Wicked Games

CHAPITRE 5

Cinquième jour de travail au dinner, et cinquième jour à croiser Hevan qui ne cessait de lui tourner autour comme un vautour autour de sa proie. Cinquième jour sans nouvelle d'Anya d'ailleurs, qu'il n'osait pas vraiment joindre pour recevoir une réponse négative. Il trouvait cela un peu idiot de sa part de s'inquiéter autant, mais il refusait de presser quoi que ce soit avec la belle rousse.

Il servait les boissons des clients avec ce même sourire un peu vide et fade, et pourtant il faisait autant d'efforts que possible, mais il ne savait pas bien faire semblant, tout comme il ne savait pas mentir. Ce qui lui valait parfois des remarques, parfois des inquiétudes de la part des personnes qu'il servait. Mais chaque fois il répondait "Excusez-moi, tout va bien". Mais il voulait voir Anya.

Ce fut justement juste quand il allait terminer son service en jetant sa serviette sur son épaule, qu'il entendit son téléphone sonner dans la petite poche de son tablier rouge. Il ne regarda même pas qui était en train de l'appeler, et décrocha aussitôt pour entendre la voix de la grande rousse.

-Louis! Pardonne moi pour l'attente, j'ai eu des journées très chargées, mais je t'ai réservé une surprise. Prends ta journée demain, il faut absolument que tu viennes, je demanderai dédommagement à ton employeur.
-Oh euh... Oui? Je vais aller lui demander, où est-ce qu'on va?
-Je t'ai déniché un entretien d'embauche dans ma boite, donc viens avec ton costume, c'est important!
-Un entretien? Un vrai? Je serai prêt!
-Je viens te chercher à 10h au dinner, à demain Louis.

Confia la jeune femme avant de raccrocher presque aussitôt, laissant à peine au jeune châtain de réaliser ce qu'il venait de se passer. Elle n'avait provoqué aucun soupçon auprès de lui lorsqu'elle avait mentionné son semi-chômage, il n'avait même pas réalisé qu'il ne lui en avait jamais parlé. Tout ce qui comptait, c'était l'entretien qui l'attendait. Comment sa vie pouvait-elle avancer si vite et si positivement désormais, après des années de routine pesante et destructrice ? Il s'empressa d'aller faire part de tout cela à Nick, évitant encore Hevan qui n'avait cessé de chercher du contact avec lui, puis sauta sur son vélo pour se rendre au plus vite chez lui.

Il voulait être le meilleur possible pour son rendez-vous à venir, il voulait à tout prix montrer ce qu'il avait de plus important, et briller aux yeux de son potentiel employeur. Il sauta donc dans la salle de bain et fit couler l'eau sur son corps engourdi par sa journée, et se lava même deux fois les cheveux plutôt qu'une, soigna sa peau comme il put avec ce qu'il trouvait de bon marché dans les petits commerces qui restaient. Depuis la centralisation de la ville, et l'installation des grands centres commerciaux au Nord, il ne restait pour les gens comme lui, que de petits magasins indépendants. Les produits étaient parfois un peu douteux, mais le prix était suffisamment raisonnable pour qu'il puisse se les procurer sans risquer de voir son compte bancaire chuter pour un achat.

En sortant de sa douche, et son corps bien emmitouflé dans la seule serviette qu'il avait sur le crochet de sa porte, il se sentait enfin propre. Il se sentait presque agréable au regard, et aurait presque cru sentir sa peau douce sous ses doigts. Il sauta dans un caleçon, puis attrapa ce qui était auparavant son PC de service. Il lui sauvait la mise désormais, et il ignorait totalement s'il devait le rendre ou non, mais après la manière dont on l'avait licencié, on pouvait au moins lui laisser un peu de quoi vivre. Et avec un plat réchauffé sur le ventre, son PC sur les cuisses, il parcourut les sites de conseils pour les entretiens d'embauche, afin de mettre tous les avantages de son côté.

La nuit qui suivit fut plus ou moins reposante, l'angoisse du lendemain le faisait tourner et se retourner sans cesse dans ses draps rêches. Et quand son réveil se déclencha alors qu'il fixait le plafond, il frotta son visage en grognant, et éteignit la sonnerie qui lui cassait les oreilles. Enfin levé, il se réveilla en se renversant de l'eau froide sur le visage, frémissant encore à la température si froide, et tapota ses joues pour avoir l'air moins mort. Et dans un coin de sa chambre, le sac d'Anya était toujours laissé pour contre. Il l'attrapa et le fixa d'un regard empli de doute, se demandant s'il ne ferait pas mieux de mettre ses vêtements habituels de travail. Mais il ne voulait pas faire mauvaise impression en s'habillant « mal ». Il changea donc son caleçon puis remonta le pantalon de costume sur ses hanches. Il avait l'air un peu moins frêle ainsi, surtout quand il passa la chemise ajustée sur ses épaules. Il était même plutôt fier de l'image qu'il rendait dans le miroir, ce pourquoi il noua maladroitement sa cravate autour de son cou, enfila la veste sur son dos avant de nouer les lacets des chaussures de cuir qu'elle lui avait déposé au fond du sac. L'odeur même des vêtements neufs lui plaisait. Même s'il était très prudent pour son argent et n'aimait pas l'idée de la jeter dans des vêtements, c'était une odeur qu'il aimait, car cela signifiait qu'il s'était fait plaisir dans une des boutiques.