CHAPITRE 2

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Aujourd'hui, c'est samedi. J'ai enfin un peu de temps pour composer ma nocturne. Je décide de commencer par une vaste mélodie évoquant une tristesse absolue qui se trouve au plus profond de mon être avant de me faire déranger par un message arrogant de Charlie qui me demande pour la millième fois si Mozart est mon père. Ce garçon commence sérieusement à m'irriter. La seule personne qui me comprenne réellement est ma sœur. Elle se surnomme Maéva. C'est une personne au cœur énorme et je lui en suis reconnaissante. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien si elle souhaite devenir psychologue. Ma soeur, elle, a des cheveux châtains presque roux. Elle a un long front et des yeux vert tilleul toujours entourés de cils épais. Un petit nez et des lèvres pulpeuses qui, lorsqu'elle sourit, présente des fossettes à chaque coins de joues.
J'entends ma mère m'appeler depuis la cuisine. Je me lève du siège et me dirige vers la porte.
- Constanze chérie, pourrais-tu aller chercher du pain? Me demande-t-elle avec un sourire en coin.
- Pain blanc ou pain gris?
- Un de chaque sorte.
- J'y court! Déclarais-je en me dirigeant vers le porte manteau. J'attrape mon manteau, mon écharpe et mon bonnet puis sort de la maison. L'horizon est tout blanc. La neige tombe encore sous forme de gros flocons qui se déposent et fondent, lentement, sur mon manteau de cachemire. La neige craquelle sous mes pas qui laissent une parfaite empreinte dessus. Le vent souffle. La moitié de mon visage est caché par mon écharpe et je ferme les yeux à cause du vent. Le mains dans les poches, j'avance vers la petite boulangerie en bas de la rue.
Arrivée devant la boulangerie, je pousse la porte. La petite clochette retentit et les clients se retournent tous vers moi en me disant bonjour. Une délicieuse odeur de sucre vient me chatouiller les narines. Alors que j'avance vers la vitrine, j'entends une voix m'appeler. Cette voix, je pourrais la reconnaître entre mille. Charlie. Alors qu'il s'approche dangereusement de moi, je lève les yeux au ciel tout en soupirant.
- Quoi? Fis-je d'un ton sec.
- Rien, je voulais juste te dire joyeux Noël. Me dit-il en tendant là main.
- Et bien, joyeux Noël à toi aussi Charlie. Répliquais-je en déclinant sa poignée de main.
Sa commande faite,il quitte la pièce en m'adressant un regard. Je m'approche de la vitrine. Bûche et autres petites pâtisseries aux mille couleurs ornent le présentoir. Tout ça a l'air délicieux. Le comptoir est décoré pour Noël. Fausse neige et guirlandes scintillantes font de cette boulangerie un endroit enchanté.
- En quoi puis-je vous aider? Fait une voix féminine.
- Bonjour! Dis-je en souriant. Je voudrais deux pains s'il vous plaît. Un blanc et un gris.
Alors qu'elle me tourne le dos pour préparer ma commande, elle m'adresse un regard avant de me demander : " veux-tu une petite bûche de Noël avec ceci?"
- Je veux bien mais, j'ai juste l'argent pour les pains. Dis-je en baissant les yeux, une pointe de décevance dans la voix.
- C'est offert par la maison me dit-elle, enthousiaste. Après tout, c'est bientôt Noël !
- Merci! Dis-je alors qu'elle me tendait les pains et marchait vers la vitrine pour aller chercher la bûche. Elle l'emballe dans une jolie petite boîte rouge avec une écriture doré qui dit "joyeux Noël". Elle me tend la boîte. Je la prend et lui donne l'argent en la remerciant d'un sourire et d'un signe de tête. Le froid est toujours aussi présent. Je cours vers la maison, ma commande sous le bras.
Une fois rentrée, j'ôte ma tenue et me place devant la cheminée. Mes mains sont rouges et mon nez est glacé. Je place mes paumes vers le feu et ferme les yeux en frottant mes mains l'une contre l'autre. Ma mère se place à mes côtés. "Merci" chuchote-t-elle en me tendant une tasse fumante de chocolat chaud à la cannelle. Je la remercie et me lève afin d'aller chercher ma bûche et une cuillère. Ma mère, surprise, m'incite d'un regard à raconter l'histoire de la bûche. Je lui raconte, tout en prenant une cuillerée que je m'empresse de mettre dans ma bouche. La crème fraîche et le chocolat mélangé font une explosion de saveurs qui enchante mes papilles. Je soupir de satisfaction.
Il est 20h. Je suis entrain de lire un livre lorsque mon regard se pose sur le sapin qui est dressé, fièrement, dans le coin du salon. Les boules rouges, les guirlandes assorties et l'étoile scintillante placée au sommet du sapin me prévienne que demain, c'est enfin Noël. Toute ma famille sera réunie pour un repas de roi. J'ai tellement hâte. Je décide donc de monter au pays des merveilles car demain, une longue journée m'attend. Je me perd dans mes pensées et pénètre aussitôt dans mon monde parfait. Comme toujours, Mozart se tient devant moi mais je ne peux le toucher qu'avec les yeux. Triste réalité. Malgré tout, je reste là à briller devant ce génie incompris. Un peu comme moi sauf que lui se trouve dans la bonne époque. Le son des violons m'emporte à travers la ville. Je plane aussitôt à l'idée de trouver d'où provient ce son si divin. En fait, lorsque je ferme les yeux, j'oublie le monde qui m'entoure et je bâti ma vie dans ma propre époque. Là où j'aurais dû naître.
Une douce musique emplie ma chambre. Alors que mes yeux commencent doucement à se réveiller, le présentateur radio annonce : " ça y est, c'est Noël !" Ses paroles me font sourire. Je me lève et descends, toujours ce sourire béat sur les lèvres. Le sapin est toujours là mais, avec quelque chose en plus. Les cadeaux ! Je me dirige vers le pied du sapin et prend la boîte qui m'est destinée. Mon nom est écrit dessus en lettres calligraphiques. Le papier brille et quelques bonshommes de neiges sont éparpillés dessus. Je l'ouvre, les yeux brillants, comme une enfant. A l'intérieur, se trouve diverses objets vintage notamment des disques de Mozart et des carnets anciens. Au fond de la boite, se trouve une lettre qui dit: " Chère Constanze, comme tu as été sage, voici quelques présents que je t'offre avec joie. Signé, le père Noël". Voilà bien longtemps que je n'y crois plus mais l'âme d'enfant qui est enfuie en moi continue d'y croire. C'est ça qui est magique.
L'horloge sonne midi. Les invités vont arriver d'une minute à l'autre. Dans la maison, tout le monde s'active. Ma mère, derrière les fourneaux. Ma soeur, dans la salle de bain pour peaufiner sa coiffure. Mon père, lui, s'occupe de ramasser les épines tombées du sapin. Quant à moi, je décide de décorer mon piano avec une guirlande lumineuse. Mon piano, c'est le seul membre que je ne vous ai pas présenté. Il date de 1924. Il est fait tout de bois dans lequel diverses enluminures sont sculptées à la main. Les touches sont en ivoire et le son, lui, est pur et authentique. Je prend soin également de déposer mon violon sur le dessus du piano qui reluit à cause du jeu de lumière. Une fois toutes les tâches accomplies, nous nous réunissons au centre du salon. Nos tenues sont magnifiques. Pour ma part, je porte une robe bleue marine avec une ouverture en dentelle dans le dos et une ceinture blanche autour de la taille. Ma mère et ma soeur portent aussi des robes et mon père, lui, est en costume.
La sonnette retentit. Ma mère part accueillir les premiers invités tandis que nous nous installons autour de la table pour l'apéro. Toute la famille présente, nous pouvons commencer à manger, boire et discuter tout en rigolant.
Alors que la bonne humeur bat son plein, ma mère nous appel depuis la cuisine pour qu'on puisse se mettre autour de la table, spécialement décorée pour cet événement qui n'a lieu qu'une fois par an. Ma mère, plat en main s'avance en souriant. La célèbre dinde rôtie accompagnée de ses légumes et autres petits mets délicieux trône au centre de la table. Un énorme "ah" enthousiaste se fait entendre dans la salle à manger. Nous mangeons dans le brouhaha des rires et cris des enfants.
C'est l'heure du dessert. Une énorme bûche arrive devant nos yeux ébahis. Des petits pères Noël en sucre décorent la bûche. Une fois le dessert terminé, je m'assieds devant le piano et entame une mélodie de Noël. Lorsque je commence a chanter, ma famille me suit et, c'est un moment rempli d'émotion que nous passons, tous ensemble.

La pierre des ténèbres Où les histoires vivent. Découvrez maintenant