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[Seoul, 2014]

Devant une vitrine dont la devanture exposait des confiseries, des viennoiseries, des pâtisseries et toutes sortes de choses consommables qui auraient fait le bonheur de ceux qui raffolent de tout ce qui est sucré, crémeux, doucereux et mielleux se tenait un jeune homme. Ses yeux voyageaient partout, dévorant du regard les gâteux, les bonbons et les chocolats. Sa langue passe malgré lui sur ses lèvres pendant qu'il imaginait sans doute le goût unique et la douceur des toutes ces bonnes choses s'il les aurait dans la bouche.

Cela faisait maintenant une bonne dizaine de minutes qu'il était là ; attirant ainsi le regard méprisant de certains clients mais il s'en fichait parce qu'il avait l'habitude.
Certainement suite aux demandes de ces clients dédaigneux, l'un des personnels finit par sortir et chasse le garçon qui s'en alla avec un petit soupir. Depuis quelques temps, il avait envie de déguster une boisson chaude - du chocolat chaud avec des marshmallow dedans. A quand remontait la dernière fois qu'il en a bue ? Plusieurs mois, peut-être une année ou plus ? Il ne se souvenait plus du goût exacte que cela avait ni la sensation qui se propageait dans son corps lorsqu'il avalait ce breuvage délicieux. Qu'il avait envie de manger un bon gâteau au chocolat bien moelleux. Malheureusement, il n'avait pas ni le moyen ni le luxe de s'en payer un... De plus, il n'aurait même pas la chance de passer le seuil de la boutique qu'il se ferait mettre dehors.
La fraîcheur le faisait grelotter un peu étant donné que son léger sweat-shirt déjà usé ainsi que son fin jogging ne permettaient pas une protection efficace contre le froid. Le soir tombait et les derniers rayons solaires commençaient à se raréfier, et l'humidité nocturne se répandait doucement dans la ville.

Il hâta ses pas car ce serait bête s'il ratait la distribution gratuite de repas organisé par quelques étudiants qui œuvraient chaque Jeudi dans le Parc. Un dîner décent pour ceux ayant besoin était offert par ces jeunes gens de bonne volonté. Chaque Jeudi, il se rendait là-bas, profitant ainsi d'un « dîner copieux » tout en faisant une petite économie. Pour ceux qui ont le moyen, ce n'était rien mais pour ces gens dans la nécessité, ce fut un vrai plaisir :  une occasion pour profiter d'un vrai repas chaud et bon.
La queue fut déjà terminée lorsqu'il arriva. Beaucoup de personnes miséreuses se groupaient par deux ou par trois en avalant rapidement leur repas. Seoul ne donnait pas l'air d'abriter des ruinés car ces derniers se tenaient bien à l'abri des yeux. En réalité, ils sont beaucoup plus nombreux qu'on le pensait. Le garçon fronce les sourcils, la faim le tiraillait alors qu'il ne lui restait que quelques pauvres billets en poches. Dépité, il se résigna à l'idée de dormir sans manger. Vu qu'il est un habitué, les bienfaiteurs le connaissaient tous : une jeune étudiante l'aperçoit et l'appelle et lui faisant des grandes signes de mains pour l'inviter à s'approcher.

« -Tu es là ! Je pensais que tu travaillais et que tu ne viendrais pas aujourd'hui. Dit-elle d'une voix amicale.
-Salut, non. Je me suis fait renvoyer. Ils pensaient que je ne suis pas digne de confiance.
-Toujours la même histoire ? S'offusqua-t-elle en adoptant un air révolté. Puis en reprenant son sourire, elle continua : Je t'ai gardé ta ration, juste au cas où.
-C'est vraiment généreux de ta part, je suis vraiment affamé.»

Alors que la jeune fille cherchait la barquette de nourriture, une grand-mère qui boite se dirigea vers eux, rien qu'à son visage on pouvait voir sa fatigue et sa faim. Elle s'excusa de son retard et demanda avec des yeux pleins d'espoir s'il restait encore à manger. L'étudiante la regarde d'un air désolé : évidemment qu'il n'y avait plus rien. Le garçon tenait dans sa main le sachet et avec le regard plein de compassion ; il sourit à la vielle femme en lui tendant son propre repas. Le visage de la vielle s'illumina : en acceptant le sachet, elle n'arrêta pas de lui remercier et s'en alla après un dernier remerciement.

L'étudiante regarda avec reconnaissance le garçon « Tu es si gentil.» Murmura-t-elle. Il eut un rire franc et après un au revoir, il partit à son tour.
Après une demi-heure de marche, il arriva devant le bâtiment abandonné et à moitié en ruine qui lui faisait office d'abri. Il ne possédait aucune maison et encore moins de la famille... Personne, absolument personne. Depuis des années qu'il essayait de s'en sortir seul en s'occupant de lui-même du mieux qu'il pouvait. Il arpente les étages et arriva devant une porte qui a résisté aux moisissures. Il s'engouffra dans la pièce plongée dans le noir où rien du tout ne pouvait être distingué. Vu qu'il l'occupait depuis des mois, il connaissait par cœur chaque emplacement et pouvait se déplacer où il le voulait même sans aucune éclairage. A l'aide d'un briquet, il alluma une bougie. La lumière laissa des ombres quelques peu effrayantes sur les murs. Des ombres qui donnaient l'air d'être des créatures sorties tout droit des ténèbres. La chambre de fortune ne contenait qu'un matelas fin posé directement sur le sol, quelques cartons qui avaient des rôles d'étagères où sont posés des vêtements, des bric à bacs, des babioles toutes sortes et curieusement, des livres. Sur le sol, à côté de la porte s'alignaient deux paires de chaussures usés certes mais propres. En fait, tout dans les lieux étaient propres et parfaitement rangés.
Il se laissa tomber sur le matelas après avoir retiré ses baskets. Il bailla longuement et finit par sombrer dans le sommeil.  Il se réveilla de bonne heure, surement en partie à cause de la faim. La montre à pile posée sur le tas de carton indiquait 6h de matin. Depuis son misère, il s'est déjà habitué à cela, mais utiliser son physique requiert de l'énergie donc un apport de nourriture. La faim le harcelait...mais il n'avait plus beaucoup d'argent, ça lui suffirait pour s'acheter une boisson chaude et du pain. 
Un cri visant à se donner la pêche sortit de sa bouche. Il est vrai qu'il vivait à la rue, qu'il n'avait personne, qu'il n'avait même pas le un dixième de ce que les autres de son âge ont mais peu importe : il était optimiste et ne voyait que le bon côté des choses. La vie a subitement changé en un claquement de doigt, c'était dur mais il faut s'y faire se disait-il tout le temps.

Réflexion - ⁿᵃᵐˢᵉᵒᵏ Où les histoires vivent. Découvrez maintenant