II

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*

Le bar « Les père populaires » est déjà bondé à dix-neuf heures. Une troupe de gars, looks similaires, a préempté le coin canapé, au fond. Ils ont tous la moustache. Buddy m'a dit que ç'avait probablement trait au Movember, un événement de récolte de fonds pour le cancer de la prostate. Pour montrer au monde que vous avez participé, vous pouvez vous laisser pousser la moustache. Ouais, ça colle au profil de ces gars, chemise à carreau, coupe soignée, des jeunes actifs toujours au fait des dernières tendances. Ils doivent travailler dans la pub ou le marketing — je n'ai jamais réellement compris la différence entre les deux. Il y en a un de mignon dans le lot, celui qui vient de commander la bouteille de vin. Au moment où nos regards se croisent, je me dis que je crois le connaitre. J'appuie sur le bouton de mon smartphone.

— Buddy ?

— Oui, Sarah ?

Je laisse tomber, regarde l'heure à la place. Les filles sont à la bourre. La salle commence à se remplir, les clients s'installent sur les chaises de cantine autour des tables en bois, et ça se lève pour commander en même temps, finissant donc par s'agglutiner au bar, le bras levé pour attirer l'attention le premier. On me demande si les chaises sont occupées, je dis « oui » en feignant d'être désolée et essuie des regards désagréables. Je guette la porte, frissonne à chaque fois qu'elle s'ouvre et laisse entrer le froid. Eloise arrive enfin. La belle blonde me fait coucou avec un sourire large et parvient à se glisser entre les clients pour me rejoindre. Elle me colle ses mains gelées sur les joues puis m'embrasse.

— Désolée, désolée, désolée ! Problème sur le métro, et je me suis paumée. Mon Buddy captait pas !

Parisienne depuis huit ans. Elle s'emmêle encore les pinceaux question lignes de métro. Puis c'est au tour de Camille de nous rejoindre. A peine installée qu'Eloise l'agrippe en lui montrant sa nouvelle bague. Je souris en voyant l'apprentie montrer à son mentor ses progrès en matière de look.

— Ça vient d'Argiciel, c'est superbe. Et c'est artisanal, la nana fait tout toute seule, je trouve qu'elle a un super talent.

— Superbe ! S'exclame Camille avec sa voix grave et sexy.

— Et tiens, regarde.

Eloise soulève ses cheveux blonds et se retourne pour nous révéler sa nuque.

— Ça y'est ! Fait hier ! Tatouage du mont Fuji. Façon aquarelle. Alors ?

— Magnifique.

— Je vais commander, dis-je. Les filles, vous voulez quoi ?

— Un verre de blanc pour moi, me dit Camille.

Eloise acquiesce. Je me lève et m'approche du bar. Suffisamment loin, je presse le bouton pour réveiller Buddy.

— C'est quoi le mont Fuji, Buddy ?

— Un mont célèbre du japon, situé sur la côte sud de l'île de Honshu...

— OK, merci l'interromps-je.

J'attends au bar, adresse un coucou aux filles. Je suis un papier peint. Mes deux amies discutent entre elles, mais ne m'ont même pas posé la moindre question. Aucun commentaire sur ma nouvelle robe non plus. Est-ce que j'existe ? Me trouvent-elles intéressante ? Non. Je dois être une fille insipide. Je pourrais leur en vouloir, leur balancer qu'elles pourraient déjà faire l'effort de s'intéresser un peu à moi. Après-tout, je suis l'amie commune, elles ne se connaissent que par mon entremise. Mais je n'arrive pas à leur en vouloir. C'est moi qui suis une petite nana commune. Pas si jolie, pas si intelligente. C'est ma faute, si je ne brille pas.

Life is easyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant