A ce moment, les arbres se resserrèrent autour d'eux dans un grondement assourdissant, forçant les trois compagnons à interrompre leur marche. Hako poussa un cri de frayeur, face à la menace d'être broyé par les troncs. Ils s'arrêtèrent après avoir formé une barrière au milieu de la route, pareille à un rempart d'écorces et de branches. Une pluie de feuilles mortes voleta au-dessus d'eux, projetée par un souffle puissant. Assailli par la végétation, le garçon ferma les yeux. La tempête passée, il ouvrit les paupières, prudemment.
– Que se passe-t-il ? s'écria-t-il d'une voix sur-aiguë.
– Ne crains rien, le rassura le loup. Tous les arbres de la forêt sont nos amis. Utilise ton pouvoir. Tu verras que ta peur est infondée.
Le garçon tendit son esprit en avant. Les arbres, de grands chênes frères de l'Esprit, étaient les gardiens de la clairière sacrée, chargés de lire dans leurs âmes pour vérifier leurs intentions. Impressionné par ce spectacle, le garçon se demanda comment les hommes pouvaient arriver jusqu'à la clairière sacrée et délivrer un secret à l'Arbre.
– Les hommes ne les voient pas, tant que leurs desseins sont pacifiques, expliqua Zön-Ki, comme s'il lisait dans ses pensées. Cependant, si l'un d'entre eux projette de s'attaquer à l'Esprit de la Forêt, les arbres l'écrasent.
Le garçon ravala sa salive, horrifié. Il essaya d'imaginer un bûcheron aplati par dix troncs, sans comprendre la situation, aveugle du danger.
– Ce n'est arrivé qu'une seule fois, ajouta la corneille.
Nuoza s'approcha à quelques pas des arbres. Arqué sur ses pattes arrières, le museau tendu en avant, il inspira profondément et souffla. Les chênes, en s'écartant, produisirent un roulement sonore. Le garçon écarquilla des yeux ronds, surpris par cet évènement sur-naturel.
– Oui, c'est assez impressionnant quand tu le vois pour la première fois, commenta Zön-Ki.
– C'est un rituel, expliqua le loup. Je leur ai demandé de nous laisser passer. J'ai juré sur l'intégrité de la forêt que nous ne voulons aucun mal à l'Arbre.
Le garçon fronça les sourcils. Nuoza reprit la marche. Hako resta un instant désorienté, incapable de croire ce qui venait d'arriver. Il reprit soudain ses esprits et courut rejoindre les animaux.
– Mais ils vous connaissent ! s'écria-t-il, arrivé à hauteur du loup. Tout cela est-il bien nécessaire ?
– Razek, lança la corneille depuis les airs.
Le garçon tordit le cou dans sa direction.
– De quoi ? fit-il, sans comprendre.
Le loup foudroya Zön-Ki du regard.
– Il n'a pas besoin de savoir ça ! dit-il.
– Savoir quoi ? s'enquit Hako.
Nuioza poussa un soupir las.
– Eh bien explique donc, corneille, dit-il, puisque tu ne peux tenir ta langue.
– Si tu me l'autorises, répondit Zön-Ki. Je comprends que les loups répugnent à évoquer ce souvenir.
Ils arrivèrent à une petite clairière parsemée de rochers moussus, éclairée par le soleil assombri d'un voile nuageux. La corneille vola tout près de Hako. Le loup la suivit du regard, l'air renfrogné.
– C'était il y a très longtemps, raconta-t-elle, à une époque où les premiers hommes venaient tout juste de s'installer dans la vallée. Comme chaque nouvelle année, l'Esprit de la Forêt avait élu un chef de la meute de ses gardiens, les loups. Razek était le plus fort et le plus vieux des fauves. Logiquement, il aurait dû être chargé du commandement. »
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Le Dernier Empereur
FantasyHako Naso est étrange garçon. Fils adoptif d'un bûcheron, il possède le pouvoir de voir la vraie nature des choses. Il peut lire dans les pensées des hommes et voir défiler leur vie en les regardant, comprendre le langage du vent, voir des images du...