Tristesse-Ou comment faire pleurer son homme

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Ça faisait quatre jours qu'on était sur la md non-stop.Depuis notre trip monstre avec le pacte de sang,on était toujours pas retombés sur nos pieds et nos corps en souffraient encore.C'était la première fois que je me rendais compte à quel point cette drogue est destructive,la première fois que j'avais vraiment de la difficulté à encaisser mes abus.
Quand je me regarde dans le miroir,je compte les choses abîmées chez moi.
Ç'avait été une belle soirée.Oui,vraiment.On en avait pour 100 piastres,soit 20 pills.Quand on vend,vaut mieux toujours avoir les poches pleines.On déconnait zéro mais n'empêche:On a quand même avancé tout le monde.La moitié de la ville nous doit du fric,mais on a même pas l'énergie pour aller le chercher.
Y avait Stella,Nem,Kev,Dom et moi.Mes soeurs,mon frère et mon homme. Ouais,rien ne pouvait mal se passer.
Sauf que...
Sauf que malgré les 4 pills que je me suis envoyées derrière la cravate et l'énorme ligne que Dom m'a fait,j'ai pas réussi à décoller.
Sauf que mon estomac était à vif à cause de toute cette acide et que de ce fait,j'ai passé la soirée pliée en deux par des crampes terribles qui me poignardaient le bide.
Sauf que j'avais chaud,puis froid,puis chaud,puis froid,puis chaud...Et que ma peau me collait aux os fragiles comme du verre qui ne demandaient rien de mieux que de se casser.
Sauf que Dom était dans le même état que moi mais voulait tout de même de ma présence dans sa bulle alors que je cherchais désespérément à retrouver de l'air dans la mienne.
Sauf que je vivais un trip de merde et que tout les autres autour étaient graves défoncés et qu'il y a peu de choses qui m'insultent plus que ça.
Alors je me suis dis fuck.
Et j'ai juste essayé de survivre de toutes mes forces.
Qu'est-ce que je pouvais faire d'autre?
Fallait juste laisser le temps passer,ça s'arrangerait.Si j'avais un peu de chance,je pourrais en prendre une autre plus tard.
J'étais malade dans mon lit,et Dom me serrait beaucoup trop fort,ses os me déchiquetaient,ses muscles m'étouffaient,il bougeait trop,respirait trop fort...Tout en lui m'énervais.
Alors on s'est engueulés.
Bon,pas vraiment.Mais on a parlé très fort,disons.Il a fini par ramasser ses choses et a fait mine de partir.Stella gueulait et Nem lui pleurnichait de ne pas faire ça,de revenir m'embrasser,d'oublier tout ça...Il n'y avait apparement que moi à qui ça ne faisait ni chaud ni froid.À vrai dire,je ne ressentais rien d'autre qu'une colère fatiguée et un découragement profond,mais pas de tristesse,pas de peur,rien...Je savais qu'il ne partirait pas.
Stella s'était mise à pleurer en le suppliant de rester,d'arrêter de faire l'enfant;"Dom!Reviens ici!Reviens,criss!Elle t'aime!Je l'ai jamais vu comme ça!Elle t'aime!!!"
Mon amoureux s'était arrêté à mi chemin et avait semblé réfléchir un petit moment sur la suite des choses.Puis,il était revenu vers moi,les bras ballants,et avait enfoui son nez dans mon cou en reniflant.Je l'avais serré du plus fort que j'avais pu malgré mes nerfs à fleur de peau,sous les youyous ravies des autres."Tu sais bien que je pouvais pas être fâché contre toi.","Chut,mon amour.Je t'aime." Et j'avais trouvé ça magnifique.
On était allés nous poser au salon,juste nous deux,question de nous reposer un peu des autres.C'était bien,quoique un peu triste.On était encore tout les deux un peu ébranlés.Fallait laisser passer le temps,encore une fois.Il avait fait,la voix toute petite:
-Je t'aime,Estelle,pis j'ai besoin de toi dans ma vie.Encore plus avec ça dans le sang.Laisse-moi pas tomber,tu me promets?
-Je te promet,mon coeur.Je me verrais pas sans toi,je me rappelle même plus comment c'était,quand t'étais pas là.Je vais faire des efforts,juré.
-On va arrêter la md,hein?
-Ça serait bien,ouais...
-j'ai envie qu'on soit bien ensembles pis de nous voire vieillir,je veux pas être trop magané à 40 ans pour voire à quel point t'es belle.Je veux pas finir comme ma mère...
Je l'avais serré encore plus fort contre moi.La mère de Dom est alcoolique.
Je voyais parfaitement ce qu'il voulait dire.
...
MAIS
Mais on n'avait jamais parlé de quand on arrêterait.Et c'était clairement pas là que ç'allait se faire.Pour le moment,on avait encore une belle journée de md en perspective avec la même bande que la veille.
Mais on était tous épuisés de la veille,moi et Dom encore plus que les autres,alors qu'on avait été les moins défoncés.
Mais tout le monde était partant et il nous restait encore une dizaine de pilules.On avait calculé,on aurait aucun profit mais on ne perdrait rien.Alors pourquoi pas?
On était tous embarqués dans la berline de Kev direction place Albanie,où on allait chercher Alex,le copain de Nem.Rendu là,on avait dû faire entrer Alex dans le coffre du char,faute de place dans l'habitacle.On riait tous comme des fous quand Kev faisait exprès de passer très vite sur les dos-d'âne et les nids-de-poule.
Rendus chez ma mater,on avait refait le même manège que la veille.Et là,même schéma:Alors que tout les autres décollaient lentement,moi et Dom restions désespérément les deux pieds plantés dans le vertige nauséeux qui suit un trip foireux et la douleur physique qui nous collait à la peau.J'ai passé une bonne demi-heure à vomir du vide.Du vide.J'avais des hauts-le-coeur,mon corps au complet se tordait pour me laisser dégueuler,mais rien ne sortait.Même pas de bile,rien.Juste une douleur de coups de couteau dans le ventre.Dom était resté tout le long pour me tenir les cheveux au dessus de la cuvette et me caresser doucement le dos. Je m'en voulais de lui faire endurer ça.Il devait me trouver dégoûtante et pourtant non,il continuait à m'embrasser comme si de rien était,me prenait dans ses bras en me disant des mots doux pour m'aider.Il me semble même qu'on ait eu un semblant de conversation sensée,à un moment.
Après,je n'avais plus la force de faire grand chose.J'étais recroquevillée sur le parquet froid de la salle de bain en espérant mourir le plus vite possible.Dom m'avait porté dans ses bras jusque dans le salon et m'avait étendue tout doucement sur le canapé,avant de me couvrir d'une lourde couette toute blanche.Aucune idée d'où est-ce qu'il avait trouvé ça.Puis,il s'était glissé à côté de moi.
Je voyais bien que quelque chose le rendait triste,je connais son visage par coeur.J'entendais le grincement de ses dents.
-Mon amour?Tu penses à quoi?
Ses mots m'étaient tombés dessus.
-Je fais jamais rien de correct...
C'est là que je les avais remarquées:Les deux larmes qui roulaient au coin de ses yeux bleus-beaux.J'avais attrapé son menton pour tourner son visage vers le mien mais il avait résisté.
-Non!Mais non!Mon coeur,regarde-moi!Dis pas des choses comme ça,c'est pas vrai...Tu fais toujours tout,t'es parfait,Dom,t'es parfait!
-Prouve-le.
-Si tu m'embrassais,ça te ferait déjà une chose de bien...
Nouveau refus.
-Aller,s'il te plaît...Je t'aime,Dom!J'arrive juste pas à te le montrer comme il faut,et ça sort souvent tout croche.Tu me connais,je suis mauvaise pour dire ce que je ressens...Je t'aime pis si j'avais l'énergie pour le faire,je te le dirais mille fois par jour,juste pour pas que tu l'oublie ou que t'en doute un jour.
J'avais essuyé ses larmes avec mon pouce et avais plongé le nez dans son cou,je m'étais emplie de son odeur,comme si c'était la dernière fois.Évidemment,je m'étais mise à chialer à mon tour.De peur de le perdre,de tristesse de le blesser avec mon mauvais caractère et de fatigue.Oui,j'étais fatiguée comme je ne l'avais pas été depuis la fin de ma dépression.
-Tu le penses?
-Oui,mon coeur...
-Alors reste avec moi,d'accord?
-Toujours.
On était resté là un bon moment,à pleurer l'un dans les bras de l'autre.
Et à s'aimer.
Ben fort.
Même si nos os faisaient mal.
Même si nos dents grinçaient et que nos mâchoires étaient complètement détruites.
Même si on avait trop chaud.
Même si on ne s'endurait pas nous même.
On endurait.
Pour l'autre.
Tempête.

L'amour au temps des catastrophesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant