oliva ne devait pas être loin.

C'était la capitaine de la Téméraire, une femme de poigne que Physalis avait toujours admirée. Beaucoup la percevaient comme une originale, elle qui vivait entourée de ses matelots, et qui appréciait leur compagnie. Mais la capitaine se moquait du qu'en-dira-t-on et vivait sa vie comme elle l'entendait.

La princesse avait commencé ses leçons de navigation à l'adolescence, et cela représentait toujours pour elle une vraie bouffée d'air frais. Avec Oliva, elle apprenait à piloter, mais aussi à s'évader et à prendre confiance en elle. Ces cours avaient donné de fortes envies de voyage à Physalis et ils avaient renforcé son attitude rebelle, c'est pourquoi la reine avait décidé de les arrêter au bout de quelques années.

Malgré tout, la princesse continuait à rendre visite de façon régulière à Oliva et à la Téméraire, pour ressentir à nouveau ce frisson de liberté.

Elle s'approcha du voilier, mais ne voyant personne sur le pont, elle grimpa les marches pour monter dans l'embarcation.

Mis à part quelques cliquetis de drisses, le silence régnait sur le port.

Physalis allait entrer dans la cabine inférieure quand elle tomba nez à nez avec un homme. La surprise fut partagée.

Grand et robuste, l'homme à la peau brune fit bondir Physalis, puis c'est lui à son tour qui prit peur en reconnaissant la princesse. Il recula d'un pas et s'inclina à la parallèle.

Il restait là, dans le silence, attendant quelque consigne ou réprimande.

Physalis tenta de le rassurer.

— Non, ne t'inquiète pas. Ce n'est pas la peine... s'excusa-t-elle.

Il se redressa, un peu plus confiant.

Les Enfants de Vénus (extrait)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant