Viscères

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  "Viscères: n.m, du latin viscus, signifiant chair. Organes mous situés à l'intérieur de la tête, du thorax ou de l'abdomen (cœur, foie, estomac, etc)."

Selon le site de Larousse.

"En charcuterie, les viscères sont commercialisés sous le nom d'abats et vendus notamment dans les triperies." 

Selon le site de Wikipédia.

BANG!

Scccchhhhuuuuuiiiiiiit...

Balle au but. Avec une vitesse finale de l'ordre des centaines de kilomètres à l'heure, la pointe de la balle de votre fusil de chasse calibre 16 vient perforer la boîte crânienne du jeune faon de 10 mois au niveau de l'os frontal. En un instant, ce dernier est brisé en de minuscules fragments, et la balle vient de déchirer des centaines, des milliers de cellules et terminaisons nerveuses. La matière grise et la blanche se réduisent à une bouille inutile et dénaturée. La balle finira sa course dans le tronc d'un jeune bouleau, 32 mètres derrière, après avoir percé l'os occipital et s'être égrainé en plusieurs éclats de métal, qui eux se perdront dans les fourrées que le jeune faon était en train de manger.

Maintenant, il est mort. Son cerveau percé, il est décédé avant même d'avoir touché le sol. Le sang coule lentement, sans pulsations du cœur pour le faire jaillir en gerbes écarlates et tachantes.

Il ne vous avait même pas vu. Pas senti. Juste entendu le léger bruit de la branche que vous avez écrasé avec votre talon. Il avait levé la tête, l'avait tourné dans votre direction et, de ce fait, s'était offert à vous.

Tout en approchant le cadavre, vous sentez un sentiment délicieux de fierté vous gagner, de puissantes bouffées d'adrénaline et d'endorphines diverses, car un tir à 100 mètres ça ne se réussit pas souvent. Mais vous vous devez de refréner un peu ce sentiment de chaleur, et n'en laisser qu'un tout petit bout sortir à la lumière. Voilà, un petit sourire, c'est bien. On vous accordera le droit à un "yes "  légèrement marmonné, oui-oui, allez-y.

Bien.

Mais maintenant que vous vous trouvez devant la carcasse au crâne défoncé, vous allez devoir enlever ce sourire de votre visage. Car devant vous, il n'y a pas que 63 kilogrammes 207 de viande et d'os, devant vous ce n'est pas qu'un trophée de chasse (qui voudrait d'un Bambi avec cette tête aussi). Devant vous c'est tout un travail, car une belle bête comme ça c'est avant tout pas mal de viande de gibier et de peau et cuir. Tout ça ça peut vraiment rapporter un petit paquet... Mais pour ça, vous avez du travail. Car si vous ne faites rien, la viande sera faisandée très vite, dans l'heure qui suit. Vous avez à le faire, vous le savez. Vous devez vider ce faon.

En posant votre fusil de chasse, vous vous agenouillez en face du ventre de l'animal. Encore animé il y a peu d'un léger mouvement gracieux du à la contraction du diaphragme, il est maintenant plat. Et dedans se trouve l'objet que vous convoitez.

Les viscères.

Vous prenez votre couteau de chasse en acier inoxydable et repérez la zone d'entaille. Oui, ça y est, vous les avez... Le point A... au point B. Le geste doit être fluide, régulier, et surtout, surtout: délicat. Trop brusque, et lors de votre incision vous pourriez endommager un des organes dans tout ce tas de merde et relâcher dans la carcasse des fluides infects et qui corrompraient la viande. Un seul faux mouvement et c'est fichu.

De la pointe de votre couteau, vous percez le point A avec une délicatesse immense. Il fait chaud, le soleil tape et se sont des raisons supplémentaires pour vous grouiller. Mais votre environnement extérieur ne doit pas vous distraire. Oubliez le bruissement des arbres se balançant au gré du vent frais, oubliez les "chip-chip " des petits oiseaux invisibles, oubliez la senteur fraîche et l'humidité des sous-bois.

Dictionnaire du Petit Littéraire.Where stories live. Discover now