Chapitre 2 ⚜

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❝Parfois, la distinction entre ce qui est bien et mal est un mur barricadé pour les séparer

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❝Parfois, la distinction entre ce qui est bien et mal est un mur barricadé pour les séparer. Parfois, c'est juste une ligne floue.❞

Blue Strauss est une brillante étudiante, et sans doute, plus compétente que le psychiatre. C'est un fait, une vérité générale. La seule chose qui lui manque est l'expérience dans le milieu. Mais, elle s'adapte à merveille. Elle sait qu'il cache quelque chose : son regard fuyant, ses lèvres refermées, ses gestes effrénés et sa gorge sèche. Il lui faut peu de temps pour conclure que le docteur appréhende sa question. Son corps, tendu de la tête aux pieds comme si un vent glacial avait fouetter sa chair, trahit sa posture nonchalante et intimidante. Il racle sa gorge et prend la parole à son tour. 

— On les appelle letterless. On ne peut pas les classifier parce qu'ils ne sont pas... facile à traiter. Il est rare qu'un médecin créer une connexion avec eux, ils sont très complexes. Chaque letterless a son propre dossier et la plupart du temps, ils n'ont pas qu'une seule pathologie. Ils sont dans un pavillon éloigné des autres et sortent seulement pour les entretiens. Notre institution fait tout pour garantir la sécurité des personnels, mais aussi de la population extérieure. Aucun letterless ne s'est échappé d'ici. Nous avons les meilleurs gardiens et un système de sécurité de haute technologie. Vous êtes dans un endroit sûr, conclut-il.

En paradoxe avec sa profession, le docteur souffre d'un trouble mental. Depuis l'accident, il a développé une personnalité paranoïaque : il se méfie de tout le monde, surtout de ses nouveaux stagiaires. Il est conscient que personne n'est reprochable dans cet hôpital, mais pour bon fonctionnement du stage de Blue, il n'en dit pas plus sur ce sujet. 

— Combien de letterless sont ici ? demande-t-elle, les sourcils froncés et le regard sceptique.

— Six.

Une description barbante et longue des lieux s'ensuivent. Le psychiatre a parlé pendant une heure sur l'établissement comme les différents pavillons, les dortoirs, les salles interrogatoires et les bureaux administratifs. Luke connait cet hôpital comme sa poche : il s'est donc ennuyé tout au long de la visite. En ce qui concerne sa sœur, elle a tout noté dans un petit carnet. Elle a retenu chaque coins, chaque détails, chaque défauts. La visite de l'établissement était longue et dense, mais pas assez complète. L'asile psychiatrique regorge des pièces qui ont été brièvement mentionnés et ce n'est pas passé inaperçu par la jeune apprentie. 

D'un pas décidé, ils entrent dans une autre pièce : une salle destinée aux patients de la catégorie A. 

— Ici, commence le docteur en marchant tout le long du hall suivi de près de ses deux acolytes. C'est la salle commune des Paisibles. C'est une autre appellation pour la catégorie A. De 8 heures à 22 heures, les patients mangent, s'occupent ou attendent leur rendez-vous avec un psychologue. Une équipe médicale les surveillent, mais pour ne pas perturber leur tranquillité, nous les surveillons de loin. Les patients de la catégorie A ont choisi d'être interné ici pour recevoir nos soins. Ce sont des personnes qui sont comme vous et moi, ils viennent ici pour se faire soigner alors nous nous tâchons de réaliser leur souhait. Ils peuvent sortir de leur chambre pour prendre l'air, se promener et s'occuper durant leur temps libre. Les hôpitaux psychiatriques ne sont pas des prisons. Loin de là, c'est un lieu de bienveillance qui aident ceux écartés par la société, explique-t-il avant de brandir ses bras en l'air. 

Rassemblés autour d'une grande table rectangulaire et muni d'une combinaison blanche, des personnes de tous âges discutent ou mangent en silence. Certains ont le regard viré sur la télé et d'autres sont simplement là, assis sur le sol. Aucun ne fait attention au médecin et encore moins aux deux jeunes qui l'accompagnent. 

— Je vais vous montrer le jardin de lys. Il est magnifique. Les patients des catégories confondus l'entretiennent régulièrement. C'est un exercice est bon pour la santé et cela les aide aussi à réduire le stress, dit-il. 

Après avoir administré des médicaments à un patient, une jeune femme au teint basané s'arrête devant le médecin.

— Bonjour docteur. Le patient du Dr. Alvarez est prêt pour l'entretien, informe Kehlani, une infirmière appréciée pour sa gentillesse et son jolie minois.

Luke la reconnaît.

Ils se saluent avec un petit sourire parce qu'ils se connaissent depuis plusieurs années maintenant. Même s'ils n'ont pas le même médecin référent, ils se voient régulièrement lors des réunions et des pauses. Kehlani travaille dans le pavillon des Paisibles et des Agités, celui destiné aux patients de la dernière catégorie de patients lettrés. C'est un bâtiment que Luke n'aimerait pas être muté. Il s'est attaché à ses patients et la catégorie C ne lui donne pas tellement envie.

— Bonjour Kehlani, dit-il avant de froncer ses sourcils. Qui est le patient ?

Field n'avait pas prévu d'entrevus pour le premier jour de Blue. Il savait que ce serait un moment stressant pour elle et qu'il serait raisonnable de laisser du temps pour qu'elle s'adapte à son nouvel environnement. Il soupçonne son nouveau secrétaire, qui a une fâcheuse tendance à enchaîner les erreurs, d'être le coupable de cet imprévu. Kehlani dérive son regard sur son bloc note avant de lire :

— Le patient 5555.

Le visage maléfique du letterless clignote tel un flash dans la tête du pauvre docteur. La gorge sèche, le psychiatre avale difficilement sa salive et dérive son regard sur son calepin. Au premier coup d'œil, il semble calme, mais en réalité, il est terrifié à l'idée de revoir ce fou-à-lier. Pour des raisons médicales, Field n'a jamais revu Galek depuis que le garçon a été interné ici. Depuis plusieurs mois, le psychiatre ne peut pas dormir une nuit entière sans être réveillé par des sueurs froides et des visions centrés sur ce patient. De plus, présenter un letterless pour un premier jour d'intégration n'est pas la meilleure approche pour détendre les petits nouveaux. 

— Je peux avoir un autre patient ? demande-t-il en tripotant nerveusement son stylo dans la poche de sa blouse.

— Le planning est déjà fait, on ne peut pas—

La semaine dernière, il avait bien précisé à Gilbert, son secrétaire étourdi, de ne pas arranger un entretien avec un letterless pendant la semaine d'intégration. Mais, il semblerait que le jeune homme ait oublié ou n'en fait qu'à sa tête. Refuser la consultation d'un patient est en total contradiction avec ses principes. Il a juré fidélité de soigner ceux qui ont besoin de son aide jusqu'à sa mort et Galek Winston reste tout de même un patient. 

— D'accord, souffle le professeur. Dis-lui que je suis en chemin.

Letterless - Cendrier FouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant