Partie I: Temps Modernes (7)

8 0 0
                                    

Le soir tombait, mais alors que le ciel s'assombrissait et que l'horizon prenait une teinte orange-rosée, deux personnes étaient assises l'une à côté de l'autre sur un toit. Elles étaient dans un quartier résidentiel réservé aux plus démunis. Le terme officiel était "Quartier d'aide au logement" mais pour la plupart des gens, c'étaient des Ghettos et le terme adopté par la plupart des membres des forces de l'ordre était "Terreau Criminel". En effet, ce genre de zones où étaient réunis des gens à la situation financière précaire se révélaient grouiller de petits gangs en tout genre et de criminels de bas-étages.

Les deux personnes, elles, étaient habituées à ce type d'endroits. Ainsi, elles étaient débarrassées de tout préjugé et savait ce qu'il en était réellement. En effet, elles devaient constamment surveiller ces quartiers, en particulier depuis que les Faucheurs avaient décidé de s'occuper personnellement des affaires des gangs locaux. Cela était une mission très ennuyeuse pour eux, deux membres d'élite des Protecteurs, qui n'avaient pas le droit de participer à l'action. Le premier d'entre eux, un homme chauve et aux lunettes de soleil, était debout et restait calme et silencieux. Sur son uniforme noir impeccable était accroché un badge avec écrit 'Steven'. Derrière était assise une femme aux cheveux noirs au carré et portant, elle, des lunettes de vue.

Au bout d'un moment, l'homme poussa un long soupir et grommela :

-Quel ennui.

-Allons, ne râle pas comme ça. Tu sais très bien qu'on n'a pas tout dans la vie, qu'on n'a pas le beurre et l'argent du beurre. Être un Protecteur de notre rang, c'est quelque chose qui n'est pas donné à tout le monde. Enfin, être un Protecteur non plus, mais alors là être l'élite ! Quel privilège incroyable que le nôtre qui...

-Oui mais quel ennui quand même.

-Enfin, arrête de te plaindre. Si tu continue à dire ce genre de chose, tu vas t'auto-persuader que tu t'ennuie et là PAF c'est fini, c'est fichu. Tu vas être condamné à t'ennuyer.

-Ehm, Mam'zelle Barthélémy...

-Roxanne ! Je t'ai dit cent fois de m'appeler Roxanne et de me tutoyer. C'est pas dur pourtant non ?

-Roxanne...

-Nous appeler par nos prénoms et être un peu familier entre nous c'est le ciment d'une bonne entente. Qu'en dis-tu ? Tu préfère une Roxie sympathique ou une Mademoiselle Barthélémy ennuyeuse ?

-Roxanne, j'essaie de me concentrer là. Tu m'empêche de tout voir.

-Ah. Désolé, Stevie, j'arrête."

La dénommée Roxanne se mit ainsi en tailleur, contrariée. Elle n'aimait pas quand son collègue 'faisait l'ours' comme elle aimait dire. De toute façon, leurs caractères étaient bien trop incompatibles pour que leurs discussions se terminent bien ; encore fallait-il qu'une discussion se termine avec Roxanneou qu'elle commence avec Steven, à vrai dire.

Alors que le silence reprit sa place, des gouttes commencèrent à tomber du ciel. Alors que la pluie démarrait, aucun parmi eux deux n'avait l'air d'être perturbé par celle-ci. Si quelqu'un les avait regardé de plus près, à condition qu'on les remarque tant des agents de ce calibre étaient discrets, il aurait remarqué que quelque chose était étrange. Plus la pluie gagnait en intensité, plus leur calme était aberrant. Les gouttes ruisselaient sur le crâne chauve de Steven, imperturbable, tandis qu'elles semblaient éviter de toucher Roxanne.

Soudain, l'homme brisa de nouveau le silence.

-J'ai trouvé quelqu'un...ou quelque chose. Je ne sais pas trop.

C'était là toute la vérité. Même un pro comme lui ne pouvait comprendre la nature de l'être qu'il avait vu. Son existence même semblait être une supposition tant elle dénotait avec le reste de...de quoi d'ailleurs ? Steven se posa la question, mais se rendit que le réponse était aussi évidente que difficile à accepter.

Son existence ne dénotait pas qu'avec l'endroit. Elle dénotait avec l'univers entier dans lequel cet être 'existait'. Et ça, c'était le genre de révélations à ébranler un homme, même aussi imperturbable que lui.

-Ah, et tu as trouvé quoi Stevie ?

Comme toujours Roxanne lui parlait d'un air enjoué, mais où toute trace d'intérêt était absente étant donné qu'ils n'étaient là que pour observer les lieux. Elle ne se doutait de rien.

-Je...ne sais pas.

-Ben voyons. Comme si quoique ce soit pouvait échapper à ton Oeil perçant.

-Roxanne. Je suis sérieux.

Il frissonna. Plus il essayait de comprendre l'être, sa nature et son emplacement exact, plus il se rendait compte que quelque chose n'allait vraiment pas. C'était indéfini, et c'était PARTOUT en-dessous de la ville.

-Prépare toi, et appelle des renforts. On va faire une descente.

-Hein ? Mais c'est pas notre boulot...

-Roxanne.

Son ton sec et autoritaire coupa toute forme de contestation qu'elle avait pu envisager à un moment donné. Il était rare qu'il manque de patience, mais lorsque cela arrivait, mieux valait faire ce qu'il disait.

-Et...on va où Stevie ?

-On va là où on doit aller. Dans les souterrains.

-Explique toi s'il te plaît.

Ils commencèrent à se diriger vers les souterrains à une vitesse défiant les lois de la physique et totalement anormale pour un être humain...théoriquement du moins.

-J'ai vu...quelque chose. Ça ne peut pas exister et pourtant...c'est là. Que ce soit vivant ou mort...je ne suis même pas sûr que la question se pose. C'est juste là...sans être là.

Steven déglutit. Roxanne devenait quand à elle de plus en plus inquiète car, même si elle n'avait pas la Vision de son collègue, elle commençait à sentir ce qu'il voulait dire.

-Je...commence à comprendre.

-Je crois que j'ai localisé...là où ça se situe principalement. Enfin, où ça pourrait se situer ? Je n'en ai aucune idée.

-...

-Bordel.

Ce n'est qu'après quelques minutes que les deux membres des Protecteurs arrivèrent à un endroit au beau milieu des souterrains. C'était une sorte de vestige d'ancien lieu de culte. Il y avait un autel à moitié détruit au centre, avec autour de lui un cercle comportant des inscriptions dans une langue ancienne sûrement oubliée de tous. L'endroit était protégé par une coupole qui avait relativement bien résisté à la main destructrice du temps qui passe et reprend ce qui lui revient.

Ce qui était particulièrement perturbant, c'était que l'endroit, en plus d'être bien conservé, était vraiment très grand. Et, la cerise aberrante sur le gâteau dont on ignore tout, l'être était partout en ce lieu...sans y être.

Il n'y avait rien de vivant ou de mort. Rien. Que deux Protecteurs totalement perdus.

ELPIS (plus postée sur Wattpad)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant