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Les larmes ne coulent plus. Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé. Je me lève, toujours chancelante, animée par la seule peur de ne pas être à l'heure à mon boulot. Je dois y aller. Hors de question que je perde mon boulot.
Dans la salle de bain, je retire mon soutien-gorge constellé de tâches de purée de fruits. J'ai dû renverser le smoothie bowl. Figée, devant le miroir, je me surprends à murmurer :
« J'ai été violée ».
Tant que je ne l'avais pas articulé, ça ne m'en paraissait pas être un. Ça ne me paraissait pas être réel. Mais maintenant, je l'ai invoqué, je l'ai rendu réel. J'ai été violée.
— Mademoiselle ? Pardon ?
J'ouvre les yeux, regarde autour de moi hébétée. La plante en plastique sur le comptoir, la lumière bleue de l'écran incrusté dans le renfoncement. L'odeur de cannelle dispensée par les dispositifs olfactifs de l'hôtel à l'heure du café. Face à moi se trouve un client, un homme d'une quarantaine d'année, qui m'avise, un air perplexe.
— Vous allez bien ?
— Oui, pardon. Bienvenue à l'hôtel Saint-Genès, que puis-je faire pour vous ?
— Il me faudrait une chambre pour deux jours. J'ai réservé via Promise-booking, au nom de Grenier.
— Un instant.
Je suis au boulot. Je ne me souviens pas de ce matin. Trou de mémoire. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Je me ressaisis vite, arbore le sourire obligatoire, m'occupe du client. Mon oreillette relaye aussitôt la voix du manager des accueils de la chaîne :
— Vous devez saluer les clients quand ils entrent, mademoiselle Guillerme.
Je bafouille :
— Oui, pardon.
Et la voix de reprendre sur un ton désincarné :
— Bien. Selon le règlement, je dois vous notifier que cette erreur a été ajoutée à votre dossier. Vous pouvez consulter vos performances via votre Buddy.
— Oui.... D'accord...
La journée s'écoule comme si je ne la vivais pas. Le manageur me signale une deuxième erreur, mais je ne l'ai pas vraiment écouté, j'ignore ce qu'il vient de me reprocher. J'attends juste que Martine vienne prendre la relève.
Vingt-deux heures. Martine entre, ôte sa veste.
— T'es pâle, ma grande, me dit-elle.
— Ouais, pas beaucoup dormi.
— Haha, je connais ça. J'ai été jeune.
Elle me fait la bise. Me voilà libre. Libre de repenser à hier. L'horreur attend juste que je passe la porte de sortie pour fondre sur moi. Sur le parking jaune oranger, sur la place passager de ma voiture. Elle est là, à côté de moi, une masse bouffie, collante et souriante qui veut m'entourer et m'étouffer.
Tu as dit non ? Je ne crois pas... Tu l'as même peut-être invité. Tu voulais tellement que quelqu'un te voit et trouve belle. Et maintenant, tu te plains ?Oh, la vidéo. Oui. Je sais ce que j'ai vu. Ces gémissements, là, je peux te les repasser si tu veux. Ça ressemble à du plaisir ça, ou sinon, je ne m'y connais pas.
Je pousse la porte de mon appartement avec la peur au ventre, la peur irrationnelle de trouver Rondard qui m'attend dans ma chambre. Il n'est pas là. Mais le lit, oui, le lit sur lequel... Je ne peux pas dormir. Je revois le dos de Rondard, immobile sur la vidéo, puis lui qui s'allonge et se presse contre moi.
Je passe la nuit à l'affut. L'épuisement ferme mes yeux mais fuit aussitôt que retentit le bruit d'une portière de voiture, le gargouillis des canalisations, ou le petit déclic de ma vieille chaudière. Quand l'écran de mon smartphone affiche huit heures trente, je me dis que j'ai dû dormir une heure seulement. Je me demande si je peux continuer à vivre ainsi.
C'est physique. Ma mère me dirait « tu somatises ». Mes jambes me portent moins bien, mon souffle est plus court. Je porte un monstre sur mes épaules. Plus les journées passent, plus j'espère que son poids diminue, mais ce n'est pas le cas. C'est lui qui finira par m'écraser. Et non content de me hanter, il me retire des heures de ma vie, me fait croire que j'ai rêvé certains événements, me le troque contre des faux. Demi-rêve, demi-cauchemar. Les seules sensations vives sont les images de la vidéo. Des couteaux plantés dans ma chair, tout le temps.
Ça s'est joué à quoi ? J'aurais dû dire « non ». Nous n'aurions pas dû partager cette course Uber. Je m'en veux. C'est moi qui ai merdé. J'aurais dû être claire. Il a peut-être compris certains de mes compliments comme des avances. Je l'ai ... allumé ? Je l'ai voulu ?
— Sarah ? Désires-tu profiter du programme « miracle morning » ?
— Non, Buddy... J'ai pas envie.
Je lève le nez de mon bol de café. Le pode lance une projection. On y voit une femme blonde, à peine maquillée, en tenue de yogi. Grand sourire, dents blanches, elle parle avec enthousiasme. A côté de la vidéo, mon fil social Promise affiche les dernières actualités de mes groupes. Un statut attire mon regard.
— Veux-tu activer le son ? me demande le pode.
— Non, pas ça, je t'ai dit. Ouvre le statut ...
J'avise le titre. « J'ai longtemps cru que c'était ma faute ». Une victime de viol témoigne. Pourquoi ce statut apparait-il maintenant ? Je ne vois pas qui a pu le partager.
— Ça vient de quel groupe, ce statut ?
La led d'activité de Buddy clignote.
— Je... Je... Je...
— Buddy ?
— Je ne sais pas, Sarah. Désires-tu le lire ?
Le pode lévite en attendant ma réaction. Je repose le bol de café, soupire.
— Oui, vas-y.
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Life is easy
خيال علميUne nouvelle dans l'esprit Black Mirror. Pas la plus hard, mais pas la plus légère non plus. Je préfère prévenir. Les retours sont bienvenus. Sarah, 21ans, retrouve un ami d'enfance lors d'une soirée dans un bar. Le lendemain, elle se réveille, ron...