- Son image -

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Comme tous les matins, je suis réveillé par les bruits de pas excités de Sassy. Mais étrangement, ce matin elle ne saute pas sur mon lit en me léchant le visage. Non pas que ça me déplaise, je déteste qu'elle fasse ça. Mais je ressens comme un manque étrange. Presque inquiétant. Peut-être qu'au fond, ce réveil trop enjoué et baveux ne me dérange pas tant que ça. Toujours est-il que ce matin, pour la première fois, elle ne vient pas le faire. Peut-être qu'il est encore trop tôt pour se lever.

Je m'apprête à me rendormir, quand je réalise la présence d'une chaleur diffuse dans mon dos. Un souffle régulier contre ma nuque. Un bras qui enserre jalousement ma taille. Des doigts liés intimement aux miens. Des jambes enlaçant les miennes. Mon admirateur. Des sensations divines de la soirée dernière refont surface en moi. Elles m'apaisent. Jamais je ne m'étais senti aussi bien au réveil. 

J'ai envie de le toucher. De vérifier que mes souvenirs sont bien réels. Délicatement, je me retourne, de façon à lui faire face. Mais avec nos corps autant emmêlés qu'ils le sont, cette manœuvre se trouve être plus compliquée que prévue. Finalement, son souffle s'abat sur mon visage. Toujours aussi lent et régulier.

Une de mes mains se pose sur sa hanche. Puis pianote joyeusement jusqu'à son flanc. Mes petites caresses lui font contracter ses muscles de façon incontrôlée. C'est adorable. Je m'amuse un peu à le stimuler de la sorte, puis laisse mes doigts se perdre sur ses abdominaux finement sculptés. Ma langue se rappelle soudainement de leur tracé qu'elle a pu avidement parcourir. Elle meurt d'envie de les découvrir à nouveau, mais je retiens sagement ces pulsions. Mes doigts inquisiteurs continuent leur route vers son torse glabre, et en apprécient une nouvelle fois la douceur. Son contact est parfait. Ils remontent jusqu'à sa clavicule, et se perdent dans son creux saillant. Mes lèvres brulent d'envie de s'y poser à nouveau, d'y mordre tendrement sa peau délicate, de l'embrasser, le goûter, le sentir. Ma bouche à bien trop d'envies ce matin. Et il m'est de plus en plus difficile de les retenir.

Mes doigts, restés sages bien que curieux, se glissent dans son cou. Ils suivent le chemin tracé par sa veine palpitante et remontent jusqu'à son menton. Puis s'arrêtent là. Je ne connais toujours pas son visage. Seules ses lèvres m'ont été révélées. La pulpe de mes doigts me picote de curiosité. Ils ont envie de voir à quoi il ressemble. Mais je réfrène cette envie-là aussi. A la place, je force mes doigts à frôler tout le long de ses bras qui m'ont serré si tendrement. Ils redescendent jusqu'à ses poignets étonnement fins. Leur peau fragile y est encore plus douce que je ne l'avais imaginé. Le voyage continu en parcourant chacun de ses longs doigts. Il porte une bague à l'auriculaire. Dans le feu de l'action, je ne l'avais pas remarqué, mais j'aime savoir qu'il porte des bijoux. Qu'il est coquet.

« Pourquoi tu n'as pas touché mon visage ? Sa voix est légèrement éraillée, encore plus sexy que d'habitude. Jamais je n'aurais cru ça possible. A aucun moment...Tu ne veux pas savoir à quoi je ressemble ?

- Tu sais, on m'a toujours dit que, dans les rêves, on ne voit jamais vraiment le visage des gens avec qui nous sommes.»

Pas de réponse. Il reste silencieux, comme s'il réfléchissait à mes paroles.

«A quoi ressemblent tes rêves ?»

Cette question me surprend : c'est la première fois qu'on me la pose. Rare sont ceux qui osent aborder de près ou de loin des sujets relatifs à ma cécité. Pourtant, lui vient de le faire d'une façon totalement naturelle. Un peu à la manière d'un enfant curieux, qui ne se demande pas si c'est correct ou pas.

Un sourire attendrit prend possession de mon visage. Mes rêves ne sont qu'un tourbillon de sensation, d'odeurs, de goûts et de bruits. Un déchainement de mes sens. Une tempête qui me sort de mon ordinaire. Oui, mes rêves ressemblent à ce moment-là, bien que moins intenses. Ils ressemblent...

« A la nuit dernière. »

Je l'entends sourire, puis le silence réapparait.

Timidement, ma main se glisse sur ses fesses rebondies. Elle descend quelque peu sur ses cuisses, en frôle l'intérieur. Puis elle fait une pause, hésitante. Son corps nu frisonne. Ma main ne sait que faire. Honteusement, presque tremblante, elle se dirige vers ce qui fait de mon admirateur un homme, et un si bon amant. Un très léger contact avec son membre. Tendu. Savoir son état me fait sourire, et donne encore plus d'envies de luxure à mes lèvres brulantes.

« Arrête ça... Sa voix n'est qu'un murmure, me suppliant presque de lui désobéir. Tu me rends fou...

- Toi aussi.

- Je suis sérieux. Je risque de te sauter dessus, tu sais...

- Moi aussi.»

Il rit légèrement avant de venir m'embrasser tendrement tout en me faisant m'allonger sur le dos. Son torse vient rapidement retrouver sa place contre le mien, et le poids délicieux de son corps se fait sentir.

Une nouvelle fois, nous nous perdons dans notre monde secret. Un monde où seul notre plaisir existe. Un monde de fougue, de passion, de douceur. Un monde que j'aimerais apprendre par cœur afin de lui en faire découvrir toute sa splendeur.



Nous partageons une douche, puis un petit-déjeuner. Comme hier soir, il est d'une compagnie délicieuse. Il trouve toujours un sujet intéressant à discuter. Mais il sait également respecter les silences. C'est un homme des plus agréable.

Sans que je n'aie vu le temps passer, il vint l'heure pour lui de partir. Je l'accompagne dans la rue, profitant de cela pour promener Sassy. Et passer quelques instants de plus en sa compagnie. Arrivés sur le boulevard, nous nous arrêtons. Sassy s'assoit contre ma jambe, attendant sagement que la balade reprenne. 

« Tu ne viendras plus me voir, n'est-ce pas ? Ma voix est claire, assurée. Ce n'est pas un reproche. Je n'ai pas de tristesse, pas de regret. C'est un simple fait.

- Pourquoi dis-tu cela ?

- Parce que le rêve est terminé. La magie n'est plus. »

Il ne répond rien, mais son bras se resserre légèrement autour du mien. Je lui souris, et me dégage doucement de son étreinte. C'est ici que nos chemins se séparent.

« Adieux, et merci de m'avoir laissé entendre ta propre musique. »

Sans un mot, ses lèvres se posent chastement sur les miennes. Un dernier baiser. Doux et innocent. Puis, toujours sans un mot, il a disparu. Mon admirateur secret.

In My EyesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant