Vous savez Armand c'est un paradoxe. Un paradoxe extraordinaire, pourtant Armand je ne le connais pas. Du moins, pas vraiment. J'aimerais hein, oui j'aimerais le lui dire mais qui je suis pour lui ? La fille du deuxième rang d'espagnol ? Non, non, je ne peux pas débarquer en lui disant "hé Armand, je t'espionne de mon pupitre toutes les heures depuis septembre et vraiment tu m'intrigue ! " . Non, non c'est inconcevable, inimaginable. Il n'empêche qu'il est un paradoxe, ouais, il sourit un jour sur deux, et il a dans ses yeux des lueurs de malade, c'est pas poétique, oui je l'avoue mais pourtant c'est la stricte vérité.
Armand, il a dans ses yeux des galaxies impressionnantes, des fleuves aux milles méandres, des symphonies envoûtantes. Ouais, Armand, ses yeux ils ont cette lueure de malade, bien qu'ils soient ni bleux, ni verts, non, ils sont marrons. Je crois que les yeux sont le reflet de l'âme, alors celle d'Armand reflète sa discrétion, sa sincérité, son calme, sa nervosité, sa tension, son impassibilité.
Je vous l'ai dis Armand est un paradoxe.
Vous savez, Armand je le vois souvent qui sort de la boulangerie devant le lycée, un croque monsieur dans la main et ses écouteurs dans les oreilles. Je crois qu'il va se poser près de la mer. Je ne sais pas ce qu'il va y faire, mais ça aussi ça m'intrigue. Je n'en suis pas encore venue à le suivre, ce serait flippant, mais j'y pense. Armand il a une seule amie. Une jolie brune aux cheveux étrangement longs, elle rie souvent dans sa parka rouge, j'en ai déduis qu'Armand était drôle.
Mais, Armand quand il est assis à son siège il parle pas, impassible, il regarde le vide. Il est ailleurs, je me demande ce qu'il se passe dans sa tête. La curiosité est un vilain défaut, en effet. Je me demande à quoi il pense. Armand il est si, absent, pourtant quand je croise ses prunelles, il a cette mine rieuse.
Je vous l'ai dis Armand est un paradoxe.
Des fois, il échange des banalités avec moi, le temps d'un instant je partage son temps, puis il repart, vers la boulangerie. Je pense qu'il doit avoir un abonnement là bas. Je suis même sûre qu'il sent le pain frais.
Armand parfois quand je le regarde, j'ai l'impression de me heurter à un château de glace. Une rempart de neige, fortifiée par de la haine.
Je vous l'ai dit Armand est un paradoxe.
En fait, Armand quand je croise ses yeux j'y vois pas mal de choses, je crois qu'Armand rêve beaucoup. Je crois aussi que comme beaucoup d'adolescent il se cherche. Mais Armand s'est déjà trouvé.
Armand est un paradoxe.
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21 têtes d'ampoules
Historia Cortails sont 21, 21 personnages un peu paumés, 21 éparpillés dans ce monde un peu fou, ni rose, ni noir, mais avec- peut être- des arcs en ciel. 2018